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© Inventer le Grand Paris
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Introduction

par Corinne Jaquand

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DOI

10.25580/IGP.2019.0006

Les colloques fondateurs du groupe IGP ont été attentifs à comparer Paris et Berlin. Les deux premiers (2013 et 2014) ont apporté sur cette question plusieurs contributions. Christoph Bernhardt est intervenu sur les prémisses de la gouvernance du Grand ainsi que sur sa métropolisation au travers d’une analyse du marché immobilier entre le centre et la périphérie. Hartmut Frank a livré une communication sur Werner Hegemann, passeur culturel entre les États-Unis la France et l’Allemagne. Jean-Louis Cohen a parlé de la circulation entre les deux pays des théories sur la ville au travers des fameuses études d’Eugène Hénart présentées à l’exposition de Berlin en 1910. Enfin Markus Tubbesing a restitué le projet de Léon Jaussely dans le cadre du concours du Grand Berlin de 1910. Enfin, pour le colloque de 2015, Carola Hein a analysé l’apport des architectes français au concours Berlin Capitale de 1958 (Berlin Hauptstadt).

En allant chercher à Berlin des points de comparaison pour mesurer la culture urbanistique française nous avons suivi les pas des architectes et urbanistes français qui s’intéressaient à la question métropolitaine au début du XXe siècle. En effet le comparatif avec les villes allemandes a été longtemps de mise, en particulier avec Berlin, qui était alors une jeune métropole capitale d’un état-nation en pleine expansion économique, dans laquelle s’imposait des standards de confort urbain supérieurs aux nôtres. L’écrivain Jean Giraudoux parlera ainsi de cette « aisance urbaine » qui selon lui est la marque des grandes civilisations. Dans l’entre-deux guerres des personnages aussi importants qu’Henri Sellier ou André Morizet sont allés chercher dans l’Allemagne de Weimar des modèles – ou plutôt des arguments – pour accompagner le milieu grand-parisien vers plus de modernité. Bien sûr cette inclinaison vers le modèle allemand n’était pas univoque ni sans ressentiment en raison de la grande guerre fratricide européenne et des destructions massives du nord de la France qu’elle avait entraînées, avec en arrière-plan une occupation alternée des régions frontalières qui ont laissé des traces de l’autre pays, de l’autre culture, dans l’urbanisme et les infrastructures et dans l’architecture aussi.

Le séminaire d’aujourd’hui a pour objectif d’examiner les interférences conjoncturelles entre le travail historiographique sur le Grand Berlin (histoire sociale et des formes urbaines) et le discours des politiques et des faiseurs de la ville (élus, édiles et architectes). Berlin est pour cela un très bon champ d’observation. De façon empirique on y observe une forte implication entre universitaires, concepteurs et acteurs politiques à différents moments de son histoire. Ceci fut particulièrement sensible dans les années de la réunification, les années 1990, où furent convoqués des groupes d’experts, historiens, médiateurs, architectes, pour justifier la doctrine officielle, dite de la « reconstruction critique », en même temps qu’un travail de révision historique s’engageait vis-à-vis du legs architectural et urbain de l’Allemagne de l’Est.

En remontant plus loin dans le siècle dernier on observe des situations analogues mais qui, à l’inverse, ont pu servir le discours moderniste en faveur de la destruction des tissus urbains hérités encourageant une rénovation urbaine lourde.

Dans le séminaire d’aujourd’hui, on essayera de mieux comprendre les conditions de cette histoire en débat, particulièrement vive à Berlin. On reviendra sur les enjeux épistémologiques et le positionnement institutionnel des historiens lorsqu’ils participent en tant qu’acteurs aux transformations du temps présent. Il n’y a pas de construction historique qui ne réponde aux injonctions du temps présent, comme l’historien Marc Bloch l’avait évoqué de façon sibylline dans Le Métier d’historien (1949). Il s’agit donc de mettre en miroir pour Berlin cette interrogation de Marc Bloch sur la part d’engagement des historiens dans leur temps.

En 2020, le centenaire du Grand Berlin donnera lieu à de nombreux événements dont une exposition et un concours d’idées sur l’aménagement de Berlin et de sa région.

Nos collègues berlinois sont sollicités aujourd’hui pour éclairer davantage :

  • Les thématiques actuelles de recherche sur l’histoire du Grand Berlin et les problématiques émergentes, selon les champs scientifiques.
  • Le croisement des agendas entre historiens et acteurs de la ville dans le cadre centenaire du Grand Berlin (1920-2120).