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Séminaire Perspective transnationale et histoire du Grand Paris Jeudi 15 février 2018 : 14h-18h Ecole nationale supérieure d’architecture de Paris-Belleville https://www.inventerlegrandparis.fr/link/?id=585 |
Les nébuleuses de l’urbanisme, Rio de Janeiro – temps d’internationalisme, temps de projet
par Margareth Pereira
Résumé
Dans cette intervention, je propose un regard panoramique qui fait état de plus de trente ans de recherches sur des moments très précis de l’histoire de Rio de Janeiro. Cette histoire « urbaine » porte sur une période qui s’étale de 1822 jusqu’à 1965. Rio a été capitale du Brésil à partir de 1763, mais c’est à partir de 1808 qu’on peut parler d’internationalisme, de l’élargissement des frontières et de l’accélération du dialogue transnational.
Au fil des années, j’ai orienté mes travaux selon divers axes de recherche.
- Les formes visuelles de mise en objet de la ville. Mes recherches ont porté sur la mise en objet de la ville, objet de discours, de dessin, et d’intervention. Les études ont porté sur les vues de villes, les panoramas, les représentations de Rio par ballon jusqu’aux photographies et aux films.
- Le projet, le plan et les pratiques d’action visant la transformation de la ville pour le confort matériel. Deux choses sont ici à distinguer clairement : la forme matérielle de la ville d’une part, les plans et les projets d’autre part qui visent à transformer cette forme matérielle. Et en ce qui concerne Rio, j’ai travaillé sur les plans et les projets qui visent la transformation de la forme sociale de la ville.
- Les réseaux techniques. J’ai étudié l’installation et le déploiement des réseaux de services publics, leur constitution et leur distribution en observant l’impact de ces technologies d’information et de communication, de transport et d’énergie. Je commence à travailler aujourd’hui sur les réseaux d’eau et d’assainissement.
- Les formes d’organisation collective. Comment naissent, dans le cas brésilien, des instituts, des clubs, des ligues, des unions, des mutuelles ? Est-ce que tous ces mots apparaissent en même temps ? Quand apparaissent-ils ? Par qui sont-ils portés ? Quels sont leurs réseaux et particulièrement leurs réseaux transnationaux ?
J’ai eu la grande chance dans les années 1990 d’être en contact avec des groupes de chercheurs qui étaient dans la mouvance, non seulement d’une histoire croisée et comparée, mais déjà d’une histoire connectée. À ce moment-là, l’histoire transnationale est née, en France et aux États-Unis, justement parce qu’il fallait dépasser le contexte national.
J’ai choisi le terme de « nébuleuses » au pluriel parce que la métaphore de l’observation des nuages nous aide à comprendre le jeu des relations entre les villes, la condensation à un moment donné des échanges et certaines géographies qui demeurent ailleurs. Ce qui est important dans cette idée de nébuleuses c’est la façon dont il peut y avoir des ruptures et des décalages. Il faut imaginer tout cela perpétuellement mouvant.
Les temps d’accélération que je vais développer participent d’une histoire de la mondialisation qui n’est pas un phénomène nouveau comme on l’a laissé à penser dans les années 1980-90. L’histoire des villes et l’histoire urbaine sont, de longue date, des histoires d’interactions.
Premier moment : les mots de l’internationalisation. Le tournant du XVIIIe siècle ouvre sur un moment (1822-1831) très fort parce que c’est un moment de thématisation de la ville comme objet de regard, comme objet de discours et comme objet d’intervention. Cette thématisation tourne autour de trois mots qui forment trois centres de réflexion scientifiques : cosmopolite, international, universel.
Deuxième moment : la question de l’extension. Dans ce deuxième moment (1843-1875), la ville commence à être vue comme une totalité. On le voit dans les panoramas mais ce sont aussi les architectes et les ingénieurs qui commencent à voir la ville comme une totalité. C’est aussi le moment où on commence au Brésil à s’interroger sur les mots liés à l’extension des villes.
Troisième moment : Haussmann à Rio. Paris vu depuis l’extérieur amène à une notion, celle de modèle, qui ne nous aide pas à comprendre les choses. Si on s’en tient au modèle haussmannien, on néglige les auteurs et les conflits. Toutefois, c’est le moment que l’historiographie pointe comme le moment de la Belle époque de Rio avec l’ouverture des grands boulevards et le mot « central » qui va s’imposer avec l’idée de centre-ville. Si on maintient la notion de modèle, il faut, comme les nuages, exploiter des couches de cultures très longues.
Quatrième moment : la sphère économique et politique. C’est le moment le plus riche de nos échanges (1922-1945). Nous sommes dans un contexte où le concept même de politique publique n’est pas établi, et il y a un processus de construction de la ville où les acteurs vont du bas vers le haut. À ce moment-là, apparait un débat très fort qui n’est pas encore terminé sur la croissance de la ville. Est-ce qu’on doit laisser la ville s’étendre et devenir une métropole qui ne cesse de grandir ou est-ce qu’on doit freiner la croissance, faire des ceintures vertes ?
Cinquième moment : l’influence des États-Unis. Dans ce moment (1956-1965), Paris passe au second plan. Ce sont déjà les États-Unis qui prennent le dessus. Les jeux de force entre les acteurs se modifient et si on doit parler d’aires géographiques on doit parler des États-Unis. C’est à nouveau un moment de grands travaux à Rio avec des démolitions, des terrassements, des remblayages. C’est un moment d’augmentation des technologies de transport et de communication. Et l’étude des réseaux aide à mieux cibler ces moments forts.
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https://www.inventerlegrandparis.fr/link/?id=596
DOI
10.25580/IGP.2018.0003
DOI : https://doi.org/10.25580/igp.2018.0003
LIEN ABSOLU : https://www.inventerlegrandparis.fr/link/?id=596
Français
Dans cette intervention, je propose un regard panoramique qui fait état de plus de trente ans de recherches sur des moments très précis de l’histoire de Rio de Janeiro. Cette histoire « urbaine » porte sur une période qui s’étale de 1822 jusqu’à 1965. Rio a été capitale du Brésil à partir de 1763, mais c’est à partir de 1808 qu’on peut parler d’internationalisme, de l’élargissement des frontières et de l’accélération du dialogue transnational.
Au fil des années, j’ai orienté mes travaux selon divers axes de recherche.
- Les formes visuelles de mise en objet de la ville. Mes recherches ont porté sur la mise en objet de la ville, objet de discours, de dessin, et d’intervention. Les études ont porté sur les vues de villes, les panoramas, les représentations de Rio par ballon jusqu’aux photographies et aux films.
- Le projet, le plan et les pratiques d’action visant la transformation de la ville pour le confort matériel. Deux choses sont ici à distinguer clairement : la forme matérielle de la ville d’une part, les plans et les projets d’autre part qui visent à transformer cette forme matérielle. Et en ce qui concerne Rio, j’ai travaillé sur les plans et les projets qui visent la transformation de la forme sociale de la ville.
- Les réseaux techniques. J’ai étudié l’installation et le déploiement des réseaux de services publics, leur constitution et leur distribution en observant l’impact de ces technologies d’information et de communication, de transport et d’énergie. Je commence à travailler aujourd’hui sur les réseaux d’eau et d’assainissement.
- Les formes d’organisation collective. Comment naissent, dans le cas brésilien, des instituts, des clubs, des ligues, des unions, des mutuelles ? Est-ce que tous ces mots apparaissent en même temps ? Quand apparaissent-ils ? Par qui sont-ils portés ? Quels sont leurs réseaux et particulièrement leurs réseaux transnationaux ?
J’ai eu la grande chance dans les années 1990 d’être en contact avec des groupes de chercheurs qui étaient dans la mouvance, non seulement d’une histoire croisée et comparée, mais déjà d’une histoire connectée. À ce moment-là, l’histoire transnationale est née, en France et aux États-Unis, justement parce qu’il fallait dépasser le contexte national.
J’ai choisi le terme de « nébuleuses » au pluriel parce que la métaphore de l’observation des nuages nous aide à comprendre le jeu des relations entre les villes, la condensation à un moment donné des échanges et certaines géographies qui demeurent ailleurs. Ce qui est important dans cette idée de nébuleuses c’est la façon dont il peut y avoir des ruptures et des décalages. Il faut imaginer tout cela perpétuellement mouvant.
Les temps d’accélération que je vais développer participent d’une histoire de la mondialisation qui n’est pas un phénomène nouveau comme on l’a laissé à penser dans les années 1980-90. L’histoire des villes et l’histoire urbaine sont, de longue date, des histoires d’interactions.
Premier moment : les mots de l’internationalisation. Le tournant du XVIIIe siècle ouvre sur un moment (1822-1831) très fort parce que c’est un moment de thématisation de la ville comme objet de regard, comme objet de discours et comme objet d’intervention. Cette thématisation tourne autour de trois mots qui forment trois centres de réflexion scientifiques : cosmopolite, international, universel.
Deuxième moment : la question de l’extension. Dans ce deuxième moment (1843-1875), la ville commence à être vue comme une totalité. On le voit dans les panoramas mais ce sont aussi les architectes et les ingénieurs qui commencent à voir la ville comme une totalité. C’est aussi le moment où on commence au Brésil à s’interroger sur les mots liés à l’extension des villes.
Troisième moment : Haussmann à Rio. Paris vu depuis l’extérieur amène à une notion, celle de modèle, qui ne nous aide pas à comprendre les choses. Si on s’en tient au modèle haussmannien, on néglige les auteurs et les conflits. Toutefois, c’est le moment que l’historiographie pointe comme le moment de la Belle époque de Rio avec l’ouverture des grands boulevards et le mot « central » qui va s’imposer avec l’idée de centre-ville. Si on maintient la notion de modèle, il faut, comme les nuages, exploiter des couches de cultures très longues.
Quatrième moment : la sphère économique et politique. C’est le moment le plus riche de nos échanges (1922-1945). Nous sommes dans un contexte où le concept même de politique publique n’est pas établi, et il y a un processus de construction de la ville où les acteurs vont du bas vers le haut. À ce moment-là, apparait un débat très fort qui n’est pas encore terminé sur la croissance de la ville. Est-ce qu’on doit laisser la ville s’étendre et devenir une métropole qui ne cesse de grandir ou est-ce qu’on doit freiner la croissance, faire des ceintures vertes ?
Cinquième moment : l’influence des États-Unis. Dans ce moment (1956-1965), Paris passe au second plan. Ce sont déjà les États-Unis qui prennent le dessus. Les jeux de force entre les acteurs se modifient et si on doit parler d’aires géographiques on doit parler des États-Unis. C’est à nouveau un moment de grands travaux à Rio avec des démolitions, des terrassements, des remblayages. C’est un moment d’augmentation des technologies de transport et de communication. Et l’étude des réseaux aide à mieux cibler ces moments forts.