Cette communication se propose de présenter une partie de mes recherches doctorales, qui s’attachent à analyser des projets d’autoroutes urbaines parisiennes projetés dans les années 60 puis annulés à la fin des années 70. Ces projets infrastructurels sont étudiés par le biais de leurs contestations, en analysant les discours critiques exprimés aussi bien par les mobilisations citoyennes que par des architectes et des urbanistes critiques. J’analyse aussi les conséquences de ces discours critiques sur la conception et l’aménagement de ces projets, avant leur abandon. Par conséquent, il me semble que je suis la moins experte sur le sujet du boulevard périphérique aujourd’hui, mes recherches ne portant pas spécifiquement sur cette infrastructure, mais sur d’autres, constituant à ses côtés un vaste réseau de voies express, de radiales, d’axes, projetés simultanément à sa construction. Elles traversent la capitale de part en part, d’est en ouest, du nord au sud. Elles quadrillent, desservent et décongestionnent. Ces tronçons « autoroutiers » dont la longueur, la largeur et le nombre de voies varient, raccordent la capitale aux autoroutes nationales qui convergent vers Paris [ Voir Fig. 1 ] . L’enjeu de ces autoroutes urbaines en réseau au côté du boulevard périphérique, en plus de répondre donc à l’essor de l’automobile et d’améliorer les conditions de circulation, est de participer à faire de la ville le « Paris capitale », le « Paris Métropole [1]» que l’on attend d’elle :
« Il faut que Paris, une fois de plus, s’adapte aux exigences modernes de son rôle millénaire. Cela, Paris aujourd’hui le sent et le sait. L’efflorescence des idées, l’effervescence des discussions sur ce thème, les projets en cours de voies nouvelles, autant de preuves de ce début de renouveau.[2] »
Comme le Schéma Directeur d’Aménagement et d’Urbanisme de la Région de Paris de 1965 le stipule clairement, l’enjeu pour Paris est également de rivaliser et rayonner hors des frontières françaises, avec d’autres villes européennes, se comparant aux villes étatsuniennes. Le célèbre numéro spécial de Paris Match de 1967, intitulé Paris dans 20 ans[3], énonce sur papier glacé le progrès et la modernité de l’urbanisme du futur, face aux grands enjeux urbains de la fin des années 1960. Pour cela, Paris Match convoque la transformation du Paris « encombré », « vétuste » et « anarchique » pour en faire une capitale du 21ème siècle. [ Voir Fig. 2 ] Pour présenter ce Paris de l’an 2000, Paris Match illustre un réseau d’autoroutes de six à huit voies sous la forme de doubles lignes bleues, accompagnées de noirs représentant les zones de stationnement. La place qu’occupent les infrastructures routières dans l’urbanisme du futur est explicite.
L’Atelier Parisien d’Urbanisme effectue en 1969 une « Étude prospective de la circulation dans le centre de Paris »[4], dans laquelle ce réseau projeté est analysé [ Voir Fig. 3 ] . Le plan propose plusieurs hypothèses, répondant à des questions purement techniques de résolution de problèmes liés à la circulation. Dans l’hypothèse à minima figurent le Boulevard Périphérique en chantier, la Voie Express Rive Droite achevée, et la Voie Express Rive Gauche encore en projet. Dans l’hypothèse préférentielle, l’Axe Nord-Sud reliant la Porte d’Aubervilliers à la Porte d’Italie en passant sur le canal Saint-Martin et la radiale Vercingétorix qui relie Montparnasse à la Porte de Vanves, pour être directement connectée à l’A6, sont ajoutés. A l’exception de la Voie Express Rive Droite et du Boulevard Périphérique, toutes les autres voies express, axes et radiales seront abandonnées. Ces infrastructures routières jamais construites, qui font l’objet de ma thèse, resteront dans les cartons du préfet. Par ailleurs, parallèlement à la publication de ces différents tracés et à leurs promotions, les contestations s’élèvent : des associations de riverains se créent et se mobilisent, tandis que les discours de certains architectes et urbanistes critiques s’aiguisent. Leur objectif commun est très clair, il s’agit d’empêcher la construction de ces autoroutes qui « défigurent » et « balafrent » le paysage urbain existant, mais aussi et surtout exproprient et expulsent ses habitants. Cette contestation prend toute son importance compte tenu de l’abandon successif de ces projets d’autoroutes urbaines.
Précisons qu’il existe d’autres foyers de mobilisation, précurseurs et concomitants, dans d’autres contextes : citons à titre d’exemple les Freeway Revolts aux États-Unis, et les Homes Before Roads à Londres. C’est aux États-Unis que les mobilisations citoyennes contre les infrastructures routières ont commencé à se constituer, dès les années 1950. A San Francisco, où j’ai étudié les archives relatives à ces mouvements [ Voir Fig. 4 ] , le mouvement des Freeway Revolts a eu pour conséquence l’abandon de 70 % du réseau d’autoroutes projeté par le Plan d’Aménagement de la ville. Cette mobilisation est importante parce qu’elle incarne un modèle de révolte contre ces autoroutes urbaines ; les mobilisations parisiennes regardent vers les États-Unis et se réfèrent à ce contre-modèle étasunien pour argumenter en faveur de l’annulation des projets d’infrastructures routières. La contestation parisienne n’est donc pas un phénomène isolé, et à cette même période en France, d’autres projets d’autoroutes urbaines seront contestés, à Rennes, à Lyon ou encore à Marseille. Nous pouvons avancer l’hypothèse que ces contestations et leurs arguments ont participé, d’une certaine manière, à l’abandon de ces projets d’infrastructures. Cette hypothèse peut se formuler au regard de trois projets infrastructurels abandonnés de l’hypothèse préférentielle de l’étude de l’APUR citée précédemment[5] : l’Axe Nord-Sud, la Voie Express Rive-Gauche, et la Radiale Vercingétorix. À partir de ces trois études de cas, j’étudie comment les mouvements et les mobilisations participent à l’abandon de ces projets, et à la disparition des autoroutes urbaines des schémas directeurs. A la fin des années 1970, les autoroutes ne traverseront plus la ville. De grands contournements, des rocades, des pénétrantes prendront la suite et seront créés. Il est possible à ce sujet de constater qu’actuellement, il existe autant de contestations qu’il y a de projets d’autoroute ou de contournement. L’autoroute, en revanche, ne traverse plus la ville. Dans quelles mesures les contestations des autoroutes urbaines sont-elles annonciatrices d’une crise de la modernité en architecture, et d’un changement de paradigme ? Quels sont les impacts ou les conséquences de la contestation sur la conception et l’aménagement de l’autoroute urbaine ?
Il s’agit ici de de présenter une esquisse des arguments des contestations, des discours critiques des architectes et des urbanistes aux côtés des mobilisations citoyennes, dont les archives de la ville de Paris, et plus précisément celles du préfet de la Seine, se révèlent être des sources très précieuses. J’analyserai aussi la manière dont l’une et l’autre se font écho, comment certaines mobilisations auront des répercussions sur les autres, et comment elles se répondent, au regard de la nature de la contestation et des enjeux urbains qui diffèrent. Puisque tous ces projets constituent un vaste réseau, il est aussi important d’analyser le contexte infrastructurel et urbain dans lequel a évolué le boulevard périphérique. J’évoquerai donc la place qu’il occupe dans le débat, l’impact qu’il a pu produire sur l’opinion publique, les contestations s’élevant publiquement au moment du chantier et de la mise en service de ses premiers tronçons.
L’axe Nord-Sud et « L’équilibre de Paris »
C’est ainsi que l’axe Nord-Sud est pensé au sein du réseau. Il est, selon une étude de l’APUR « l’idée force des dix années à venir autour de laquelle l’urbanisme parisien retrouvera son équilibre »[6]. L’ambition est de créer autour de cet axe majeur un pôle d’affaires à l’Est, pour rivaliser avec Bercy et la Défense, alors en projet. Il s’agit « de sauver l’Est parisien du déclin ». L’autoroute incarne la promesse d’une nouvelle centralité, dans toute l’ambivalence que cela suppose [ Voir Fig. 4 ] . L’axe Nord-Sud est une opération de rééquilibrage. Il s’agit donc non seulement d’une infrastructure routière pour désengorger la ville, mais aussi d’une « épine dorsale » d’un projet urbain de développement économique, voire d’un quartier d’affaires. Les plans de l’étude, produits pour la SACEP indiquent la construction de plusieurs milliers de mètres carrés de surface de plancher, d’activités tertiaires et de petites industries, afin d’offrir 100 000 emplois le long de l’axe. Le projet urbain est ici incarné par une infrastructure routière, et l’axe est ici une nouvelle centralité linéaire. L’infrastructure résout d’autres problèmes que ceux de la circulation. Les complications s’énoncent lorsque se concrétise cette idée force, pour laquelle il faut détruire des milliers de logements, arracher des centaines d’arbres, et couvrir de béton le canal Saint-Martin. C’est ce que vont dénoncer les contestations.
Les contestations s’expriment en premier lieu par la constitution d’associations de riverains. Les courriers qu’elles adressent au préfet sont conservés aux Archives de la Ville de Paris que j’ai eu l’occasion de dépouiller. Pour n’en citer qu’une, j’évoquerai l’ADRANS, l’association de défense des riverains de l’axe Nord-Sud. Cette association est la plus identifiée, notamment par le Préfet de la Seine, mais aussi par la Préfecture de Police qui renseigne l’état civil, l’adresse, le métier et le casier judiciaire de chacun des membres de l’association. Ces archives contiennent également une cinquantaine d’articles de presse sur le sujet. Ces coupures de presse m’intéressent d’autant plus qu’elles ont été collectées, découpées, soulignées et soigneusement classées dans un dossier intitulé « Axe Nord-Sud » par le cabinet du Préfet. Il faut donc souligner, avant même l’analyse des arguments contenus dans ces articles, la grande vigilance des pouvoirs publics à l’égard de ces contestations contre l’axe Nord-Sud. Effectivement, le Préfet écoute attentivement les contestations. Les articles en question diffusent de 1966 à 1969 : la lutte des associations ; les mobilisations ; les manifestations ; les réunions ; l’inquiétude des riverains ; le sujet brûlant des expropriations ; les arguments opposant l’homme à la machine ; la ville ancienne à l’infrastructure. Ce « monstre hybride [7]» menace le cadre de vie, le bien-être et la santé de l’habitant de Paris. Les droits vitaux que sont l’air et l’eau sont réclamés. Sauver le canal Saint-Martin de l’autoroute incarne un débat qui vise à définir l’urbanisme du futur, et le futur, rappelons-le donc, c’est l’an 2000. Ainsi, Marcel Cohen, journaliste à Paris Jour, écrit en 1967 :
« La décision de construire ou non une autoroute en plein Paris ne chagrine pas seulement les poètes et les amoureux du canal Saint-Martin qui devra disparaître, c’est bel est bien la décision la plus grave que l’on puisse prendre concernant le Paris de l’an 2000. [8]»
« Paris ne doit pas devenir comme Los Angeles ![9] » : Les États-Unis sont convoqués à ce sujet pour remettre en cause « les dangers d’un certain progrès ». Les étudiants en architecture proposeront des contreprojets qui, selon un article de 1968, disent « Non et re-non à tant de laideur planifiée ! »[10]. Pour cela les étudiants fabriquent des maquettes préservant toutes le canal Saint-Martin, proposant un grand lac, des loisirs, des espaces verts : plus de béton, ni de bruit ou de pollution. L’analyse de ces archives permet d’identifier l’axe Nord-Sud comme un territoire politique singulier, dont les mobilisations citoyennes s’emparent pour dénoncer et aborder des préoccupations urbaines bien plus globales. Il s’agit de la sauvegarde du bâti ancien, de préoccupations écologiques naissantes, mais également du besoin de participation des habitants à la construction de leur ville. Tant que l’autoroute est une idée, elle semble possible, mais la concrétisation devient extrêmement problématique. Il n’est plus question seulement d’un principe ou d’un tracé, mais d’une infrastructure réelle, du nombre de ses voies, de son emprise, de sa position, du nombre de logements détruits, d’arbres arrachés, et quel en sera le coût. Du reste, à l’issue de l’abandon officiel de l’axe Nord-Sud en 1976, une réflexion sur la revalorisation du canal Saint-Martin sera engagée par l’APUR[11].
Ces coupures de presse collectées entre 1966 et 1968 ont été publiées dans un contexte parisien particulier. Effectivement Paris est, à ce moment-là, une ville de chantiers. J’emprunte ce terme à l’une des communications que le Préfet de Paris prononce en 1969, « Paris, ville de chantiers »[12], lors de laquelle il explique et énumère tous les grands travaux d’aménagement en cours dans la capitale participant au renouveau de Paris. Il introduit son papier sur « les gigantesques efforts de modernisation que les Parisiens apportent à leur ville », précisant que cela ne va pas sans une certaine gêne de la vie quotidienne. Le quotidien des Parisiens est donc, pendant cette période, bouleversé par ce contexte de grands travaux d’aménagement, et parmi ces grands travaux d’aménagement – soit plus de 700 chantiers simultanés relevés sur la voie publique dont 250 chantiers de voiries – figure en premier lieu le boulevard périphérique. Le boulevard périphérique apparaît donc auprès des autoroutes urbaines en projet, l’infrastructure référente. C’est à partir de lui que se tissent les autoroutes en réseau, et c’est aussi à partir de lui que se poseront les contestations. L’une des questions récurrentes qui anime notamment le Conseil de Paris en 1967 est bien celle-ci : Pourquoi construire un Axe Nord-Sud puisqu’il existe le Boulevard Périphérique ? Une des réponses à cette question rejoint l’idée que l’enjeu infrastructurel ne se situe pas seulement dans la résolution de problèmes liés à la circulation. En revanche, le sujet de la saturation du boulevard périphérique s’ancre relativement tôt dans le débat, c’est-à-dire avant même son inauguration. La saturation est énoncée comme une sentence, elle plane au-dessus de chaque projet d’autoroute. La voie express Rive Droite jouera d’ailleurs le même rôle de mise en garde par rapport aux autres projets, à laquelle les contestations se référeront constamment. La dualité entre l’Axe Nord-Sud et le Boulevard Périphérique apparaît dans les débats au conseil municipal lorsqu’il s’agit de statuer sur la nature de l’axe : S’agit-il d’une voie de desserte ou d’une voie de transit ? Par où passeront les camions ? A cette question ultime, la réponse s’appuie sur la présence du Boulevard Périphérique pour annuler la pertinence de l’Axe Nord-Sud : on ne traversera pas Paris en camion.
Projeter une voie rapide face à Notre Dame
Les contestations contre la Voie Express Rive gauche s’annoncent plus tardivement, en 1972, autour d’un événement particulier : l’exposition d’un de ses tronçons au Salon de l’Hôtel de Ville. La Voie Express Rive Gauche, projetée sur les quais qui longent la Seine, traverse la capitale du pont d’Austerlitz au pont de l’Alma. Elle fait face à la voie express Rive Droite, inaugurée en 1967 et aussitôt saturée. On regarde donc, depuis les futurs quais autoroutiers, les embouteillages se former de l’autre côté de la rive. C’est une partie tout à fait particulière de l’autoroute qui s’expose au salon de l’Hôtel de Ville puisqu’il s’agit d’un tronçon d’un kilomètre, situé entre le pont de Sully et le pont Saint-Michel, dénommé « tronçon Notre-Dame » et qui fait face, comme son nom l’indique, à Notre-Dame et à l’Ile de la Cité [ Voir Fig. 5 ] . L’enjeu principal de l’exposition est bien de ne pas commettre les mêmes erreurs qu’avec l’axe Nord-Sud, et de gagner l’adhésion de l’opinion. Si l’autoroute est exposée alors il faut la penser et l’aménager. Pour cela des projets sont conçus, des plans et des coupes sont dessinés, des maquettes sont fabriquées. Il existe trois variantes d’un même projet sur ce tronçon : une proposée par l’APUR, une de la Direction de l’Aménagement, et une autre d’un promoteur privé UAT qui propose de faire passer la voie express sous la Seine [ Voir Fig. 6 ] . Ces variantes déploient chacune une politique d’aménagement particulière. Les photographies de maquettes produites pour l’occasion sont finalement des maquettes d’ « amphithéâtres de verdure en gradin vers la Seine »[13], selon les descriptions. Effectivement, dans ces maquettes [ Voir Fig. 7 ] , l’autoroute se fait discrète : elle est engloutie dans un caisson ou sous la Seine. Cette exposition cristallise un moment de basculement dans la mise en forme du projet infrastructurel, un ou deux ans avant l’inauguration du Boulevard Périphérique. Cette autoroute urbaine initialement considérée comme un objet scientifique, statistique et mathématique, maîtrisé par l’ingénieur, devient une infrastructure dont les architectes vont devoir concevoir un aménagement, une architecture. Et dans le projet d’architecture, l’infrastructure disparaît. Les concepteurs se confrontent ainsi à cette ambivalence, presque prémonitoire, de l’infrastructure-architecture qui, dès lors que l’on précise les conditions de sa concrétisation, se voit précipitée dans l’abandon.
L’opinion publique ne sera pas réconciliée avec l’infrastructure routière, malgré cet effort d’aménagement et d’exposition. Il existe un « livre d’or » mis à disposition du public à l’issue de l’exposition dont l’objectif initial consistait à connaître la faveur des visiteurs au sujet d’une des trois variantes proposées. Ce livre conservé dans les archives du Préfet de la Seine, constitue un matériau très précieux pour analyser la réception de l’exposition. Le temps de cette communication ne permet pas de développer davantage les arguments pourtant passionnants de ces avis, mais ceux-ci ont troqué le livre d’or en cahier de doléances. À la lecture de ces centaines d’avis, l’échec de l’effort d’aménagement de la voie express est flagrant :
« Non non non aux projets présentés ! Voilà un exemple flagrant de l’urbanisme le plus anti-démocratique qui soit. Non parce que la voie express est faite pour quelques automobilistes privilégiés, ce qui ne résoudra pas le problème de la voiture à Paris. Non parce qu’on détruit un peu plus le patrimoine culturel qui appartient à tous. Non parce qu’on supprime encore un peu plus le libre droit pour tous de disposer de la ville comme on le veut : marcher, se reposer au soleil, s’aimer au bord de l’eau. Non parce qu’on empoisonne un peu plus l’air et l’eau de millions de Parisiens ! Non parce que la décision de construire la voie express est faite de manière partielle, sans information suffisante, par des élus incompétents. Non parce qu’on essaie de faire avaler au public, sous forme de maquettes coloriées, anodines et idéalisées un problème d’une extrême gravité qui devrait être étudié sérieusement et publiquement ! Assez de la dictature du Préfet ! Quand les Parisiens se lèveront-il pour défendre leurs droits ?[14] »
Ce recueil donne également naissance à une quatrième variante, énoncée à de nombreuses reprises avec concision : « pas d’autoroute dans Paris ». D’autres formulations plus ironiques et acerbes proposent de « dévier l’autoroute Quai de Béthune », là où se situent les appartements de Monsieur Pompidou, « transformer Notre-Dame de Paris en nœud autoroutier », « recouvrir la Seine d’une dalle béton », ou « faire de Paris une ville autoroute dans laquelle les piétons seraient interdits ».
Mes recherches formalisent finalement un moment précis dans l’histoire de ces projets d’autoroutes urbaines. Les pouvoirs publics communiquent et concertent, face aux contestations grandissantes, qui s’opposent et déploient différents arguments contre les expropriations, les atteintes à l’environnement et au patrimoine qu’engendre la concrétisation de ces projets infrastructurels au sein des villes. L’autoroute urbaine tente d’incarner ici, non plus une solution infrastructurelle pour résoudre le problème de la circulation à Paris, mais une réponse à des préoccupations d’urbanisme. A la question de l’urbanisme du futur, les mobilisations citoyennes et auteurs des contestations formulent une réponse claire : l’autoroute urbaine ne résout pas le problème de la circulation dans Paris et n’est pas l’objet qui devrait incarner le futur de la ville.