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© Inventer le Grand Paris
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Introduction

par Julien Aldhuy et Clément Orillard

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https://www.inventerlegrandparis.fr/link/?id=2238

DOI

10.25580/IGP.2020.0040

Introduction

Cette journée d’études s’inscrit dans un cycle intitulé « Aménager la banlieue parisienne » de deux journées d’études communes aux groupes de travail « Inventer le Grand Paris » et « Production Urbaines & Marchés » du Labex Futurs Urbains (UPE). Toutes deux contribuent à une histoire de la production du cadre bâti du Grand Paris en analysant l’évolution de ses acteurs au XXe siècle. Alors que l’histoire des établissements publics d’aménagement est relativement bien connue grâce aux travaux sur l’opération de La Défense et sur les villes nouvelles, la première journée d’étude proposait d’ouvrir un chantier sur l’autre type d’opérateur pouvant être en charge d’opérations d’aménagement en interrogeant « les mondes de l’économie mixte et leurs histoires ».

 

Au-delà de ces opérations d’aménagement de taille plus ou moins importante, l’agglomération parisienne s’est aussi structurée à travers la création de nouveaux équipements d’envergure régionale. On pense aux aéroports bien entendu mais aussi aux palais des congrès et centres d’exposition, aux centres commerciaux régionaux, à un marché alimentaire comme celui de Rungis, aux parcs d’attraction, aux parcs logistiques, aux complexes universitaires, aux grands parcs publics, etc. De natures très différentes, ces équipements ont souvent été réalisés par vagues successives pour connaître ensuite des évolutions fort différenciées. Derrière ces équipements se trouve de grands acteurs régionaux qui sont autant d’opérateurs publics ou privés qui ont fait l’histoire ancienne ou plus récente de la construction du Grand Paris : Chambre de commerce et d’industrie de Paris (CCIP), Aéroport de Paris, grandes foncières d’immobilier commercial, sociétés gestionnaires de parcs d’attraction, sociétés mixtes de gestion de parc logistique, les divers acteurs publics et privés de l’enseignement supérieur, etc.

 

Les travaux concernant ces grands équipements structurants en Ile-de-France et leurs acteurs existent mais sont rarement abordés de manière transversale. C’est cet objectif que s’est assigné cette deuxième journée d’étude en interrogeant les « productions et (les) évolutions des grands équipements structurants » à partir d’une double entrée. D’un côté, elle a proposé d’étudier la trajectoire de certains équipements eux-mêmes, leur reconfiguration spatiale en lien avec l’évolution des organismes responsables de leur gestion. De l’autre, il s’agissait de questionner la trajectoire des grands acteurs opérateurs, leur réorganisation et l’évolution de leur action. Dans les deux cas, l’interaction entre gestion publique et action privée devait être plus particulièrement discutée.

 

La journée d’étude a été organisée autour de trois séquences qui sont autant d’entrées différentes à aborder de manière complémentaire.

 

Un premier temps a été consacré à interroger un territoire spécifique du Grand Paris. Il s’agit du vaste secteur du nord-est parisien – entre le parc Georges Valbon à La Courneuve et l’aéroport Roissy-Charles de Gaulle – qui a été le lieu de l’implantation successive de plusieurs grands équipements structurants. Trois contributions ont abordé chacune la fondation et l’évolution d’un de ces équipements : l’aéroport du Bourget, le parc Georges Valbon et le parc des expositions de Villepinte. Elles permettent d’esquisser une histoire de ce territoire dont le destin n’est pas issu d’une décision unique. Il est en fait lié à une très bonne desserte initiale en termes d’infrastructure routière et ferroviaire identifiée dès la première guerre mondiale par plusieurs acteurs publics et privés comme l’Etat, le département de la Seine ou la Société sportive d’encouragement, gestionnaire de champs de course.

 

Si leurs décisions d’implantation ou d’acquisition de réserve foncière ne sont pas coordonnées et peuvent générer des conflits, elles s’agrègent et engagent une spécialisation de ce territoire qui est loin d’être seulement la conséquence des nuisances aéroportuaires. Pour un meilleur accès à ces équipements, sa desserte en infrastructure se renforce entrainant le choix d’y implanter d’autres grands équipements qui eux-mêmes augmentent la nécessité d’une bonne desserte, etc. On le voit avec la décision d’y faire passer l’autoroute Nord future A1 qui entraine l’implantation l’aéroport de Roissy-Charles de Gaulle ; qui lui-même entraine l’implantation du Réseau express régional (RER) ; aéroport et RER expliquant le choix par la CCIP d’y implanter son nouveau grand parc des expositions dans les années quatre-vingt. Une conséquence majeure de cette histoire est un morcellement de ce territoire avec une gouvernance complexe mêlant des acteurs d’échelle régionale, chacun porteur de sa propre stratégie, et des collectivités locales qui peuvent être dépassées par ces enjeux. Il serait intéressant d’engager le même type d’analyse sur un autre territoire du Grand Paris qui a connu une trajectoire équivalente, celui situé au sud de Paris entre le marché d’intérêt national de Rungis et l’aéroport d’Orly et de comparer son évolution avec celle du nord-est parisien.

 

Dans un second temps, l’histoire des villes nouvelles a été revisitée en les abordant du point de vue des grands équipements métropolitains qu’elles ont accueillis. Les trois cas d’étude présentés ont montré des destins différents : à Cergy-Pontoise, la stratégie commune entre la ville nouvelle et l’université est l’aboutissement d’une histoire longue ; à Saint-Quentin-en-Yvelines la construction commune du centre entre les acteurs publics et les opérateurs privés des équipements commerciaux a été mise à mal par les évolutions divergentes des uns et des autres ; à Marne-la-Vallée la relation entre acteurs publics et opérateur du parc à thème a fait l’objet d’un partenariat fort pensé dans la durée.

 

L’enseignement supérieur a été un élément très important dans le projet porté par l’Etablissement public d’aménagement de Cergy-Pontoise. Au-delà de l’arrivée précoce de l’ESSEC, une programmation universitaire a été pensée dès le départ même si elle ne se concrétise finalement que dans les années quatre-vingt-dix avant qu’une coalition forte soit aujourd’hui formalisée entre l’université et les collectivités territoriales. A Saint-Quentin-en-Yvelines, c’est l’équipement commercial qui a été au cœur de l’aménagement de son centre-ville. Il a été constitué de deux centres commerciaux innovants réalisés successivement à la suite d’une programmation matérialisant un partenariat de fait entre l’aménageur public et des opérateurs immobiliers qui n’a pas résisté à la disparition du premier et l’évolution des seconds vers une financiarisation mondialisée. Enfin, la place de Disneyland Paris au sein du développement de Marne-la-Vallée s’explique par un intérêt plus ancien de l’aménageur pour ce type d’équipement. Il permet de comprendre le partenariat fort noué qui en contrepartie transporte une culture exogène, celle de la thématisation, dans le monde de l’aménagement urbain français.

 

Pour ouvrir la réflexion, une dernière intervention interroge cette forme particulière d’équipement structurant que sont les grandes infrastructures à travers les cas de l’Aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle et du boulevard périphérique de Paris. Ceux-ci ont été pensés à une époque spécifique de la politique d’aménagement du Grand Paris mais leur dimension implique une réalisation dans un temps nettement plus long, aboutissant à des synchronies et des désynchronisations avec l’évolution du Grand Paris. Complexité supplémentaire, les imaginaires culturels qu’ils mobilisent ainsi que leurs relations avec leur environnement évoluent.