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Session 1 : De la Moscou socialiste à la Moscou marchande

by Élisabeth Essaïan

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DOI

10.25580/IGP.2021.0002

Élisabeth Essaïan est architecte, docteure en architecture, maître de conférences à l’ENSA de Paris- Belleville et chercheure à l’IPRAUS (UMR AUSser). Elle est auteure de plusieurs ouvrages sur l’architecture et l’urbanisme soviétiques : Le prolétariat ne se promène pas nu. Moscou en projets (Parenthèses, sortie attendue), issu de sa thèse (Le plan général de la reconstruction de Moscou de 1935, Université Paris VIII, 2006) ; Le prix de Rome. Le « Grand tour » des architectes soviétiques sous Mussolini (B2, 2011), issu des travaux de recherche menés dans le cadre de sa résidence à la Villa Medicis (2008-2009) ; et Portrait de Moscou (Cité de l’architecture et du Patrimoine, 2009).


Dans cette matinée nous nous intéresserons principalement au passage du régime socialiste à l’économie du marché autour de la thématique principale du changement foncier et de ses répercussions sur les divisions urbaines.

Car s’il y a une spécificité de la ville soviétique c’est bien le statut nationalisé du sol et des biens immobiliers introduit au lendemain de la révolution via le décret sur la terre de 1917 et sur les biens immobiliers de 1918.

Ce statut du sol, nationalisé, et le mode de gouvernance centralisé et homogène de la ville, ont contribué à former, durant plus de soixante-dix ans, un tissu urbain spécifique que l’on pourrait définir par trois aspects principaux.

Tout d’abord, l’effacement de la notion de « parcelle » en tant que la plus petite unité bâtie. Avec, pour conséquence, l’effacement du marquage de ses limites à la fois en plan et physiquement, via la destruction des clôtures. Ceci a contribué à créer un tissu que l’on pourrait qualifier de poreux, de perméable, avec de nombreuses cours passantes.

Ensuite le changement d’échelle d’intervention et de divisions urbaines, avec le passage de la parcelle vers le kvartal (au sens d’îlot) comme la plus petite unité d’intervention bâtie, puis à un très grand kvartal, de 9 à 15 ha dans le cadre du plan de 1935, puis des unités encore plus grandes des mikroraïony, de 60 ha et plus.

Et enfin, la simplification du réseau viaire avec l’élargissement de la chaussée et la réduction drastique du nombre de rues.

Le retour à la propriété privée, avant même l’introduction du cadastre s’est traduite par l’élévation quasi immédiate de clôtures, conduisant non seulement à des problèmes de division mais aussi à la disparition de la spécificité du tissu poreux hérité de la ville soviétique.

Nous avons voulu interroger nos invités de ce matin autour des questions suivantes.

Comment la valeur du sol, révélée, a dessiné de nouvelles hiérarchies, inégalités spatiales et enjeux d’aménagement ? Comment et sur quelle base a été conduit le nouveau cadastrage du territoire moscovite au début des années 1990 ? Dans quelle mesure la variété des tissus urbains hérités de l’époque soviétique a-t-elle soulevé des difficultés et des situations de découpage inédites ? Quelles nouvelles formes et dimensions de découpage et d’unités bâties en ont résulté et dans quelle mesure les architectes en font une nouvelle matière à projet ?

Pour y répondre, nous accueillons tout d’abord ce matin la juriste Aurore Chaigneau et la géographe Olga Vendina.

Aurore Chaigneau est professeure de droit à l’Université de Paris Nanterre et auteure d’une thèse portant sur la mutation du droit de propriété à la lumière de l’expérience russe. Depuis, elle a travaillé sur les questions foncières, les privatisations et la question de la propriété collective. Elle a comparé les formes juridiques de propriétés plurales et partagées ainsi que les enjeux de gouvernance générés par la détention collective de droits ou de biens. Ces dernières années ses travaux ont porté sur la doctrine des Communs et ses applications.

Olga Vendina est docteur en géographie sociale et économique et directrice de recherche à l’Institut de Géographie de Moscou, au Centre d’études géopolitiques. Ses recherches portent sur les études urbaines, la migration et les border studies. Elle est connue en tant que spécialiste de la géographie ethnoculturelle de Moscou, questions auxquelles elle a consacré de nombreuses publications. Elle a également participé, en 2012, à la consultation internationale du Grand Moscou avec l’équipe de l’AUC, dirigée par Djamel Klouche.

 

Nous prendrons le temps de la discussion après ces deux interventions, puis, projeterons un film réalisé à partir d’un entretien que j’ai mené avec l’architecte Alexandre Skokan, directeur du bureau Ostojenka, que j’introduirai à ce moment-là.