Échelles urbaines et Temporalités du Grand Paris :
Le cas de Châtenay-Malabry (1919-2020)
Mardi 14 septembre 2021, 14h-18h
École nationale supérieure d’architecture de Paris-Belleville, Salle 12
60, Boulevard de La Villette, 75019 Paris
Conception et coordination scientifique :
Alexandre Callens et Loïc Vadelorge
La deuxième séance du Séminaire IGP 2021 sera dédiée à « Échelles urbaines et Temporalités du Grand Paris – Le cas de Châtenay-Malabry (1919-2020) – ».
Comme d’autres communes de l’ancienne Seine-banlieue, Châtenay-Malabry fait l’objet depuis le début du XXIe siècle de projets successifs de renouvellement urbain. Ils touchent à la fois la première séquence d’aménagement qu’a constituée, dans l’Entre-deux-guerres, la cité-jardin de la Butte Rouge, les équipements d’enseignement supérieur hérités des Trente Glorieuses (Faculté de Pharmacie de l’Université de Paris, École centrale de Paris) et l’axe historique qui traverse la commune d’est en ouest (Avenue de la Division Leclerc). Le lancement récent d’un éco-quartier ambitieux, sous l’égide de l’opérateur Eiffage et d’une SEMOP unique en Île de France, masque la tension historique qui pèse sur le patrimoine architectural, urbain et paysager et par voie de conséquence sur l’histoire sociale de la cité, longtemps bastion socialiste (1907-1995). L’objectif du séminaire est de réaliser le croisement des approches patrimoniales, architecturales, paysagères, urbanistiques et historiques développées récemment sur un site qui constitue une borne témoin d’un Grand Paris qui se refait sur lui-même.
Contacts
Yoko Mizuma (yoko.mizuma@enpe.fr)
Alexandre Callens (alex.callens@gmail.com )
Loïc Vadelorge (loic.vadelorge@univ-eiffel.fr )
Programme
14h -14 h15
Introduction
Alexandre Callens (doctorant IPRAUS) et Loïc Vadelorge (professeur d’histoire contemporaine, Université Gustave Eiffel, laboratoire ACP EA 3350)
Première partie : Héritages et Innovations
14h15-14h45
Laura Fromentin (ingénieure d’études historique, ISITE FUTURE, programme E3S, laboratoire ACP EA 3350) : « Renouvellement urbain et instrumentalisation des héritages locaux »
Depuis le début des années 2010, la ville de Châtenay-Malabry est entrée dans une longue phase de renouvellement urbain, initiée par la « modernisation » du centre-ville et touchant progressivement les éléments emblématiques de la commune : l’Ecole Centrale devient un écoquartier résidentiel, la Faculté de Pharmacie sera transformée en éco-business-parc, l’axe majeur de la ville (l’ancienne route royale devenue l’avenue de la Division Leclerc) va accueillir le tramway T10 ainsi qu’une multitude de programmes immobiliers, et enfin la cité-jardin de la Butte-Rouge doit devenir « la cité-jardin du XXIe siècle ». Voici le programme politique et urbain enclenché par la municipalité LR de Georges Siffredi et de Carl Segaud. A l’opposé de ces quartiers en mutation, d’autres quartiers sont protégés par les documents d’urbanisme locaux à l’instar de quartiers pavillonnaires. Se dessine ainsi progressivement un nouveau Châtenay-Malabry, dont l’image correspond davantage aux imaginaires du maire bâtisseur qu’il convient d’interroger. La refonte de la ville constitue dès lors un levier politique de poids.
L’entrée par les héritages, proposée dans cette communication, est significative à Châtenay-Malabry, puisque c’est à travers une sélection historique et patrimoniale assumée que la municipalité a forgé son identité et oriente à la fois sa politique patrimoniale et sa politique urbaine. Le nouvel écoquartier La Vallée, en cours de réalisation sur l’ancien site de l’Ecole Centrale, témoigne de la place problématique et de la sélection des héritages urbains, ainsi que de leur matérialisation. Interroger l’instrumentalisation de ces héritages locaux, qu’il s’agisse de valorisation, d’effacement ou encore de manipulation, dans les opérations de renouvellement urbain, est une manière de questionner la place de l’histoire et du patrimoine dans la fabrique de la ville et la manière dont ils sont mobilisés par les pouvoirs municipaux pour servir leurs stratégies politiques, allant jusqu’à la fabrique de nouveaux imaginaires. Cette communication s’appuiera sur un corpus documentaire varié accumulé et agrémenté par le master Diagnostic historique et aménagement urbain.
14h45-15h15
Loïc Vadelorge (professeur d’histoire contemporaine, Université Gustave Eiffel, laboratoire ACP EA 3350) : « Le Grand Paris a-t-il besoin de démonstrateurs urbains ? Mettre en perspective historique la figure de l’innovation d’un écoquartier »
Le lancement très médiatisé de l’éco-quartier La Vallée de Châtenay-Malabry en 2016 constitue en apparence une opération classique du renouvellement urbain, à l’œuvre dans la Petite Couronne et dans les Hauts de Seine en particulier depuis les années 1990. Piloté par la mairie LR de Châtenay-Malabry, associée à Eiffage Aménagement, le projet s’appuie cependant sur une rhétorique de l’innovation, rarement déclinée à cette échelle et qui mérite d’être mise en perspective historique pour en comprendre les ressorts profonds. Au-delà de la simple promotion du développement durable, mise en avant par la Ville, l’écoquartier est aussi présenté comme un « démonstrateur » par le groupe Eiffage, qui conjugue l’innovation dans tous les sens possibles : constructive, hydrologique, paysagère, fonctionnelle, infrastructurelle, procédurale, environnementale, numérique… La signature en 2019 d’un partenariat avec l’ISITE FUTURE place les chercheurs et les universitaires de Paris-Est dans une position paradoxale de promoteurs de cette innovation urbaine, tout en leur facilitant l’accès à un terrain d’études où se jouent quelques-uns des enjeux du renouvellement urbain du Grand Paris des années 2020. Au-delà d’un retour d’expérience de formation et de recherche, cette communication vise à dépasser la posture critique du rejet de la figure des éco-quartiers, caution d’une mixité sociale et fonctionnelle qui renforce en réalité les clivages sociaux de l’espace francilien. La figure de l’innovation n’est en effet pas neuve. Des cités-jardins d’Ile de France aux écoquartiers contemporains en passant par les villes nouvelles, elle a créé au cours du XXe siècle une série de laboratoires du Grand Paris, curieusement oubliés par les générations successives d’aménageurs, qui se sont positionnés systématiquement « contre » les projets antérieurs, accusés de tous les maux, en les délestant au passage de leur capital d’innovation. Retracer cette histoire, c’est tenter de comprendre le caractère mobilisateur et opératoire de la figure de l’innovation urbaine et en restituer les limites objectives. On s’appuiera ici sur les matériaux documentaires et les archives orales réunis au cours de deux saisons d’ateliers du master Diagnostic historique et aménagement urbain.
15h15-15h45 : Temps de discussion
15h45-16h : Pause
Seconde partie : Échelles et Paysages
16h00-16h30
Bernadette Blanchon (architecte DPLG, maître de conférences en sciences humaines et atelier de projet à l’ENSP de Versailles, LAREP): « La Cité-jardins de la Butte Rouge : face aux paradoxes et limites d’une reconnaissance patrimoniale et sociale avérée, le paysage peut-il représenter un levier d’actualité ? »
La Cité-jardins de la Butte-Rouge réalisée en 7 tranches de 1931 à 1965, constitue un élément majeur du patrimoine de la commune de Chatenay-Malabry, bien reconnu aux niveaux national et international. Pourtant le projet de rénovation inscrit dans la modification du PLU et porté par la Mairie prévoit une préservation très limitée et la transformation/ démolition de la plupart du site. Après un bref rappel des éléments de cette situation controversée, la communication reviendra sur quelques aspects transversaux entre données historiques et enjeux actuels, au prisme de la dimension du paysage, pour interroger le faible écho des arguments scientifiques et des actions d’associations locales pour une alternative à cette issue programmée.
L’exemplarité exceptionnelle, à la fois architecturale, urbaine, paysagère et sociale de ce quartier, depuis longtemps déclinée, s’est concentrée sur les dimensions architecturales et urbaines de ce patrimoine du XX° siècle (ce que confirme l’évolution du Label éponyme en Architecture contemporaine remarquable). Ses caractéristiques -plus ordinaire, plus social, plus paysager…, seraient autant de dimensions à revaloriser au vu des enjeux des transitions sociale et environnementale en cours. Soit celles d’un paysage dessiné et structurant, au-delà du rôle de compensation environnementale, celle d’un marqueur unique de la construction d’un paysagisme moderne dû au paysagiste A. Riousse, celle de son rôle-clef dans l’enseignement de l’architecture et du paysage intégrant une pratique de terrain, ou celle encore de la gestion et de l’entretien dans le temps… La dimension paysagère, paraît une ressource à la fois reconnue et tenue à distance pour interroger à la fois la banalisation des figures de l’urbanisation de la banlieue/grand Paris et celle de la reconnaissance de formes à premières vue « ordinaires » du patrimoine – dont elle pourrait contribuer à renouveler l’approche.
A quelles conditions pourrait-on penser de nouveaux leviers, en revenant sur la déclinaison de ces dimensions patrimoniales et en explorant les modalités d’une approche paysagiste multi- scalaire, comme projet sur la longue durée ? L’exposé s’appuiera sur une étude menée pour l’Institut CDC pour la recherche « Patrimoine, paysage et logement social » (ENSP, 2020), ainsi que sur les travaux réalisés au sein des modules « Espaces ouverts urbains / Lectures critiques de projet » (M1) à l’ENSP de Versailles, notamment en 2020-21.
16h30-17 h00
Alexandre Callens (architecte DE – HMONP, doctorant en urbanisme et aménagement de l’espace au laboratoire IPRAUS – ENSA Paris-Belleville) : « Des motifs paysagers pour interpréter le renouvellement urbain du patrimoine du XXème siècle: Essai d’analyse comparative d’opérations du Grand-Paris et de leur devenir »
A Chatenay-Malabry, le projet de rénovation de la cité-jardin de la Butte-Rouge construite entre 1931 et 1965 est l’objet d’une polémique médiatisée. Malgré un changement de population lié à cette opération, la critique porte davantage sur la dimension patrimoniale. En effet, des démolitions sont envisagées par les élus municipaux tandis que le ministère de la culture appelle à sa préservation. Certains professionnels et chercheurs de l’histoire de l’architecture, de l’urbanisme et du paysage interviennent dans ce débat pour défendre ce patrimoine, et ils se réfèrent à d’autres exemples de projets contemporains intervenant sur des opérations caractéristiques de l’urbanisme des années 1920-70 du Grand-Paris. Ainsi, ce cas de Châtenay-Malabry pose la problématique de la place de la connaissance scientifique historique de l’urbanisme du XXème siècle au sein des processus de renouvellement urbain, et des décisions politiques associées.
Cette communication contribue à ce questionnement en proposant un outillage d’analyse d’ensembles urbains significatifs de l’histoire urbaine, dans le temps long de leur mise en œuvre et de leur transformation récente et à venir, à la fois dans une perspective de recherche scientifique et de diagnostic opérationnel. Elle esquisse pour cela une réflexion sur un outil conceptuel d’interprétation issu des démarches paysagères, le « motif », utilisé dans le cadre d’une approche comparative. Son enjeu est d’identifier et questionner quelques positionnements significatifs de l’aménagement du Grand-Paris contemporain par rapport aux opérations d’urbanisme des années 1920-70, tels qu’ils apparaissent dans la conception spatiale des rénovations et la rhétorique politique qui les accompagnent. L’articulation avec les processus opérationnels est envisagée à travers la prise de recul et le débat susceptible d’être engagé par cette démarche interprétative synthétique. Notre argumentation se basera sur le travail mené lors d’un enseignement à l’université Gustave Eiffel, autour d’un essai comparatif entre le projet en cours à Châtenay-Malabry et le renouvellement urbain de la cité-jardin du Plessis-Robinson et de la cité de la Plaine à Clamart
17h00-17h45 : Temps de discussion
17h45
Conclusion
Bernadette Blanchon (architecte DPLG, maître de conférences en sciences humaines et atelier de projet à l’ENSP de Versailles, LAREP)