Merci pour votre invitation à ce séminaire. Je crains d’apparaitre comme une sorte d’ovni dans ce milieu de l’architecture étant donné mon parcours orienté vers la civilisation française. J »enseigne à Aberdeen dans le cadre des french cultural studies, et mon domaine de recherche se situe dans la culture et la littérature de la France de l’après-guerre essentiellement. Peu à peu, j’ai été amené à travailler sur des questions d’espace, de territoire, d’aménagement et d’urbanisme. Mon approche n’est pas celle d’un spécialiste en architecture et urbanisme, mais plutôt celle de quelqu’un qui travaille surtout avec des textes et des images, pour essayer de comprendre leurs relations, comment elles produisent du sens et des environnements réels. Je m’intéresse à l’aménagement du territoire car c’est une activité qui navigue entre le domaine symbolique, avec textes, cartes et autres techniques, utilisées pour exprimer des visions du futur, et le domaine empirique des réalités concrètes de la vie quotidienne. Une activité qui produit l’un à partir de l’autre, et a le pouvoir de créer des rêves concrétisés.
Les images travaillent, et j’aime particulièrement cette photographie, prise lors d’une réunion à la préfecture, qui montre Paul Delouvrier devant une photographie aérienne de la région parisienne. Elle me semble très parlante. De même, lors de l’établissement du schéma directeur de 1965, de nombreuses images du Paris imaginé circulent dans divers contextes, comme dans les pages de Paris Match qui jouera un rôle assez important dans la dissémination de cette vison du futur. S’emparant du sujet, la couverture du magazine présente en gros titre « Paris dans 20 ans », et expose le sujet avec ses propres moyens techniques. Plus tard, à la télévision, Bernard Hirsch dialogue avec un journaliste devant une maquette de Cergy-Pontoise. On voit ici le rapport technique de l’aménageur à l’objet, qui lui sert à présenter la ville nouvelle, mais aussi un rapport affectif et émotionnel dans lequel on perçoit son plaisir et sa joie de présenter sa ville nouvelle par rapport à, et en dialogue avec, cette maquette.
Dans mon travail, je me penche sur la matérialité sémiotique du dispositif discursif et iconographique de l’aménagement, sur la façon dont l’aménagement déploie un tel dispositif en créant sa réalité. Que veulent dire ces textes, ces cartes, ces images, et quelles idées de l’espace, du territoire et de l’environnement véhiculent-ils ? Comment l’expression symbolique d’une idée de paysage ou de territoire produit-elle ou donne-t-elle forme à une réalité physique de construction d’infrastructures, de paysages remodelés ? Quelles suppositions, quels axiomes sont articulés par les façon de dire, de décrire, d’imaginer et de rendre en images terrain, territoire, paysage ? Comment travaille-t-on avec différentes techniques de représentation, textes, dessins, photographies, maquettes, plans, pour fabriquer une vision du réel à partir de laquelle on produit la réalité elle-même ?
Fabriquer espace et territoire dans la France d’après-guerre
Si je prend aujourd’hui cette question de l’imaginaire hydrologique dans le discours des aménageurs d’après-guerre, c’est aussi parce que j’entame une nouvelle recherche sur le rapport entre l’aménagement du territoire de l’après-guerre (les Trente Glorieuses) et l’environnement et l’écologie. Je m’intéresse à la façon dont les interventions des aménageurs de cette période continuent à produire des effets dans le moment contemporain, partout en France. Comprendre le travail des aménageurs comme des interventions environnementales à l’époque, mais aussi les effets que l’on voit toujours aujourd’hui, et de plus en plus, à l’heure du dérèglement climatique, en fonction de lui. Pour creuser ces questions aujourd’hui, je veux mettre en relief ce qu’on pourrait nommer l’imaginaire hydrologique des aménageurs et des penseurs de la région parisienne. C’est à dire la façon dont on a imaginé et conçu la région parisienne à partir de sa typographie fluviale, et selon une imagerie hydrolique. On le voit surtout dans le fameux schéma directeur de 1965, dirigé par Paul Delouvrier, qui s’est structuré autour de la vallée de la Seine entre Paris et la mer, prise comme « axe préférentiel d’organisation » et « ligne de force » géographique et économique, selon les expressions utilisées dans le SDAURP. On voit aussi émerger cet imaginaire hydrologique de façon plus figurative, notamment fièrement sur les panneaux signalétiques du boulevard périphérique qui annoncent une circulation FLUIDE, la fluidité devenant une sorte d’état idéal de la circulation et du mouvement. Quarante ans plus tard, dans un autre contexte économique mais surtout environnemental, les équipes chargées par Nicolas Sarkozy d’imaginer le Grand Paris ont pour la plupart cherché à mettre en valeur la dimension fluviale de la région, et en particulier l’agence Grumbach qui a repris l’idée d’un grand axe fluvial menant de Paris à la mer, et au delà, en imaginant la Seine-Métropole. Tout se passe comme si l’énergie fluviale était une source à la fois réelle et figurative à laquelle on essaie de puiser pour faire naitre et produire le futur qu’on imagine. Je cherche à explorer cet imaginaire hydrologique et la manière dont il relie topographie, mouvement, énergie et devenir territorial.
Fleuve et pulsion civilisationnelle
Dans cette première approche, il s’agit d’une manière de penser l’organisation du territoire qui est ancré dans, et prend en compte, une réalité topographique, la vallée de la Seine et de ses sites tributaires, pris comme axe structurant de la région, au long et autour desquels on peut organiser transports, centres urbains, activités économiques, loisirs, etc. Mais elle trouve en même temps, dans cette réalité physique, la manifestation d’une idée et d’un idéal de l’aménagement du territoire comme circulation, fluidité, irrigation et donc vie productive. On peut la comprendre aussi comme l’expression de ce qu’on pourrait nommer une espèce de « pulsion civilisationnelle ». En 1973, le CERFI, Centre d’études, de recherches et de formation institutionnelles, groupe de recherche dirigé par Félix Guattari, a publié un numéro spécial de sa revue Recherches sur les équipements collectifs et leurs rôles, dans l’aménagement du territoire, en tant qu’instruments de la production territoriale et de l’organisation sociale. Lors d’une discussion sur la territorialité et la territorialisation, pour reprendre les termes de Deleuze et Guattari, le groupe souligne le rôle fondamental des fleuves dans le développement des civilisations humaines. Depuis longtemps, par moyen d’installations hydrologiques et d’autres équipements collectifs, elles ont cherchées à capter, maitriser et réguler la force naturelle, ou l’énergie sauvage, des fleuves, pour la transformer en énergie utile, qui alimente à son tour la production et la consolidation de la richesse, du pouvoir et du territoire:
« Les installations hydrauliques constituent un “équipement collectif” de grande envergure: elles domptent, contraignent l’eau sauvage; elles la conservent, dans le cas de la Mésopotamie où la crue vient trop tôt: il faut stocker le flux d’eau , pour le redistribuer ensuite sur l’étendue cultivable. Il faut remarquer qu’il ne s’agit pas d’un simple stockage et redistribution d’un flux-déjà-donné; il y a production d’eau utile, c’est-à-dire transformation d’une énergie naturelle libre (destructive ou inaccessible) en énergie utile (pour le mode de production), en valeur d’usage. »
Gilles Chatelet et al., Les Équipements du pouvoir : villes, territoires et équipements collectifs (Paris : Recherches, 1973), p. 71.
Donc le CERFI met en avant, peut-être aussi en réponse à ce qui se passe autour d’eux à Paris, cette pulsion civilisationnelle de bâtir autour des fleuves, des rivières. Car il est frappant de voir à quel point on retrouve ce vieux réflexe civilisationnel dans le commentaire du Schéma directeur de 1965, qui souligne l’importance de cette topographie spécifique de la région parisienne, la vallée de la Seine :
« C’est selon une grande trame naturelle, parallèle au cours général de la Seine, que sont orientés nombres de tracés légués par l’histoire, et c’est elle que les développements à venir doivent retrouver à une échelle plus large ».
Les aménageurs structurent le développement de la région parisienne autour de la vallée de la Seine comme ligne de force ou axe structurant qui peut capter, porter et dynamiser la croissance économique, peut aussi l’intégrer dans les courants économiques du monde en reliant Paris à la mer, et peut finalement l’orienter vers le futur en l’organisant spatialement autour du fleuve en tant qu’expression d’énergie et de force motrice. Beaucoup plus qu’une simple figure ou métaphore, dans sa forme et dans son existence même, le fleuve rend tangible une idée de flux, de mouvement et de circulation comme principe de base d’une activité productive, celle-ci dans un sens à la fois économique et moral.
SDAURP versus PADOG
L’idée se montre donc clairement et explique aussi, d’ailleurs, l’opposition entre le schéma directeur de 1965 et son prédécesseur, le PADOG de 1960.
L. Murard et F. Fourquet, membres du CERFI, ont mené des entretiens avec les membres de l’équipe de Delouvrier, dix ans après l’établissement du schéma directeur, restitués dans l’ouvrage La naissance des villes nouvelles. Anatomie d’une décision (1961-1969) (Paris, 2004). Et comme le dit Jean Millier, à l’époque directeur de l’institut d’aménagement et d’urbanisme de la région parisienne, le PADOG était « plutôt un plan d’interdiction plutôt qu’un plan de permission. ».
Là où le PADOG avait pour but de contraindre la croissance de Paris, le schéma directeur le voyait autrement, comme matière et énergie à canaliser et concentrer. « L’impératif premier de l’état-capteur est de capter, non de tarir, de canaliser et non de faire barrage, de concentrer et non de bloquer » (F. Fourquet, 1982)
La différence s’exprime visuellement, en comparant les cartes du PADOG et du schéma directeur. Le PADOG enferme et encercle Paris graphiquement et administrativement, la zone d’économie urbaine en gris, distinguée des zones rurales qui l’entourent. Tandis que sur la carte du schéma directeur par contre, qui déploie une palette de couleurs beaucoup plus vives, l’orientation des zones d’aménagement le long des axes fluviaux se voient distinctement, aussi bien que les rivières elles-mêmes appelées à structurer la région.
Cergy-Pontoise
Autre exemple de l’époque de site où la présence de l’eau se fait clairement sentir, le site de Cergy-Pontoise. Dans le film documentaire Enfance d’une ville, réalisé en 1975 par J-P Pigeat et E. Rohmer, Bernard Hirsch présente Cergy-Pontoise comme une « ville dont le centre est un lac ». Ce filme montre la création et la construction de la ville nouvelle. Au début du film, on rencontre Bernard Hirsch, alors directeur de l’EPA, dans un bureau quelque part à Cergy. On ne le voit jamais au dehors, dans Cergy, mais uniquement dans ce bureau devant ses cartes. Il semble prendre beaucoup de plaisir à présenter Cergy à partir de ces cartes, soit une expression symbolique de ce qui sera, et est déjà, la ville nouvelle. Hirsch se met debout et explique comment on fabrique la ville, la situation, l’importance de la boucle de l’Oise à Neuville, du lac au centre, à la place des anciennes carrières de sable dont on se servira pour construire un centre de loisir « d’importance régionale ». Il se place devant ces cartes où sont bien visibles le tracé de l’Oise, la boucle de Neuville et les anciennes carrières de sable transformées en lac. Cette visibilité est importante pour mettre en avant l’importance de l’eau et de la rivière dans ce qui a été imaginé pour la ville nouvelle de Cergy-Pontoise. Il s’agit de mimer le potentiel symbolique de la topographie en la transformant en paysage, et en faisant de la ville nouvelle une continuation de l’axe symbolique émanant de Paris, Louvre – Arc de Triomphe – La Défense. Mais il s’agit aussi d’un enjeu peut être plus important encore, faire apparaître un nouveau lieu de vie urbain, ou péri-urbain, grâce à cette organisation de la ville autour d’une rivière et d’un plan d’eau. En construisant Cergy-Pontoise aux abords de l’Oise, Hirsch et son équipe voulaient mettre au cœur de la ville non seulement les loisirs mais aussi la nature réparatrice. Car si les aménageurs sont hantés par le rêve d’une société de loisirs, ils le sont aussi par le cauchemar d’une population traumatisée par la transformation radicale de son cadre de vie qu’exigent l’aménagement et la modernisation.
1985 : vivre dans une France modernisée
Déjà, le travail prospectif du groupe 1985, groupe établi par Pierre Massé pour informer la préparation du 5eme plan en 1962, et dont les membres comprenaient Eugène Claudius-Petit, Jean Fourastié et autres théoriciens de l’aménagement, avait souligné l’importance et le besoin d’espaces naturels où les citoyens modernisés pourraient se reposer, et se remettre des effets psychiques et affectifs de la vie moderne. Il fallait trouver un moyen d’incorporer la nature dans les espaces aménagés, pour contrer les effets difficiles de l’aménagement.
Cet extrait de Réflexions pour 1985 met en avant l’un des dangers de la modernisation et de l’aménagement du territoire :
« Sur le plan du comportement psychologique et social, l’homme de 1985 sera menacé d’une moindre adaptation qu’aujourd’hui à son milieu : angoisse de l’individu devant le monde extérieur, sentiment de la perte d’autonomie individuelle, réaction à l’agressivité de l’environnement. L’une des manifestations sur le plan du psychisme en sera le développement des phénomènes de dépression. »
Réflexions pour 1985 (Paris, Documentation française, 1964, p.34)
En faisant ce travail prospectif, ils voulaient à la fois imaginer le futur radieux et aménagé, urbanisé, mais ils étaient conscients des dangers que pourraient courir les citoyens modernisés dans une France modernisée. Dans le livre que je viens de publier, j’explore comment on voit dans des films et la littérature des années 1970 et 80, les premières traces de ces phénomènes de dépression, d’anxiété et de troubles mentaux liés à ces environnements, ces cadres urbains créés par les aménagements des années 60 et 70. Le danger pressenti s’inscrit en effet culturellement, dix ans plus tard, dans diverses formes artistiques.
L’eau porte des significations diverses, pour ne pas dire contradictoires, dans le contexte de l’aménagement du territoire pendant les Trente Glorieuses. Les bassins fluviaux de la région parisienne sont l’expression et la manifestation de l’énergie vitale, que les aménageurs ont pour ambition de capter et de canaliser pour réaliser l’avenir, comprenant presque d’instinct que les fleuves symbolisent et dynamisent l’activité humaine productive. Mais en même temps, la topographie naturelle des vallées et des coteaux est imaginée comme une sorte d’échappatoire ou lieu de refuge qui peut donner du répit aux habitants modernisés d’une France modernisée. Le réflexe aménageur, poussé à aménager la nature pour mieux s’en servir, comme palliatif pour les effets et conséquences de l’aménagement du territoire.
Les formes fluviales du Grand Pari(s)
On retrouve ces mêmes tensions et contradictions quarante ans plus tard, dans les dix projets retenus dans le cadre de la Consultation Internationale sur le Grand Paris, lancée par N. Sarkozy en 2007. Encore une fois, ces contradictions sont exprimées par la mise en avant d’une topographie fluviale présentée d’une part comme moteur de croissance économique, comme le note Antoine Grumbach. Chaque grande métropole a besoin d’un port, d’où l’intérêt de reprendre du schéma directeur de Delouvrier l’idée de l’axe structurant de la vallée de la Seine. D’autre part, la topographie fluviale est aussi présente comme ressource environnementale, et gérée, sinon protégée. La Consultation Internationale sur le Grand Paris prend pour point de dépars des réalités physiques, environnementales et territoriales qui ont, pour la plupart, leurs origines dans le schéma directeur de 1965. Mais le contexte a changé, bien sûr, qui fait que la mise en avant et même la célébration du cadre fluvial est en quelque sorte inévitable. Là où le grand défi de l’aménagement du territoire était psychique – comment soigner les citoyens modernisés et palier les effets de la modernisation – il est devenu, dans l’ère post-Kyoto de 2007, écologique. Ce qui frappe, dans les différentes visions du Grand Paris qui émergent de la CIGP, c’est la présence graphique et iconographique de la topographie fluviale, une présence rendue évidente par les bleus et les verts qui créent une certaine impression de luxe, de verdure, d’harmonie végétale. L’avenir se joue et s’exprime dans ces couleurs, et se veut rassurant. Mais la sinuosité du fleuve, en tant que forme graphique, a son rôle à jouer aussi. Le fleuve se déroule en courbes et méandres. Le tracé de son lit reflète et répond à son contexte physique, géographique et géologique.
Les images de trois projets de la CIGP reprennent tout particulièrement ce thème, celles d’Antoine Grumbach et associés, de l’atelier Castro Denissof Casi, et celui de LIN/ La Seine et les autres fleuvent sont bien sûr présents dans tous les projets, mais c’est surtout Antoine Grumbach qui reprend cette idée de l’axe entre Paris et la Seine, aussi bien graphiquement qu’architecturalement et urbanistiquement. Il est très sensible à la structuration du territoire français par les bassins fluviaux.
Fluidité, mutabilité, plasticité
On trouve dans ces images un écho du discours ambiant des projets de la CIGP, marqué par une mutation rhétorique, des figures de souplesse au lieu de la précision, de la technicité ou de la rationalité géométrique. On parle d’ « ouverture » et de « porosité », de « tissage » et de « métissage », de « mobilité » et de « flexibilité ». Si géométrie il y a, il s’agit toujours de géométrie variable. Tout se passe comme si la nouvelle façon de penser l’aménagement de la région parisienne puise son inspiration dans les formes naturelles du bassin de la Seine.
C’est une mutation exprimée habilement par Nicolas Sarkozy, dans la préface au catalogue de l’exposition sur la CIGP en 2008, qui lui donne ainsi la consistance d’une nouvelle orthodoxie :
« Que la ville du futur soit compacte ou diffuse, dense ou légère, elle doit être avant tout ouverte et flexible. Nous devons traiter la ville non pas comme un espace technique, un ensemble de zones à aménager, mais comme un système organique, un tissus qui doit rester suffisamment plastique pour s’adapter à nos besoins et épouser nos rêves. »
Une grande ambition pour demain (toujours recommencée)
La Seine et ses sites tributaires sont là de nouveau, dans le cadre de la CIGP, pour porter et donner substance figurative à l’ambition aménageuse de l’homme, leurs sinuosités étant la forme même de cette plasticité voulue par Nicolas Sarkozy. Mais derrière ce désir exprimé de vivre avec la nature, dans un lieu fluvial, on retrouve néanmoins quelques vieilles habitudes mentales, celles des aménageurs de l’ère gaulliste.
C’est un titre de journal de 1972, « La démoustication toujours recommencée » qui exprime le mieux les tensions et paradoxes qui habitent le travail d’aménagement. Le contexte semble tout autre, celui de la démoustication du Languedoc-Roussillon, dans le cadre de la mission Racine. La mission Racine, conduite en 1963 par la DATAR pour aménager des stations balnéaires tout au long de la côte méditerranéenne, devait, pour les établir, d’abord éradiquer les moustiques.
L’article du Midi libre montre bien ces tensions et contradiction au coeur du geste aménageur, geste de puissance et de pouvoir, et son rapport au monde qui nous entoure.
« Une grande ambition pour demain : aménager la nature après l’avoir si bien comprise et respectée… » (Midi Libre, 14 janvier 1972)
Cette idée « d’aménager la nature après l’avoir si bien comprise et respectée » habite aussi les projets de la CIGP qui essaient de résoudre le problème du développement économique, social et politique de la société humaine, en travaillant en même temps avec, en vivant avec, le monde « naturel ». Mais les mondes naturels et humains sont indivisibles… Ce qui est important aussi, c’est que comme la démoustication, le travail des aménageurs est toujours recommencé, et les rêves exprimés à travers ce travail de l’aménagement sont toujours aussi des rêves recommencés. Avec l’aménagement du territoire, on essaie de faire porter dans le présent des idées de l’avenir, mais on trouve toujours que ces idées de l’avenir sont à recommencer. Dans le contexte du Grand Paris, c’est à travers et avec la Seine et la topographie fluviale qu’on essaie de faire vivre ces idées, ces rêves d’un avenir urbain et écologique.