Notre travail prend sa source dans un étonnement face au nombre d’étudiants chinois venus faire leurs études durant l’entre-deux-guerres à l’Institut d’urbanisme de l’Université de Paris (IUUP) qui était alors l’unique lieu d’enseignement officiel en urbanisme en France[1]. Ce questionnement, posé depuis longtemps[2], nous a donné envie d’aller plus loin, et ceci même si la connaissance de ces étudiants est très fragmentaire.
Cette contribution à trois mains renvoie à différentes méthodes d’approche du sujet : une approche dite prosopographique tentant d’établir une biographie collective et individuelle de ces étudiants qui forment une cohorte finalement assez cohérente[3]. Laurent Coudroy de Lille a travaillé sur les seuls écrits dont nous disposons : les onze mémoires d’étudiants chinois rédigés entre 1927 à 1941 et conservés à l’EUP. Enfin, Clément Orillard reviendra sur les parcours de deux de ces étudiants dont il a tenté de retracer la carrière.
Les étudiants chinois parmi le flux des étudiants étrangers
L’analyse du flux des étudiants étrangers passés par l’IUUP a abouti à la création d’une base de données dédiée à ce sujet. Les données proviennent d’origines variées, principalement des registres d’inscriptions et de diplomations, mais aussi de travaux antérieurs sur des cohortes globales ou plus spécifiques : inventaire numérisé des thèses soutenues dans l’école entre 1921 et 1969 ; inventaire numérisé des fiches d’inscription des anciens élèves de l’EUP entre 1935 et 1970 ; registre des diplômés de 1922 à 1935 ; registre des anciens élèves venant de Roumanie de 1925 à 1970 ; liste des anciens élèves d’Amérique latine de 1925 à 1970[4]. Par ailleurs, les listes d’étudiants publiées dans revue La vie urbaine complètent les données précédentes.
Enfin, une dernière source a été le fonds d’archive 3815W des archives départementales du Val-de-Marne qui a été découvert très récemment[5]. Il s’agit d’un ensemble très volumineux de fiches d’étudiants, avec parfois quelques éléments supplémentaires, issues des archives de l’IUUP mais dont la nature reste incertaine. Comme il s’agit de dossiers d’étudiants, il s’agit à minima de candidats parmi lesquels on y retrouve bien entendu des élèves de l’école. Notre source principale a été le registre des inscriptions à l’IUUP de 1925 à 1933, registre complet pour la période et donc sûr.
Sur cette dernière période et à partir de cette base de données, il a été possible de réaliser une analyse des origines des étudiants. On observe ce qui semble être un fort dynamisme en matière d’attraction internationale de l’IUUP et, au sein de celui-ci, une part très importante prise par les étudiants chinois. Entre 1925 et 1931, l’effectif d’étudiants chinois oscille entre 12 et 22 au sein d’un effectif étranger pouvant aller jusqu’à plus de 110 étudiants [ Voir Fig. 1 ] . Au sein de ce dernier, la cohorte des étudiants chinois est clairement la plus nombreuse. Cette importance interroge quand on observe que les cohortes d’étudiants étrangers suivantes en termes d’effectif sont celles des Roumains et des Polonais, nettement plus proche de la France au niveau culturel, politique et géographique [ Voir Fig. 2 ] . Les statistiques réalisées à partir de la base de données fondée sur des croisements de fonds dont la nature n’est pas tout à fait sécurisée montrent qu’entre 1920 et 1925 et 1935 et 1940, les étudiants chinois resteraient en général très importants.
En grande majorité, les étudiants ont entre 20 et 30 ans, ils sortent d’une formation initiale effectuée soit en Chine soit en France. Jusqu’aux années 1930, les étudiants suivent peu de semestres (moins de quatre) sur l’ensemble de la formation de l’IUUP constituée de deux années et d’une année supplémentaire diplômante, soit six semestres en tout. De nombreux étudiants étrangers ne suivent qu’un semestre au bout duquel ils arrêtent le cursus, apparemment majoritairement par manque de financement[6], d’intérêt ou suite à l’échec aux examens. Après les années 1930, on constate que les étudiants suivent plutôt de 4 à 6 semestres à l’école, jusqu’à la diplomation.
Il est nécessaire de prendre avec précaution ces premiers résultats, les données issues des registres sont partielles et ces analyses sont peut-être biaisées par les lacunes des registres, malgré le nombre important d’étudiants recensés. Néanmoins, cette analyse nous permet d’affirmer que la présence des étudiants chinois n’est pas anodine mais bien un fait important durant l’entre-deux-guerres à l’IUUP, un constat qui semble rejoindre les travaux historiques qui montrent l’importance des liens entre France et Chine en matière d’enseignement depuis la première guerre mondiale[7].
Les mémoires d’étudiants chinois
Parmi les étudiants chinois inscrits et qui ont suivi en partie ou totalité les cours, une petite cohorte allait au bout du diplôme, en soutenant un mémoire (appelé « thèse »)[8].
Les 11 mémoires chinois [ Voir Fig. 3 ] que nous possédons représentent un bon millier de pages, assortis d’une assez importante iconographie, sur le corpus de 420 mémoires (années 1919 à 1968) conservés dans le fond historique de la bibliothèque Poëte et Sellier de l’Ecole d’urbanisme de Paris[9]. Présenté plus tard, le mémoire d’un étudiant français, Louis JAUBERT, porte en 1941 sur Changhai (Etude d’évolution urbaine). On doit le mettre en rapport avec ce corpus, sachant aussi qu’il le ferme : plus aucun chinois n’ira au terme de son cursus jusqu’en 1968. Les douze années centrales (1927-39) de la période « républicaine » de la Chine (1912-1949) apparaissent ainsi comme une période singulière pour ce flux de formation vers la France.
Globalement tous ces mémoires, qui portent la marque du professeur qui les a dirigés, suivent la forme académique prescrite par l’Institut d’urbanisme : il s’agit d’études urbaines présentant les enjeux du moment comme une étape d’une longue histoire, mais aussi des perspectives d’avenir à travers l’analyse des projets en cours, ou d’éléments de prospective dans lesquels se perçoit le point de vue de l’étudiant. Ecrits bien entendu en français, ces textes nous sont facilement accessible (certains incluent des termes en caractères chinois), risquant sans doute de donner une illusion de transparence voire de familiarité
La question de la langue d’écriture mérite d’être posée, voire de la traduction depuis la langue maternelle, même si ces étudiants semblent aussi francophones. Même si de cela nous n’avons pas de trace, certains éléments de style indiquent qu’une aide à leur rédaction a pu exister. Mais nous n’irons pas plus loin dans leur analyse textuelle, nous contentant d’en caractériser à grands traits le contenu, finalement assez clair.
Six de ses mémoires ont un caractère monographique. Ces étudiants traitent d’une ville « en évolution » selon la célèbre formule de l’historien fondateur de l’Ecole des hautes études urbaines Marcel Poëte. Evolution très rapide en réalité : les mémoires inscrivent l’accélération des mutations de villes au XXème siècle dans la très longue histoire chinoise. C’est aussi la déstabilisation des territoires, due au développement très rapide de la population et des réseaux urbains qui s’opère au 20e siècle dont ils témoignent.
Deux thèses monographiques, dirigées par Marcel Poëte et le sociologue Edouard Fuster, abordent les aspects institutionnels, sociaux, urbanistiques de la ville de Nanjing (Nankin). Le mémoire de l’étudiant HUANG Yueh-Bong (1932) [ Voir Fig. 4 ] suit assez strictement le modèle monographique « poëtien ». A travers l’histoire impériale puis le présent républicain de la Chine, l’ancrage très ancien de cette capitale « du sud » donne à comprendre la construction politique du territoire chinois, le patrimoine de Nanjing, ses murailles, etc. Un plan dessiné à la main, avec une certaine économie de moyens, représente la capitale de la République en 1926. À travers l’énumération des richesses bâties de la ville, cet étudiant souhaite manifestement témoigner devant des universitaires français du prestige d’une cités comparable à celles d’Europe, et de l’importance de la contribution de la Chine à l’urbanisation planétaire. Cet aspect comparatif est particulièrement sensible puisque les sept mémoires monographiques portent sur les plus grandes villes de Chine, avec des doublons, Nanjing (Nankin) et Guangdong (Canton). Beijing (Pékin), capitale alors déclassée, Shanghai, ville occidentalisée dont la croissance explose, ne sont étudiées qu’une fois. Mais le français Louis JAUBERT reviendra sur ce cas, en comparant le grand Shanghai au grand Paris.
Nanjing promeut alors un urbanisme de capitale, avec percement d’avenues, créations de places, raccordements des deux rives du Yangtsé, etc. Les mémoires présentent les mutations en cours, selon le répertoire d’opérations également pratiqué en France. C’est le cas d’un des tous premiers mémoires, celui de TCHANG Yi (1928), richement illustré, qui montre percements et rénovations, « cités-jardins », projets portuaires et grands plans d’aménagement à Canton [ Voir Fig. 5 ] . De Shanghai, on retient qu’elle fait partie des grands ports chinois et, à travers l’histoire des concessions occidentales, le projet d’un redéveloppement hors de leur périmètre, qu’il s’agisse d’un nouveau port qui apparaît dans le mémoire de WU Sung-Shing (1931), WU Sonqing en pinyin, [ Voir Fig. 6 ] ou d’un nouveau centre comme dans celui de Louis JAUBERT [ Voir Fig. 7 ] , trouve son sens. La Chine et ses villes représentent évidemment un énorme territoire d’étude.
Il faut noter qu’à partir de 1933, les travaux s’affranchissent du modèle monographique et situent les villes dans le vaste territoire chinois, à travers leurs rapports aux infrastructures, aux institutions : régime municipal, politique foncière et urbanisme, police locale, évolution routière… Epuisement d’un genre avec l’effacement de Marcel Poëte… ou changement de perspective, vers un urbanisme plus territorialisé et thématisé ? Si la démographie et le « surpeuplement » avait été étudiée dès 1927, la guerre civile faisant rage à partir de cette date, puis le conflit sino-japonais après 1937, ces difficultés conduisent peut-être aussi les étudiants chinois à prendre une certaine distance vis-à-vis des grands projets d’urbanisme, suspendus aux incertitudes du temps. Le mémoire de HUANG se terminait (p.101) déjà de façon prémonitoire : « Les menaces qui pèsent sur la ville avec la pénétration japonaise fragilisent une position fraichement héritée de capitale de la Révolution de 1911. […] Bien que nous ne puissions prédire l’avenir, la ville de Nankin sera probablement dépossédée de son statut actuel de capitale de l’Empire ».
Les sujets semblent aussi se techniciser, se diversifier également : régime municipal (1933), « autostrades » (1936) et police locale (1939). Le mémoire très intéressant sur la politique foncière en Chine de WANG Chun-Jen (1938) comporte deux volumes conséquents, l’un, comparatif des différents pays, sur la politique foncière dans l’urbanisme européen et le second sur la Chine. Il comporte l’intention d’une refondation institutionnelle en Chine, portée par les préoccupations du juriste et économiste William Oualid à ce moment.
On peut enfin s’interroger sur la dimension interculturelle de ces documents, en élargissant l’idée d’une « formation » des étudiants chinois en France. Ces mémoires sont porteurs de visions, de représentations, d’intentions de projets, de la part de jeunes acteurs qui, en même temps, réfléchissent de manière comparative, à partir de leur propre trajectoire géographique. Pour ne pas en surinterpréter le contenu, sans doute faut-il explorer quelques trajectoires.
Deux filières d’étudiants chinois ?
Une étude prosopographique était prévue au départ mais nous avons très vite eu un problème de sources et de données, très limitées et difficiles à croiser. Par ailleurs nous étions dans l’impossibilité d’accéder aux sources chinoises pour des raisons de maitrise de la langue et confrontés à la faiblesse des sources en anglais à propos de l’histoire de l’architecture et de l’urbanisme en Chine. D’autre part, nous avons aussi rencontré un problème très spécifique dans les sources anciennes, celui de la latinisation des noms chinois. Il faut en effet passer de la transcription latine du nom des étudiants, devant correspondre plus ou moins à celle de l’Ecole française d’Extrême-Orient, à la transcription en pinyin qui est généralisée dans les sources récentes.
Le seul moyen que nous avons eu pour travailler à ces biographies a donc été d’étudier les dossiers du fonds 3815W conservés aux Archives du Val-de-Marne qui indique le nom des étudiants sous la forme latinisée mais aussi idéographique pour en faire une transcription pinyin et interroger à partir de cette transcription la littérature scientifique contemporaine. Le seul problème est que ce fond reste très limité par rapport au volume des étudiants chinois à l’IUUP. En croisant ce fond avec le registre des inscrits à l’IUUP, seule source fiable, nous avons identifié douze étudiants inscrits dont nous avons le nom en idéogramme plus un dont le nom figurant sur les registres suffisait pour obtenir des éléments sur son parcours. Sur onze de ces dossiers figure une photo d’identité [ Voir Fig. 8 ] .
Mais malheureusement, parmi ces onze, seuls deux ont donné des résultats permettant de partiellement reconstituer leurs parcours. Il s’agit de WOOD Ching-Hsing et WU Sung-Ching [ Voir Fig. 9 ] dont les noms en retranscription pinyin, que nous utiliserons à partir de maintenant, sont respectivement WU Jingxiang et WU Sonqing. Tous deux ont eu une carrière d’un certain niveau mais très contrastées. Un seul de ces deux parcours, celui de WU Jingxiang, est réellement basé sur des sources solides, et ce travail exploratoire mériterait un approfondissement mobilisant des spécialistes de la Chine de cette période.
WU Jingxiang [吴景祥] a suivi l’enseignement de l’IUUP entre 1930 et 1932. Un des rares ouvrages sur l’histoire de l’enseignement de l’architecture de Chine en anglais développe un peu son parcours et un ouvrage en chinois en sa mémoire a été publié en Chine en 2012[10]. Il est né en 1905 ou en 1910 (les sources divergent), dans la province de Canton. Il fait des études à l’université de Tsinghua à Pékin, probablement dans le département d’ingénierie de la construction –il n’existe apparemment pas de département d’architecture à ce moment là— dont il sort diplômé en 1929. Il poursuit donc ensuite ses études en France dès l’année suivante à l’IUUP mais aussi à l’Ecole spéciale d’architecture (ESA). Le registre des élèves de l’ESA indique qu’il suit l’atelier de Pierre Le Bourgeois. Ce dernier avait participé à l’édification du Palais législatif de Mexico, était lauréat de nombreux prix et concours internationaux, et du concours pour la Reconstruction de Longwy après la première guerre mondiale qui a marqué les débuts de l’urbanisme[11].
WU Jingxiang termine ses études à l’IUUP en 1932 sans en être diplômé comme nombre de ses camarades architectes puis est diplômé de l’ESA un an après. Il travaille en 1933 et 1934 pour Albert Laprade, proche du célèbre architecte-urbaniste Henri Prost, au moment où celui-ci devient architecte en chef des bâtiments civils et palais nationaux. Puis WU Jingxiang revient en Chine pour travailler comme architecte du service des douanes du gouvernement. Après l’arrivée du parti communiste au pouvoir, il devient enseignant à l’Université de Tongji à Shanghai, dont il co-construit l’un des bâtiments en 1954-1955, avec WU Lusheng et ZHU Yaxin. Il occupe une place importante dans l’enseignement et le milieu de l’architecture, et participe en tant que représentant de la délégation chinoise à une conférence internationale en architecture à Paris, en 1957. Puis s’ouvre la parenthèse de la Révolution culturelle (1966-1976) après laquelle il revient à Tongji en tant qu’enseignant. Il deviendra le deuxième directeur du département d’architecture après la fin de la Révolution culturelle. Il a été président de la société d’architecture de Shanghai, et a traduit Vers une architecture de Le Corbusier en 1981. Il décède à la toute fin du XXe siècle.
De son côté, WU Sonqing [吳嵩慶] a fait des études à l’IUUP entre 1929 et 1931 et en est sorti diplômé comme nous l’avons vu. Nous n’avons pas connaissance d’autres études menées en France, et son dossier ne contient que l’attestation d’études supérieures par le consulat de Chine. Les sources le concernant sont pour le moment très limitées. Son « journal de guerre » a été publié par l’Academia Sinica de Taïwan et le site internet de cette institution présentant cet ouvrage comprend une notice biographique qui nous été fort utile[12]. Par ailleurs, il existe une source hétérodoxe, un ouvrage publié à compte d’auteur par son fils médecin universitaire à la retraite aux Etats-Unis[13]. Pour les éléments issus de cette deuxième source, nous utiliserons le conditionnel.
WU Sonqing est né en 1902 à Zhenhai, à 200 kilomètres au sud de Shanghai. Apparemment chrétien, il a fait ses études au Baptist College de Shanghai, qui deviendra l’université de Shanghai en 1929, où il a obtenu l’équivalent d’une licence en Lettres en 1925. Il aurait été nommé professeur dans le secondaire à Ningbo à côté de sa ville natale, avant de devenir apparemment secrétaire de la garnison de Shanghai. C’est alors qu’il aurait obtenu une bourse grâce à CAI Yuanpei, figure clé du monde universitaire chinois et francophile, pour partir étudier en France. Il serait arrivé à Lyon où il aurait étudié le français en 1928 avant d’intégrer l’IUUP. Dans l’ouvrage de son fils, l’Institut n’est pas mentionné, mais l’auteur évoque la faculté de Droit à laquelle il est rattaché. Puis WU Sonqing serait retourné en Chine pour devenir cadre au ministère des Chemins de fer du gouvernement nationaliste. Devenu apparemment proche de Tchang Kaï-chek, il entame une carrière dans l’administration militaire. Il aurait donc été chargé du transfert de l’or américain de Shanghai à Taïwan, juste avant la fuite des nationalistes sur l’île en 1949. En 1962 il est mis à la retraite de l’armée nationaliste à Taïwan, et entame ensuite une carrière d’administrateur dans des sociétés sidérurgiques puis décède en 1991.
Ces deux parcours d’étudiants sont donc très différents, l’un passant par l’architecture et l’autre par l’administration publique mais une généralisation à partir de ces seuls exemples semble difficile. Néanmoins, d’autres dossiers viennent toutefois étayer cette idée d’une double filière d’étudiants chinois depuis l’architecture, comme la plupart des étudiants de l’IUUP, mais aussi le droit. Côté architecture, on retrouve le parcours de YU Ping-Lim, en pinyin YU Binglie [虞炳烈], détaillé par Judy Loach avant son arrivée à l’Institut[14] mais aussi d’autres dossiers d’étudiants de l’IUUP, non diplômés, notamment certains étant restés en France. A côté de cela, d’autres étudiants passés par l’IUUP, qui est rattachée à la faculté de Droit de l’Université de Paris, ont fait un doctorat en Droit[15] [ Voir Fig. 10 ] . C’est le cas de HU Yang Mung ayant soutenu une thèse en 1932 à l’Université de Paris sur l’Étude philosophique et juridique de la conception de « MING » Et de « FEN » dans le droit chinois. C’est aussi le cas de JAO Houa-Son, en pinyin RAO Huason, qui soutient en 1939 sa « thèse » à l’IUUP et apparemment en même temps une thèse de doctorat en droit à l’Université de Bordeaux. Les deux textes qui ont le même intitulé, La police administrative en Chine, s’ils ne sont pas identiques, sont extrêmement proches (structure similaire et bibliographie quasi-identique). En parallèle cette même année, aussi à Bordeaux, JAO Dain-Houa –probablement sa sœur– soutient, elle, une thèse de doctorat en droit à Bordeaux sur La loi municipale chinoise du 20 mai 1930. Si cette dernière ne figure pas dans les registres de l’IUUP, elle cite comme le précédent des cours de cet institut. Cette seconde filière en droit semble corroborée par plusieurs sources. La publication de la thèse de HU Yang Mung est préfacée par Jean Escara, massivement cité dans le texte, juriste français employé au même moment par le gouvernement nationaliste[16]. JAO Houa-Son et Dain-Houa mentionnent aussi Escara et les cours de l’IUUP cités sont ceux de Gaston Jèze et Louis Rolland, deux figures majeures de l’Ecole française du service public fondée à Bordeaux par Léon Duguit et qui ont joué un rôle clé dans la fondation de l’Institut d’urbanisme et son rattachement à l’Université de Paris[17]. Enfin, une analyse des thèses de doctorat soutenues aux États-Unis, puis en Grande-Bretagne et en Europe continentale par des Chinois, de 1907 à 1962, effectué par YUAN Tung-Li, ancien directeur de la Bibliothèque nationale chinoise devenu bibliographe à Stanford puis à la bibliothèque du Congrès aux Etats-Unis identifie la France comme une ressource particulièrement importante pour les étudiants chinois intéressés par les études en sciences politiques et en droit[18].