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DOI

10.25580/IGP.2019.0037

Emmanuel Bellanger

Ce qui semble marquant dans ces exposés, c’est d’abord l’importance du mouvement coopératif. La coopérative ouvrière est finalement, pour la nouvelle génération de militants entrés en politique, le premier moment de confrontation avec le réel. La coopérative n’est pas uniquement un engagement militant, c’est incontestablement aussi une conversion politique à la gestion et au compromis négocié avec des acteurs qui ne sont uniquement des semblabes, des militants ; ils sont aussi des adversaires politiques avec lesquels ils doivent composer.

Ce qui frappe également c’est que finalement cette nouvelle génération d’hommes politiques, issus de mouvements politiques et syndicaux d’essence révolutionnaire, est très tôt travaillée par de fortes contradictions qui vont les conduire à s’engager dans ce qu’on a pu appeler le municipalisme. Un municipalisme qui relève plus d’une coopération constante avec un environnement social et politique qui est souvent hostile.

Dans la continuité de l’exposé de Jean-Marie Maroille sur l’année 1919, il est important de souligner que se pose, aux acteurs politiques socialistes et bientôt communistes investis d’une charge municipale, la question de l’incarnation de l’autorité et l’ordre municipal ; cette incarnation va les conduire à épouser la figure traditionnelle du notable qu’ils contestaient. On le voit avec Henri Sellier qui, socialiste, représente et célèbre la figure du maire bon père de famille, qui cherche la reconnaissance de ses administrés avant celle de son parti. Il est intéressant de voir qu’en 1919, aux élections locales, il y a bien cette volonté de sanctionner les notables qui appartiennent à la nébuleuse radicale et radical-socialiste, en défendant un projet social et politique d’essence révolutionnaire mais qui, très vite, dans sa pratique devient une expérience de compromis.

En 1919, ce qui fait aussi la force de ce nouveau personnel politique sorti victorieux des élections locales, c’est son habilité à s’engager sur différentes scènes, ce qu’on appele vulgairement le cumul de mandats, qui offre des opportunités aux municipalités populaires où le service public est en quelque sorte la propriété du pauvre. Leurs élus et leurs administrations vont développer ces services publics, dans le prolongement des premières éxperience du socialisme municipal et bientôt du communisme municipal. la scène municipale, la scène intercommunale, la scène départementale, deviennent très tôt une scène métropolitaine et une scène nationale. Sellier, homme de réseaux, symbolise ce positionnement ; il est incontestablement le formateur d’un nouveau personnel politique qui s’engage à réhabiliter les banlieues populaires en les insérant dans ce qui relève d’une dynamique métropolitaine et politique.

 

Laurent Coudroy de Lille

C’est vraiment important d’avoir un aperçu des enjeux de politique locale dans cette journée où l’on parle de ville et d’urbanisme. Sur le monument à Sellier que vous avez montré il y a cette appellation d’ « urbaniste et sociologue » que je trouve très significative. Qu’est-ce qu’on sait sur cette inscription ? Je me demandais comment elle a été faite, je la trouve très intéressante et originale.

J’aimerais aussi poser la question de la mémoire. Comment entretenir la mémoire de cette période ?

 

Jean-Marie Maroille

Au sujet de la statue de Saulo, on n’a que des archives photographiques mais je n’ai pas retrouvé d’éléments concernant l’origine de la légende.

 

Jean-Pierre Respaut

Je pense que la mémoire de Sellier se manifeste d’abord dans ce boulevard qui partage Suresnes en deux. Chacun l’emprunte et chacun observe qu’il s’appelle Boulevard Henri Sellier. Quant à savoir comment entretenir la mémoire de Sellier, et bien je dirais que la réponse était dans votre question c’est à dire : la cité jardin. S’il y a bien un quartier emblématique de notre ville, c’est la cité jardin. Dans les années 1970 à 1980, c’était un quartier un peu laissé à l’abandon. Cette architecture subissait les affres de l’âge et les projets de l’époque étaient davantage concentrés sur le bas Suresnes, le vieux cœur de ville. La rénovation de la cité jardin à partir des années 1985 jusqu’à 1995, et son classement ont redonné aux habitants une certaine fierté d’y habiter et un cadre de vie bien meilleur. Et puis, dans les années récentes, cette architecture qui était jusqu’alors pas très comprise a commencé à être regardée autrement comme le reste de l’architecture de l’entre-deux guerre. L’action du MUS aujourd’hui est justement de valoriser cet urbanisme social et à travers cet urbanisme social de valoriser bien évidemment son promoteur qui était Henri Sellier. Nous avons par ailleurs créé, au niveau régional, une association des cités jardins qui associe les villes des départements de proche banlieue avec cette volonté de valorisation de ce patrimoine d’une part et de répondre à une curiosité de plus en plus affirmée d’un tourisme urbain d’autre part.

 

Colette Grandclaudon

Je voudrais signaler à propos de la mémoire d’Henri Sellier que le Centre National de la Fonction Publique Territoriale a consacré une salle à Henri Sellier à l’Institut national des études supérieures à Dunkerque qui a particulièrement comme pôle de compétence l’urbanisme, l’aménagement du territoire, les politiques de la ville, le tourisme, etc. Le CNFPT doit énormément à Henri Sellier. le personnel communal et aujourd’hui le personnel territorial doivent énormément à Henri Sellier. On connait Sellier pour les cités jardins et pour tout son investissement en matière d’urbanisme mais c’est aussi par Sellier que nous avons la première école d’administration municipale. Le nom exact de l’École des hautes études urbaines est École des hautes études urbaines et d’administration municipale. Le discours fondateur de cette école en 1919 est tout à fait remarquable et Henri Sellier tient beaucoup à ce que cette école forme à l’ensemble des matières urbaines. Il n’oublie absolument pas l’administration. Sa grande idée est de former à la fois les constructeurs et les administrateurs. Le destin de cette école fera que dans les années 1920, on va dissocier la formation des constructeurs de la formation des administrateurs. On crée deux entités qui vont fonctionner parallèlement. Si l’École des hautes études urbaines va donner naissance à l’Institut d’urbanisme de Paris, la partie administrative a donné naissance à la première École nationale d’administration municipale avant l’ENA.

 

Jean-Marie Maroille

Je voudrais aussi signaler que la ville de Suresnes vient de récupérer il y a très peu de temps, grâce à notre action, quarante cartons d’archives personnelles d’Henri Sellier qui s’ajoutent aux cartons que la municipalité possède déjà et qui concerne Sellier ministre. Il y a donc aux archives municipales une foule de documents absolument extraordinaires dont en particulier le courrier personnel d’Henri Sellier.