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Le Grand Paris dans le fonds d’un service photographique lié à l’aménagement du territoire : du ministère de la Reconstruction au ministère de la Transition Écologique

par Daniel Coutelier

Résumé

Le fonds photographique créé par le jeune ministère de la Reconstruction et de l’Urbanisme en 1945 continue d’être alimenté, encore aujourd’hui, en 2020, par des photographes salariés chargés d’illustrer les politiques publiques du pays. Daniel Coutelier  présentera cette banque d’images au service de l’État qui a traversé les enjeux, les politiques, les gouvernements, les thématiques et le territoire français depuis 75 années. 250 000 photos à disposition du public et des chercheurs, plusieurs dizaines de milliers d’entre elles illustrant la construction et l’urbanisme en Île-de-France, auxquelles viennent de s’ajouter récemment 62 000 photos du fonds de la Direction régionale et interdépartementale de l’Équipement et de l’Aménagement d’Île-de-France.

Au sein de cet ensemble cohérent et conséquent, de cette masse de photographies, nous parlerons particulièrement des 200 clichés de l’exposition Demain Paris qui s’est déroulée au Grand Palais en 1961.

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https://www.inventerlegrandparis.fr/link/?id=1082

DOI

10.25580/IGP.2020.0032

De 2002 à 2017, Daniel Coutelier a été responsable de Terra, la médiathèque des ministères français de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires. Il fut le commissaire de nombreuses expositions en partenariat avec des musées et des galeries, afin de valoriser le fonds photographique du ministère de la Reconstruction et de l’Urbanisme (MRU) notamment. Il est le coauteur de plusieurs articles et publications dont : Royan photographies de la Reconstruction, 1950-1961/Musée de Royan ; Lorient 1946-1956, Clichés de la Reconstruction. Archives photographiques du MRU, Éditions Ville de Lorient ; Henri Salesse Nouveau Monde, Maison Doisneau, Éditions Tumuult ;  Ordonner le chaos et bâtir l’avenir, les inventaires photographiques du MRU à Évreux, Éditions Musée d’Évreux.

Après avoir consacré une grande partie de sa carrière à valoriser cette collection photographique patrimoniale de l’État français, il gère désormais les photographes opérant aujourd’hui au service des politiques publiques actuelles, du ministère et des ministres.


Français

Le fonds photographique créé par le jeune ministère de la Reconstruction et de l’Urbanisme en 1945 continue d’être alimenté, encore aujourd’hui, en 2020, par des photographes salariés chargés d’illustrer les politiques publiques du pays. Daniel Coutelier  présentera cette banque d’images au service de l’État qui a traversé les enjeux, les politiques, les gouvernements, les thématiques et le territoire français depuis 75 années. 250 000 photos à disposition du public et des chercheurs, plusieurs dizaines de milliers d’entre elles illustrant la construction et l’urbanisme en Île-de-France, auxquelles viennent de s’ajouter récemment 62 000 photos du fonds de la Direction régionale et interdépartementale de l’Équipement et de l’Aménagement d’Île-de-France.

Au sein de cet ensemble cohérent et conséquent, de cette masse de photographies, nous parlerons particulièrement des 200 clichés de l’exposition Demain Paris qui s’est déroulée au Grand Palais en 1961.


Avant de revenir sur l’exposition Demain Paris de 1961 et ses 200 clichés, je voudrais vous présenter la photothèque du MRU (aujourd’hui gérée au ministère de la transition écologique ) qui se nomme TERRA, et riche de plus de 250 000 photos et accessible en ligne à cette adresse : https://terra.developpement-durable.gouv.fr/

Ce fonds est en train d’être numérisé dans sa totalité, et le fonds argentique sera versé aux Archives nationales en 2021.

Cette banque d’images est passée par de très nombreux ministères et pour des raisons pratiques, comme de visibilité, nous lui avons donné ce nom de TERRA.

TERRA est plus qu’une photothèque puisque c’est aussi une vidéothèque (et cela peut intéresser les chercheurs du Grand Paris) : plus de 60 films de la Reconstruction sont numérisés et accessibles sur le site. On y trouve aussi des films récents, des fictions (sur Pantin par exemple). TERRA est aussi une multi-médiathèques. En effet nous hébergeons d’autres banques d’images qui concernent Paris et l’Île-de-France, notamment la photothèque de la DRIEA (Direction régionale et interdépartementale de l’équipement et de l’aménagement d’Île-de-France), 62 000 documents (versés sur TERRA en 2017 après l’arrêt du service photographique de la DRIEA en 2015) concernant quatre grandes thématiques, aménagement, routes, transports, urbanisme, sur plus de 40 ans. On y trouve notamment des vues aériennes réalisées régulièrement par cette direction dans toute la région parisienne.

Pour revenir à notre banque d’images, c’est initialement celle du MRU, ministère de la Reconstruction et de l’Urbanisme créé en novembre 1944, puis successivement du MRL (ministère de la Reconstruction et Logement de 1953 à 1958), du ministère de la Construction (1958-1966), de l’Équipement (1966-2008), de l’Écologie et du Logement, enfin actuellement du ministère de la Transition écologique (depuis 2017). Ce fonds appartient aujourd’hui à la direction de la communication commune à ce ministère et à d’autres ministères comme ceux de la Cohésion des territoires, des Transports, du Logement, de la Mer. 99% des photographies qui alimentent cette photothèque depuis 1945 ont été produites par des photographes salariés, qui ont agi sur commande, ou, même quand la commande s’est révélée imprécise, ont en tout cas photographié des opérations ou des sujets soutenus par l’État, dans le but d’alimenter en images la communication de l’Etat.

En 1944 le MRU, avec à sa tête Raoul Dautry, va en priorité se concentrer sur la reconstruction d’urgence. On trouve ainsi de nombreux clichés des ruines, des premiers chantiers, des baraquements provisoires, beaucoup de photos d’ouvriers pour signifier que la France est au travail pendant que les sinistrés attendent leur logement, etc.

A partir de l’arrivée d’Eugène Claudius-Petit (1948-1953) on passera ensuite à une reconstruction plus planifiée et les photos serviront à faire accepter les grandes opérations d’urbanisme, les premiers Grands ensembles. On change d’échelle et les ouvriers, beaucoup représentés les premières années, sont plus petits à l’image, au milieu des tours, barres et chemins de grues. Le photographe utilise souvent deux appareils, l’un du type Rolleiflex qu’il porte au ventre pour produire un négatif format 6×6, l’autre étant un appareil sur pied avec une petite chambre (négatif format 9×12), pour redresser les perspectives déformées des barres d’immeubles et des tours.

En 1958 changement important : le nom Reconstruction disparaît de l’intitulé du ministère avec l’arrivée de la Ve République. Il devient le ministère de la Construction (1958-1966). C’est au cours de cette période que l’exposition Demain Paris s’est tenue.

En 1966, le ministère des travaux publics fusionne avec celui de la Construction, pour former le très grand ministère de l’Équipement qui subsistera jusqu’en 2008. Les thématiques se développent et s’élargissent, et apparaissent des photographies relatives aux infrastructures, à l’écologie, à la circulation, la sécurité routière, etc.

En 2008 un autre changement important a lieu avec la fusion du secrétariat à l’Écologie et du grand ministère de l’Équipement. Au niveau de la communication, le mot Équipement disparaît après 40 ans d’existence. Si les transports, les infrastructures restent toujours des sujets traités dans ce nouveau grand ministère de l’Écologie, on communique désormais beaucoup sur la biodiversité, le changement climatique, la gestion des déchets, le développement durable, et ces thématiques influencent dorénavant fortement la production des photographies.

 

Même si ce fonds regorge de photographies intéressantes pour le Grand Paris, il couvre aussi tout le territoire français. Dans les premières années, 1945/46/47, les photographes vont d’abord sur les lieux sinistrés, sur les chantiers de récupération de matériaux, sur les premiers chantiers de construction. Ils se rendent souvent dans l’Est ou en Normandie. Les photographes du ministère s’intéressent aussi beaucoup aux chantiers d’expérience, comme à Noisy-le-Sec où 2000 photos documentent cliniquement chaque construction de la cité Merlan. Ici une photo d’André-Louis Guillaume, l’architecte photographe qui a inauguré le service photographique en mars 1945  [ Voir Fig. 01 ] . Ces photos servent les techniciens, les ingénieurs, mais certaines sont aussi exposées dans la presse. On veut montrer que les français sont à l’ouvrage alors que de très nombreux français sont sans logement et vont encore attendre des années avant d’en récupérer un. Durant cette période Paris et ses alentours sont finalement peu représentés mais j’ai trouvé quelques exceptions, des photos prises par André Louis Guillaume (celui-ci retournera à son métier d’architecte en 1948) : des photos de destructions dans le quartier de l’école militaire Saint-Cyr; un chantier de reconstruction à Massy; des enfants devant un baraquement provisoire à Mantes-la-Jolie; ou encore la construction du troisième immeuble, chantier des ISAI à Saint-Denis  [ Voir Fig. 02 ] .

J’ai beau avoir travaillé 15 ans auprès de ces images j’en découvre toujours. C’est dense et très agréable.

 

Lors des premières années du ministère de la Reconstruction, Paris est surtout représenté dans le fonds photographique avec les expositions. En effet chaque année se tient à Paris une grande exposition : en 1945, l’exposition de la Reconstruction ; en 1946, l’exposition des techniques américaines. ; En 1947 la grande exposition internationale Habitation et urbanisme, au Grand Palais FA009860, puis en 1948 le fonds documente le Salon des arts ménagers qui aura lieu désormais chaque année et sera, jusqu’à la fin des années 50, le rendez-vous stratégique et grand public du MRU. Ces grandes expositions sont des rendez-vous incontournables et on y réalise des reportages photographiques sur le montage, panneau par panneau, les maquettes des constructions en projet, les vues extérieures, les inaugurations, etc.

 

A partir du milieu des années 50, la représentation de Paris s’étendra à divers petits reportages sur des projets urbains à la périphérie de Paris, dans les communes de la proche banlieue…

Cette photo a été prise par Henri Salesse, un photographe souvent mis en avant lorsqu’on aborde la valorisation du fonds photographique. Il a fait toute sa carrière de photographe au sein du ministère, de 1945 à 1977, c’est lui qui partait le plus souvent en tournée sur tout le territoire français. Mais il a aussi réalisé des reportages à Paris, comme le montre ses clichés Porte de Bagnolet par exemple  [ Voir Fig. 03 ] . Ou encore cette vue de 1959 de la Cité des Courtilières à Pantin. Une autre photo montre encore, après les reportages sur les cités insalubres réalisés quelques années auparavant, des enfants jouant dans la cour de ces nouveaux ensembles, larges, avec eau et électricité, et ce type de photographie alimente là bien sûr parfaitement la propagande du ministère.

À partir des années 50, on produit aussi, à côté des clichés en noir et blanc, des Kodachromes, mais cela reste marginal quelques années. Ce fonds couleur a été difficile à exploiter, à mettre en correspondance avec les clichés en noir et blanc.

 

Certaines images comme celle de l’école maternelle du groupe Jean Jaurès à la Cité des Courtilières à Pantin (1962) [ Voir Fig. 04 ]  font penser à des clichés de R. Doisneau. On sait, après discussion avec Jeanine Salesse par exemple, que les photographes salariés étaient sensibles à ce qui se faisait à leur époque et on ressent diverses influences artistiques dans leur travail. Henri Salesse joue avec une perspective accentuée, comme dans ces vues du centre commercial du quartier des Blagis à Sceaux (1961) ou avec des points de vue plongeants, comme dans son Etude de circulation Porte d’Orléans – 18h30 (1958). Sur le même thème de la voirie, des vues de 1971 montrent la construction du périphérique entre Porte Maillot et Porte des Ternes.

 

De plus en plus utilisée dans les années 70, la couleur « prend finalement le pouvoir » dans notre banque d’images en 1981. Ainsi la numérotation des cahiers d’inventaires concerne presque uniquement la couleur à partir de 1981, et le noir et blanc est mis en retrait. Il sert encore à faire des portraits officiels puis disparaît à la fin des années 80. Bernard Suard succède à Henri Salesse en 1977. Sa photo de la cité de l’Abreuvoir à Bobigny (1984)  [ Voir Fig. 05 ]   montre encore une fois des enfants et, plus étonnant, une voiture épave, signe négatif rarement montré dans les reportages du ministère.

Les années et les gouvernements passent et les sujets se succèdent : des reportages documentent la destruction de barres comme celles de la cité des 4000 à la Courneuve, dans les années 90 on photographie aussi en région parisienne les nombreuses opérations d’urbanisme, nouvelles comme en réhabilitation…

Jusqu’aux images plus récentes qui ne sont plus produites en argentique, mais numériquement : par exemple cette photo réalisée par Arnaud Bouissou, actuellement toujours photographe salarié de la direction de la communication du ministère, montre les nouvelles rames du RER, depuis le point de vue du conducteur [ Voir Fig. 06 ] .

 

Cette thématique des transports est encore aujourd’hui bien représentée dans notre photothèque, ainsi que des thèmes relatifs à l’écologie comme ces clichés de l’usine d’incinération des ordures ménagères d’Ivry-sur-Seine (Laurent Mignaux, 2005) ou ceux présentant le site du projet urbain des grands voisins (Manuel Bouquet, 2017). [ Voir Fig. 07 ]

 

Cette sélection issue de 250 000 clichés vous donne un rapide aperçu de la richesse de notre fonds, qui réalise un grand écart entre ces vues en noir et blanc et au 6×6 des démolitions de la guerre et ces projets urbains contemporains en format large et en couleur. Pour l’étude de cette banque d’images, même si des tirages existent (conservés notamment dans des classeurs aux Archives Nationales), il est plus complet d’étudier les négatifs qui sont très bien conservés et bien référencés.

 

Focus sur l’exposition Demain Paris, mars-avril 1961, Grand Palais
Jacques Michel, Le Monde, 14 mars 1961 :

« L’exposition Demain Paris veut expliquer au public le plan d’aménagement et d’organisation générale de la région parisienne. Cet énorme document administratif, dont le principe fut approuvé par le gouvernement de 6 août 1960, a été converti en éléments visuels simples et claires, maquettes de bâtiments et d’ensembles urbains, reproductions photographiques, films, graphiques et diagrammes qui retracent l’ensemble des travaux de construction et l’aménagement de la région parisienne depuis la Libération. Conçu dans un esprit didactique cette exposition, assurément la plus importante qui ait été présentée aux parisiens, donne une vue globale des problèmes avec lesquels tout citadin se trouve aux prises chaque jour. C’est un véritable tableau clinique de la crise de croissance de la région parisienne, qui s’est accrue depuis 1880 de 5 millions d’habitants sans organisation ni méthode, comme l’a dit lui-même Sudreau. »

 

A propos de l’exposition Demain Paris organisée en 1961 au Grand Palais, on retrouve dans TERRA des vues d’ensemble, des clichés panneau par panneau et des prises de vue de l’inauguration. Plusieurs photographes sont intervenus sur cet évènement d’importance. Les clichés dans la photothèque sont en haute définition, on peut donc zoomer pour analyser le cliché en détail. On peut y lire par exemple les petites phrases « chocs » accompagnant les schémas, dessins, etc. A noter que nous avons aussi des diapositives couleur sur ce reportage. L’ensemble de tous ces reportages est consultable en ligne, et les photos téléchargeables après inscription.  [ Voir Fig. 08 ]

Autre panneau par exemple : « Dans le département de la Seine la superficie des jardins d’enfants n’est que de 2 hectares, elle devrait être de 280 hectares. »

« Si les 200 000 voitures qui sont en stationnement dans le milieu d’après-midi à Paris étaient mises bout-à-bout, elles couvriraient la distance Paris-Nice ! »  [ Voir Fig. 09 ]

«  Plus loin plus vite avec le métropolitain et le réseau express régional» [ Voir Fig. 10 ][ Voir Fig. 11 ][ Voir Fig. 12 ]

 

 

 

Informations et contact :

Ministère de la Transition écologique

Ministère de la Cohésion des Territoires et des Relations avec les collectivités territoriales

Ministère de la Mer

 

244 Boulevard Saint-Germain – 75007 Paris

https://terra.developpement-durable.gouv.fr/

e-mail : terra@developpement-durable.gouv.fr

 

Médiathécaires :

Christophe Cazeau – tél : 01.40.81.93.19

Laurent Poupinais – tél : 01.40.81.37.65

 

Figures et illustrations

Figure 1 :

Chantier d’expérience de Noisy-le-Sec – Cité expérimentale de Merlan – 1945, Crédits photo :  André-Louis Guillaume – Terra

Figure 2 :

Constructions du troisième immeuble, chantier des ISAI – Saint-Denis – 1945, Crédits photo :  André-Louis Guillaume – Terra

Figure 3 :

Exposition internationale de 1947 Habitation et urbanisme au Grand Palais, Crédits photo : Terra

Figure 4 :

Ensemble d’immeubles vu depuis le stade Porte de Bagnolet, Crédits photo : Henri Salesse – Terra

Figure 5 :

Cité des Courtillières – Pantin –  école maternelle du groupe Jean Jaurès – 1962, Crédits photo : Terra

Figure 6 :

Cité de l’Abreuvoir – 1500 logements – Bobigny -1984, Crédits photo : Bernard Suard – Terra

Figure 7 :

Conducteur de train d’une rame MI09 (RER)– 2012, Crédits photo :  Arnaud Bouissou – Terra

Figure 8 :

Site du projet urbain des grands Voisins – 2017, Crédits photo :  Manuel Bouquet – Terra

Figure 9 :

L’exposition Demain Paris mars-avril au Grand Palais – 1961, Crédits photo : Terra

Figure 10 :

L’exposition Demain Paris mars-avril au Grand Palais – 1961, Crédits photo : Terra

Figure 11 :

L’exposition Demain Paris mars-avril au Grand Palais – 1961, Crédits photo : Terra

Figure 12 :

L’exposition Demain Paris mars-avril au Grand Palais – 1961, Crédits photo : Terra

Figure 13 :

L’exposition Demain Paris mars-avril au Grand Palais – Visite du général de Gaulle – 1961, Crédits photo : Terra