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« Franchir les murs de la Cité ». La photographie parisienne à l’épreuve des environs autour de 1900

by Olga Lemagnen

Résumé

En 1898, la Commission municipale du vieux Paris voit le jour, mettant la photographie au coeur de son processus d’inventorisation du patrimoine parisien. Dès l’année suivante, elle décide de « franchir les murs de la Cité », jusqu’aux confins de l’ancien Parisis, pour entretenir le lien qui unit depuis des siècles la ville et ses environs. Cependant, si elle fait effectivement l’objet de plusieurs visites, la banlieue reste largement moins représentée. Les prises de vues sont souvent motivées par des exigences historiques strictement parisiennes. Au lien étroit qui avait été mis en avant pour entériner le projet se substitue un rapport de sujétion entre deux entités géographiques clairement délimitées. Pourtant, au cours des deux premières décennies du XXe siècle, la banlieue ne cesse de susciter l’intérêt de la ville de Paris, comme en témoignent les collections photographiques municipales. Il s’agira ainsi de réfléchir, à travers le prisme de la photographie, au traitement ambigu auquel la ville de Paris a soumis la banlieue, fondé sur un double mouvement opposant rejet et inclusion.

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https://www.inventerlegrandparis.fr/link/?id=1079

DOI

10.25580/IGP.2020.0031

Olga Lemagnen est doctorante contractuelle en Histoire de l’art à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Elle prépare une thèse sous la co-direction de Michel Poivert et Bertrand Tillier intitulée L’Institution parisienne de la photographie. Dans l’ombre d’Atget : une expérience collective, portant sur la pratique de la photographie urbaine à Paris entre 1898 et 1918.


Français

En 1898, la Commission municipale du vieux Paris voit le jour, mettant la photographie au coeur de son processus d’inventorisation du patrimoine parisien. Dès l’année suivante, elle décide de « franchir les murs de la Cité », jusqu’aux confins de l’ancien Parisis, pour entretenir le lien qui unit depuis des siècles la ville et ses environs. Cependant, si elle fait effectivement l’objet de plusieurs visites, la banlieue reste largement moins représentée. Les prises de vues sont souvent motivées par des exigences historiques strictement parisiennes. Au lien étroit qui avait été mis en avant pour entériner le projet se substitue un rapport de sujétion entre deux entités géographiques clairement délimitées. Pourtant, au cours des deux premières décennies du XXe siècle, la banlieue ne cesse de susciter l’intérêt de la ville de Paris, comme en témoignent les collections photographiques municipales. Il s’agira ainsi de réfléchir, à travers le prisme de la photographie, au traitement ambigu auquel la ville de Paris a soumis la banlieue, fondé sur un double mouvement opposant rejet et inclusion.


Lorsque la Commission du vieux Paris (CVP) voit le jour en 1898, elle place d’emblée la photographie au cœur de son projet d’inventaire et de sauvegarde du patrimoine parisien. Elle crée une sous-commission spécialement chargée des reproductions et passe des commandes régulières à des photographes professionnels dont elle a su soigneusement s’entourer[1]. Le vieux Paris est parcouru, sinon systématiquement, du moins abondamment, entre 1898 et 1914, date à laquelle elle cesse complètement son activité photographique. Les plusieurs centaines de photographies produites dans ce contexte, forment un ensemble très complet, qui fait grand cas des richesses artistiques et historiques de la capitale. La photographie devient une solution de conservation à part entière, qui vient palier le regret de voir disparaître les formes anciennes de la ville. Un patrimoine plus modeste, ancré dans la localité, est préféré au monument, rarement photographié. Ma thèse de doctorat, que je réalise à l’Université Panthéon-Sorbonne sous la direction de Michel Poivert et Bertrand Tillier, porte précisément sur cette agitation photographique qui anime la capitale à la fin du XIXe siècle, du fait de l’intérêt accru des institutions municipales pour une photographie de Paris. Celle-ci devient, quoique le terme soit un peu fort, un phénomène de mode, encouragée par les musées et bibliothèques municipaux qui achètent et commandent des épreuves en grande quantité. Un photographe aussi célèbre qu’Eugène Atget émerge dans ce contexte, même s’il ne travaillera jamais directement pour la CVP. D’autres, moins connus, s’engagent dans une voie similaire : ils s’appellent Henri Godefroy, Jean Barry, Pierre Emonts ou encore Eugène Gossin, pour les plus féconds. Photographes professionnels indépendants, ils travaillent tous en leur nom propre, intervenant seuls dans chacune des étapes de l’exécution de leurs travaux.

Contrairement à ce que son nom indique, la Commission du vieux Paris s’est très tôt intéressée à la banlieue. Elle prétend « franchir les murs de la Cité et étendre son action à la région de l’ancien Parisis où l’histoire et l’art ont laissé tant de monuments et dont la vie, dans le passé le plus lointain, aussi bien qu’aujourd’hui, a toujours été intimement liée à celle de Paris »[2]. La banlieue suscite régulièrement des discussions lors des séances de la CVP. Laurence Bassières a relevé 150 occurrences de la banlieue au cours des 120 séances plénières de la Commission, entre 1898 et 1915[3]. Mais alors que Paris fait l’objet d’un minutieux recensement photographique, ses environs sont, eux, bien moins arpentés. Entre le moment de sa création et la veille de la Première Guerre mondiale, la CVP commande, au total, une petite centaine de photographies relatives à la banlieue. Aujourd’hui partagées entre la Bibliothèque historique de la ville de Paris (BHVP) et le musée du Domaine départemental de Sceaux, une partie de mon travail a été de les identifier et de les inventorier. Ce corpus, une fois constitué, m’a servi de fil conducteur pour tenter de décrypter les différentes manières de voir la banlieue, depuis Paris, au début du XXe siècle.

À l’heure où le Grand Paris n’a pas encore été inventé, l’étude des photographies de la CVP, met en relief le tracé d’une frontière très nette entre le Paris intra et extra-muros. Si une volonté de parcourir méthodiquement les environs est d’emblée formulée par la Commission, les photographies témoignent de l’existence d’un rapport de domination – ou du moins d’un regard ciblé -, qui nous pousse à nous interroger en ces termes : ne serait-ce pas sa propre image que Paris est allé chercher dans la banlieue ?

 

 

1) Inventorier les environs

a. La recherche d’une méthode

Lorsque la CVP décide, à partir de 1899, d’étendre ses recherches à la banlieue, elle ambitionne d’abord de porter un regard méthodique sur les communes suburbaines. Divers projets sont alors proposés. La Commission élabore, dans un premier temps, un « questionnaire archéologique et artistique » à destination des maires des différentes communes du département de la Seine, qui permettrait d’identifier, en amont, les édifices ou les objets dignes d’intérêt[4]. Quoiqu’il fît l’objet de plusieurs discussions, le questionnaire ne fut finalement jamais exploité, et le projet abandonné. Quelques mois plus tard, la Commission décide d’organiser une « tournée de banlieue »[5], commune par commune, toujours dans le but de parcourir méthodiquement le territoire. Cette proposition ne sera expérimentée que sous une forme très réduite, puisqu’une seule visite fut explicitement organisée dans ce cadre.

Dix-neuf localités du Département de la Seine font l’objet de commandes photographiques, entre 1899 et 1913, respectivement les dates de la première et de la dernière photographie recensée dans la banlieue. C’est peu, comparé au Paris intra-muros. À titre de comparaison, vingt-quatre adresses sont photographiées dans la capitale, durant la seule année 1901. En une année, on commande plus de photographies dans Paris qu’en quinze ans hors de Paris. En réalité, la CVP s’est bien plus préoccupée de la banlieue qu’elle ne l’a photographiée. Cela s’explique d’abord par un argument financier. Les prises de vues constituent un budget non négligeable, largement réservé au Paris intra-muros ; sans compter qu’une photographie prise en banlieue coûte assurément plus cher qu’une photographie prise dans l’enceinte de la capitale, du fait du surplus lié aux frais de déplacement du photographe.

Dans la majorité des cas, les photographies prises dans la banlieue témoignent d’une prédominance de l’aléatoire, qui se manifeste, d’une part, à travers l’étude des déplacements des photographes et, d’autre part, dans le choix des sujets.

C’est souvent le signalement d’un de ses membres ou d’une personnalité liée à la commune concernée, qui pousse la Commission à organiser une visite sur les lieux, et à passer d’éventuelles commandes. Pour la banlieue, il est donc difficile d’établir une typologie des prises de vues, tant chaque photographie commandée vient répondre à un besoin particulier, hors de tout programme.

La banlieue possède ses fidèles informateurs : ce sont eux qui sont le plus souvent à l’origine des déplacements extra-parisiens de la Commission. Par exemple, le conseiller municipal Alfred Breuillé est à l’origine de nombreuses visites. En 1902, il signale l’existence des vestiges d’une ancienne abbaye à Saint-Maur-des-Fossés[6] ; en 1904, il conduit ses confrères jusqu’à Champigny-sur-Marne pour visiter l’église de la commune[7] [ Voir Fig. 01 ] . À chaque fois, plusieurs photographies sont commandées[8].

La CVP se laisse donc guider au rythme des suggestions de ses membres et des heureux hasards qui font qu’elle se retrouve parfois au bon endroit au bon moment. Une visite en entraîne souvent une autre, sans logique apparente, les vieux Parisiens « profitant » – le terme revient souvent – de tel ou tel déplacement, pour se rendre dans des localités voisines, voir d’autres objets de sa curiosité. Ainsi, « profitant de son excursion à Saint-Maur », la Commission décide, dans la foulée, de se rendre, à l’institution du « Parangon », à Joinville-le-Pont, une commune voisine[9]. Elle y fait prendre trois photographies des peintures qui ornent les dessus de porte du salon de l’ancien château. En 1907, à l’occasion d’une visite sur un chantier de fouilles en banlieue parisienne, elle « profite de son passage à Arcueil » pour visiter un ancien château d’eau, servant autrefois à la distribution des eaux de la ville de Paris[10].

Parfois, c’est l’urgence provoquée par l’annonce de la transformation ou de la démolition d’un édifice qui la pousse à se déplacer. Suite à l’annonce de la disparition des châteaux d’Issy-les-Moulineaux et de Vitry-sur-Seine, elle les fait abondamment photographier, dans le but de sauver de l’oubli l’édifice condamné[11] .

Enfin, l’aléatoire des déplacements se lit au regard de l’aléatoire des sujets photographiés. Si l’on trouve plusieurs photographies attendues de châteaux, folies, et autres demeures de prestiges, l’étude des photographies de la banlieue fait ressortir un goût particulier pour un patrimoine méconnu, dissimulé dans l’espace urbain, qu’il appartiendrait à la Commission de révéler, par la photographie, au grand public. L’église qu’elle visite en 1904 à Champigny-sur-Marne, sous les conseils d’Alfred Breuillé, est décrite comme « une curiosité archéologique ignorée », qui provoque un fort enthousiasme parmi les membres. On peut lire dans le procès-verbal : « Lorsqu’on entre dans Champigny et qu’on aperçoit sa modeste église, qui dépasse à peine les maisons qui l’entourent, on est loin de se douter qu’elle renferme de si jolies sculptures »[12]. L’appât de l’inconnu se double d’un goût pour l’insoupçonné. L’émerveillement suscité par la découverte est au cœur du projet photographique de la CVP. En juillet 1904, elle s’enthousiasme devant la découverte d’un tympan sculpté du XIIe siècle, demeuré « presque intact », dans l’enceinte du presbytère d’Issy-les-Moulineaux[13] [ Voir Fig. 04 ] .

Au regard des sujets photographiés et de la méthode adoptée, il est difficile de parler d’une rupture évidente entre Paris et la banlieue. En effet, même dans le cas parisien, l’inventaire du vieux Paris est loin d’avoir été mené systématiquement, l’aléatoire étant très vite devenu, par défaut, le maître mot. En revanche, la quantité des photographies produites et des lieux parcourus marque, elle, une rupture claire, témoignant d’un délaissement pour la banlieue au profit de la capitale.

 

b.Eugène Atget : un concurrent plus assidu

Eugène Atget, l’éminent photographe du vieux Paris, qui restera toujours en marge de la CVP, est le seul à avoir porté un regard discipliné sur la banlieue parisienne. Attentif aux richesses architecturales et pittoresques des villes et des villages des « environs », il dédie une série entière à cette thématique, qu’il inaugure au cours de l’année 1901[14]. Celle-ci comprend, à la fin de sa carrière, environ 1000 clichés. Atget et la CVP ont rarement photographié les mêmes objets dans la banlieue. Le premier photographie par exemple, en détail, le château de Meudon, le parc de Saint-Cloud, les communes de Châtillon et de Clamart, autant de lieux où la seconde ne se rendra jamais. Même lorsqu’ils se rendent dans les mêmes localités, ils n’en photographient souvent pas les mêmes objets. Ainsi Atget photographie-t-il les vieilles rues de Bagneux  [ Voir Fig. 05 ]  quand la Commission ne s’y rend que pour y photographier deux fresques du peintre Louis Jeanmot, retrouvées dans la maison d’un particulier [ Voir Fig. 06 ] .

Quelques fois cependant, leurs préoccupations furent réunies autour des mêmes objets. À Clichy par exemple, Atget et Eugène Gossin, un des photographes de la CVP, s’intéressent exactement aux trois mêmes lieux: l’ancien Pavillon de chasse de la rue de Landy  [ Voir Fig. 07 ] , la vieille église et l’arbre de Judée qui se trouve juste derrière[15].

D’autres fois, a contrario, un même sujet peut engendrer deux regards très différents : Tandis que Jean Barry insiste longuement sur le pittoresque des ruines du château d’Issy[16], Atget cherche plutôt à en avoir une vision exhaustive, la partie en ruine ne représentant qu’une seule des nombreuses photographies de cette série[17].

 

 

2) Les Environs : reflet d’une capitale

À rebours de l’approche exhaustive initialement formulée, les choix photographiques menés par la CVP en banlieue semble plutôt répondre à une démarche ciblée, qui participe de l’élaboration d’une histoire parisienne des environs. L’histoire de Paris est, en effet, aussi à chercher dans la banlieue, comme en atteste Henri Sellier, maire de Suresnes, qui résume ainsi, en juin 1920, l’action de la Commission :

Le Vieux Paris, au point de vue archéologique et historique, ce n’est pas seulement la partie de l’agglomération comprise dans l’enceinte des fortifications, c’est toute la région qui relève du patrimoine historique de Paris, de sa vie publique : Suresnes, avec les séjours de Henri IV…, le château de Vincennes…, la basilique de Saint-Denis… (…). Voilà la raison pour laquelle (…) il est grand temps d’aller de l’autre côté des fortifications trouver, dans les centres auxquels j’ai fait allusion, les restes historiques qui participent de la vie de Paris[18].

 

a. Servir l’histoire de Paris

En effet, les photographies commandées par la CVP en banlieue ont souvent vocation à venir enrichir l’histoire de Paris. La première – et la seule – visite qu’elle organise dans le cadre de sa « tournée des banlieues » a lieu à Bagnolet, en 1901. Elle y visite principalement les carrières de plâtre de la ville, qui suscitent un fort enthousiasme chez les membres de la Commission. Plusieurs photographies sont alors faites par Jean Barry, le photographe qui les accompagne, fidèle compagnon de route de la CVP [ Voir Fig. 09 ] . Le procès-verbal rapporte : « On a pensé qu’il était utile de conserver des reproductions de l’aspect de ce coin, si voisin de Paris et si pittoresque. (…) Et c’est parce que l’on regrette de ne pas posséder de vues des anciennes carrières du Paris disparu, avec les détails de leur installation, qu’il importe d’être plus généreux pour ceux qui nous suivront et qui continueront nos travaux[19]. » La photographie vient ainsi combler explicitement un manque : celui de n’avoir aucune trace des carrières autrefois en exploitation dans Paris. Quoique l’enthousiasme de la Commission soit bien réel, photographier la banlieue apparaît comme une solution de substitution, au service de l’histoire de Paris.

Certains travaux menés par la CVP en banlieue s’étendent sur plusieurs années. Entre 1903 et 1912, elle mène d’importantes recherches au Sud de la capitale, pour retrouver les vestiges de l’aqueduc romain de Paris, qui alimentait en eau le Palais des Thermes de Cluny. Chaque découverte est scrupuleusement photographiée . Lors de ses visites en banlieue, il est d’ailleurs assez fréquent que la Commission se fasse directement accompagner par le photographe, pour faciliter les prises de vues et le déplacement. En attestent les photographies qui montrent les organisateurs posant fièrement devant l’objectif [ Voir Fig. 10 ] .

 

b. Servir les intérêts parisiens

Lorsque la CVP se rend au-delà des communes limitrophes, c’est donc souvent dans un but bien précis. Outre son penchant prononcé pour l’histoire de Paris, l’étude des photographies de la banlieue révèle que nombreuses sont les visites faites dans le but de servir les intérêts de la municipalité parisienne et de défendre le patrimoine qui lui revient.

En 1911, la Commission se rend dans la commune de Moret-sur-Loing, au-delà du département de la Seine, à une petite centaine de kilomètres de Paris, dans le département de Seine-et-Marne. À la suite de cette visite, elle fait prendre trois photographies de la chapelle de Pontloup, située dans la commune[20]. Ce n’est pas un hasard si la CVP s’intéresse particulièrement à cette chapelle. En effet, les procès-verbaux des séances nous apprennent que la ville de Paris en est propriétaire[21]. C’est pour cette raison qu’elle prend la peine d’envoyer un photographe à une centaine de kilomètres de Paris. En réaction à une proposition de mise en vente émanant de l’Administration municipale, la CVP émet le vœu que la chapelle soit proposée au classement des monuments historiques pour empêcher sa disparition ou d’éventuelles dégradations[22].

Dans une perspective similaire, elle se prononce contre la mise en vente, en 1902,  du château de Bagatelle, situé dans le bois de Boulogne[23]. Elle le fait alors photographier, et pousse la Ville de Paris à racheter la propriété. Cette proposition a évidemment vocation à ce que la municipalité garde le contrôle sur le bois environnant qui, en 1902, n’a pas encore été rattaché à la capitale.

 

 

Conclusion : une distanciation par le classement :

Lorsqu’il s’agit de valoriser les particularismes locaux des communes suburbaines, la CVP se révèle bien moins présente. La banlieue dénuée d’intérêts parisiens est souvent relayée au second plan. Le rejet de la banlieue aux portes de Paris est attesté jusque dans les choix de conservation des photographies au sein des collections de la ville de Paris. À la BHVP, les épreuves rejoignent, dès l’origine, la série topographique où elles sont rangées, par adresse, aux-côtés d’autres photographies, acquises via différents canaux, notamment les photographies d’Atget. Mais alors que 80 cotes distinctes, correspondant aux 80 quartiers administratifs de la capitale, sont dévolues aux photographies de Paris, une seule cote regroupe l’ensemble des photographies de la banlieue. C’est assez, me semble-t-il, pour renforcer l’hypothèse d’un regard furtif porté par la capitale sur ses environs. Cela ne veut pas pour autant dire que les institutions parisiennes se sont désintéressées de la banlieue. Si la CVP en commande peu de photographies, la BHVP achète à Atget, au même moment, plus de 400 épreuves de sa série sur les Environs. Il ne serait d’ailleurs pas totalement insensé d’imaginer que la Commission se soit indirectement reposée sur Atget, dans un souci de complémentarité, qui l’arrangeait bien d’un point de vue logistique et financier.

La CVP s’est toujours défendue d’intégrer la banlieue à ses préoccupations, dans le but de garder la mainmise sur le département de la Seine. En février 1920, la création d’une Commission historique de la banlieue est proposée. Certains membres de la CVP s’y opposent catégoriquement, notamment son vice-président, Jean-Maurice Le Corbeiller, rappelle avec force « le dévouement, l’activité, la compétence indiscutable mis au service de la banlieue par la Commission du vieux Paris »[24]. Après trois mois de discussions, le projet d’une Commission indépendante de la banlieue est porté en échec, celle-ci se retrouvant absorbée par la CVP qui promet d’élargir plus significativement son activité aux communes suburbaines. Mais les propos du vice-président ne semblent pas aller dans le sens d’un réel changement :

Philippe. – Pourquoi, mon cher collègue, ne modifiez-vous pas le titre de la Commission que vous nous proposez d’instituer. Vous l’appelez Commission du Vieux Paris, alors que vous étendez sa compétence à toute la banlieue. Le titre n’est donc plus exact.

Le Corbeiller. – Elle s’est toujours occupée de la banlieue

Philippe. – Alors, qu’y a-t-il de changé ?

Le Corbeiller. – Absolument rien[25].

 

Figures et illustrations

Figure 1 :

Union photographique française, « Église de Champigny. Côté gauche de la nef », phototypie reproduite en annexe du procès-verbal de la CVP, séance du 11 février 1904. Ville de Paris / Bibliothèque historique, BHVP, 2009-22757 [En ligne sur Gallica].

Figure 2 :

Eugène Gossin, « Ruines du château d’Issy. Façade sur la parc, donnant entrée sur le grand salon », phototypie reproduite en annexe du procès-verbal de la CVP, séance du 7 avril 1904. Ville de Paris / Bibliothèque historique, BHVP, 2009-22757 [En ligne sur Gallica].

Figure 3 :

Jean Barry, « Château de Vitry-sur-Seine. Cour d’entrée », phototypie reproduite en annexe du procès-verbal de la CVP, séance du 11 novembre 1905. Ville de Paris / Bibliothèque historique, BHVP, 2009-22757 [En ligne sur Gallica].

Figure 4 :

Jean Barry, « Tympan du XIIe siècle provenant de l’ancienne église d’Issy et conservé dans le jardin du presbytère », phototypie reproduite en annexe du procès-verbal de la CVP, séance du 7 juillet 1904. Ville de Paris / Bibliothèque historique, BHVP, 2009-22757 [En ligne sur Gallica].

Figure 5 :

Eugène Atget, Bagneux : vieille rue, 1901, épreuve sur papier albuminé, 17 x 21,3 cm. Bibliothèque nationale de France, département Estampes et photographie, BOITE FOL B-EO-109 (15).

Figure 6 :

Union photographique française, « Fresque de Louis Jeanmot, exécutée dans une maison de la rue Fortin (à Bagneux) », phototypie reproduite en annexe du procès-verbal de la CVP, séance du 5 décembre 1913. Ville de Paris / Bibliothèque historique, BHVP, 2009-22757 [En ligne sur Gallica].

 

Figure 7 :

Eugène Gossin, « Ancien hôtel, situé rue de Lendit, n°7, à Clichy-la-Garenne », phototypie reproduite en annexe du procès-verbal de la CVP, séance du 15 mai 1902. Ville de Paris / Bibliothèque historique, BHVP, 2009-22757 [En ligne sur Gallica].

Figure 8 :

Eugène Atget, Clichy, Ancien pavillon de chasse, rue de Landy 7, 1901, épreuve sur papier albuminé, 17 x 21,7 cm. Bibliothèque nationale de France, département Estampes et photographie, BOITE FOL B-EO-109 (15).

Figure 9 :

Jean Barry, « Carrières à plâtre de Bagnolet – (En exploitation) », phototypie reproduite en annexe du procès-verbal de la CVP, séance du 14 novembre 1901. Ville de Paris / Bibliothèque historique, BHVP, 2009-22757 [En ligne sur Gallica].

Figure 10 :

Jean Barry, « Bassin romain de Wissous. Vue d’ensemble », phototypie reproduite en annexe du procès-verbal de la CVP, séance du 12 novembre 1903. Ville de Paris / Bibliothèque historique, BHVP, 2009-22757 [En ligne sur Gallica].