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L’atlas des plans du Grand Paris

par Frédéric Pousin et Nathalie Roseau

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https://www.inventerlegrandparis.fr/link/?id=2673

DOI

10.25580/IGP.2023.0025

Frédéric POUSIN est architecte, directeur de recherche au CNRS au sein de l’Unité Mixte de Recherche : Architecture, Urbanisme, Société. Savoirs, Enseignement, Recherche (AUSser). Ses travaux portent sur les savoirs et les représentations qui fondent le domaine de l’architecture, de la ville et du paysage. Il a dirigé le projet de recherche financé par l’Agence nationale de la recherche (ANR), Photographie et paysage : Savoirs, pratiques, projets (http://photopaysage.huma-num.fr/). Il co-anime avec Nathalie Roseau le programme de recherche collectif Inventer le Grand Paris. Histoire croisée des métropoles ( http://www.inventerlegrandparis.fr/). Il est rédacteur en chef des Cahiers de la recherche architecturale, urbaine et paysagère (https://journals.openedition.org/craup/).

 

Nathalie Roseau est architecte-ingénieure, docteure en urbanisme. Elle est professeure à l’École des Ponts et directrice de recherche au Laboratoire Techniques, Territoires et Sociétés (UMR CNRS). Ses travaux, qui privilégient une perspective historienne, portent sur les dynamiques de transformation métropolitaine et la place des infrastructures, leurs temporalités et leurs représentations. Elle a codirigé plusieurs programmes de recherche sur l’histoire de la culture aérienne, la gouvernance des grandes métropoles et, depuis 2017, co-anime avec Frédéric Pousin le programme « Inventer le Grand Paris » du LabEx Futurs Urbains. Elle a été professeure invitée au Politecnico di Milano (2009-2015)

 


Au contraire des récits que nous voyons parfois publiés sur les sites des agences d’aménagement, nous avons souhaité ouvrir le plan dans son épaisseur archivistique qui l’embrasse à la fois comme moment, objet et corpus. Moment manifestant un tournant dans la planification du Grand Paris, porté par des événements, des mutations, des acteurs, des institutions, des politiques. Objet constitué de rapports, cartes et plans, annexes… – qui sont produits pour traduire les intentions et projets, et dont l’établissement et la diffusion font évoluer les positions. Corpus enfin qui recouvre des sources de nature différente environnant l’établissement du plan – dispositifs législatifs et juridiques, enquêtes et études techniques, urbaines et consultatives, réunions et échanges, équipes et compétences professionnelles, circulations d’idées … Ce sont ces sources que mobilise le chercheur en fonction de ses hypothèses de recherche.

 

 

L’atlas comme dispositif de représentation

Pour rendre compte de l’épaisseur des plans, l’atlas est apparu un dispositif de représentation et de recherche particulièrement pertinent. En effet, les plans et les schémas d’aménagement sont des réalités complexes qui mobilisent plusieurs domaines :  urbanisme, architecture, géographie, ingénierie et sciences sociales.  Ils sont constitués de cartes, de textes, de dessins, de photographies, etc.., qui renvoient à des pratiques, des corps professionnels et des institutions hétérogènes. Ce sont ces données et productions provenant de divers champs disciplinaires et milieux professionnels que l’atlas agence dans un même ensemble pour en livrer une appréhension synthétique.

 

L’épaisseur est ici à entendre de trois façons différentes.

-Une épaisseur physique d’abord car un plan se décline en une multiplicité de cartes à des échelles différentes qui décrivent les nombreuses composantes de la ville et du territoire. Il se décline également en textes de natures différentes – études, notes, correspondances, rapports, publications, etc.. – qui accompagnent son élaboration, sa présentation et sa circulation.

-Une épaisseur chronologique ensuite, car la fabrique d’un plan, les procédures mises en œuvre requièrent de nombreuses années voire des décennies. Les plans se succèdent, se répondent les uns aux autres, révélant ainsi les liens qui unissent dans le temps ces figures trop souvent isolées afin de valoriser leur originalité.

-Une épaisseur narrative enfin, la succession chronologique des cartes, des plans, montrant les transformations urbaines et instruisant les ressorts de la production de la ville. En cela, l’atlas possède les propriétés propres au livre, celles d’un dispositif éditorial.

 

Lieu d’assemblage, l’atlas est aussi un lieu de montage, permettant de faire varier les assemblages pour construire plusieurs récits suivant la focale adoptée. On retrouve ici l’une des propriétés du genre de l’atlas qui propose des parcours, des itinéraires, voire des voyages à travers les cartes qui le composent. Parce qu’il permet de construire plusieurs scénarii, donc d’éclairer divers aspects de la réalité d’un territoire, l’atlas devient un outil au service de la production de connaissances[1].

 

 

 

Repérer et cartographier les archives

Pour réaliser l’atlas des plans du Grand Paris, il a fallu d’abord faire converger les sources et les installer dans un même espace.  Un vrai travail de mise en commun des ressources documentaires a été nécessaire, associant bibliothécaires, archivistes, documentalistes et historiens. Ces investigations ont permis de construire une première cartographie des archives de plans du Grand Paris et d’identifier des ensembles de plusieurs centres d’archives qui ont conservé des archives intéressant cette histoire : les  Archives de Paris, la Bibliothèque historique de la Ville de Paris, la Bibliothèque de l’Hôtel de ville, les Archives nationales, les Archives du département de la Seine et Marne, le Centre de ressources documentaires Aménagement, Logement, Nature (CRDALN), la Direction régionale et interdépartementale de l’environnement, de l’aménagement et des transports d’Île-de-France (DRIEAT), l’Institut Paris Région, l’Académie d’architecture, le Centre d’archives d’architecture contemporaine (Cité de l’architecture et du patrimoine).

 

Le travail d’identification des fonds a pris plusieurs voies. Il a reposé sur des campagnes de recherche documentaire, impliquant stagiaires et ingénieurs. Trois stages étudiants de quatre mois chacun ont été financés sur deux années universitaires. Trois étudiants en formation dans le master d’histoire de l’UPEM intitulé « Diagnostic historique et aménagement urbain » dirigé par Loïc Vadelorge, ont été accueillis au LATTS et supervisés par Cédric Feriel. Chaque étudiant a travaillé sur un seul plan : Abdennour Kermadi (2017, PADOG), Sara Azil (2018, PARP 1934), Amira Boumaaza (PARP 1956). Yoko Mizuma, ingénieure de recherche, a complété le travail des stagiaires. Alessandro Panzeri, post-doctorant, a synthétisé les résultats des différentes campagnes et conçu la matrice d’assemblage de l’atlas.  Les campagnes ont révélé que des versions différentes d’un même plan pouvaient être conservées dans plusieurs fonds de conservation. Ce qui montre que ces plans circulent matériellement, entre des institutions, des services, des groupes d’individus, qui dépassent les signataires des plans et leurs associés. Autrement dit, la constitution des corpus de plans permet d’identifier et d’approfondir la connaissance de la scène de la fabrication du plan et de son influence. En cela la question des archives est à la fois pratique et épistémologique.

 

 

Temporalités et classements

Les campagnes documentaires ont été limitées à trois plans : le premier Plan d’aménagement de la région parisienne, connu sous le nom de son auteur, plan Prost, le second qui lui a succédé, désigné par son acronyme PARP et enfin le Plan d’aménagement et d’organisation générale de la région parisienne, désigné également par son acronyme, PADOG. La période temporelle couverte s’étend de 1928, date de la création du CSAORP (Comité supérieur d’aménagement et d’organisation de la région parisienne), à 1961, date d’abandon du PADOG.

 

Ces campagnes ont permis de réaliser un premier état de l’atlas, conçu comme un dispositif ouvert. Celui-ci est amené à s’enrichir grâce à l’ajout d’autres segments. Par exemple, celui qui va de la création des villes nouvelles dans la première moitié des années 1960, au schéma directeur régional d’Île de France (SDAURIF) publié en 1976, schéma qui sera révisé à plusieurs reprises jusqu’en 2013, date à laquelle a été approuvé le schéma toujours en vigueur. Le bornage est donc amené à évoluer. De même que le périmètre des documents à considérer n’est pas fixé mais au contraire doit pouvoir inclure des archives nouvelles découvertes au fil des campagnes et des études qui seront menées ultérieurement.

 

Les campagnes menées individuellement sur chacun des trois plans ont soulevé des questions méthodologiques et techniques importantes au regard de l’historiographie des plans d’aménagement.    Elles ont permis d’identifier dans les archives et les fonds documentaires des ensembles de documents, de les caractériser (genre, titre et « auteur »), d’en relever la cote et de les photographier en format numérique. Cette collecte a abouti à la construction d’une base de données sous la forme de tableaux Excel et de fichiers de clichés numériques.

 

Dans les dix centres d’archives visités, ont ainsi été saisis et photographiés 233 documents, soit 55 documents pour le plan Prost, 88 documents pour le PARP et 90 documents pour le PADOG. La base de données images comprend quant à elle un total de 13 140 photos numériques.

 

Un long travail technique de mise au point et d’homogénéisation des rendus photographiques (redressement des plans, recadrage, gommage, équilibrage des couleurs, etc…) s’est avéré indispensable pour rendre utilisable la collecte brute des images. Une fois ce travail post photographique réalisé par Yoko Mizuma, un premier « recollement » a été réalisé par Alessandro Panzeri qui a consisté à rassembler les métadonnées dans un seul tableau Excel et à rattacher les documents photographiques aux métadonnées. [ Voir Fig. 1 ]   Cette base de données fournit la matière visuelle et textuelle à partir de laquelle peut s’ordonner un premier cadre pour appréhender une histoire des plans du Grand Paris et mettre à l’épreuve les hypothèses qui en sous-tendent l’écriture.

 

 

La conception de la matrice

L’effort de classement a fait apparaître le besoin de se doter d’une matrice pour agencer l’ensemble de ces matériaux. Pensée comme la structure numérique de l’atlas, cette matrice constitue un instrument pour organiser des données rassemblées à des fins de recherche. [ Voir Fig. 2 ]   Elle vise à organiser et assembler les sources collectées, fournir des fonctionnalités qui permettent de constituer des corpus pour des recherches à venir, à partir des questionnements portés par les chercheurs.

 

La structuration de la matrice s’est accompagnée de réflexions sur la caractérisation des documents. Elle a conduit à une typologie distinguant les cartes et les rapports, les décrets et règlements, les documents officiels – de présentation, internes -, les consultations et enquêtes, les correspondances. La réflexion a porté également sur la définition de l’ « auteur » qui désigne aussi bien des personnes que des services ou des institutions.

 

D’abord, une ligne de temps (timeline) structure la distribution des documents. L’ordre chronologique organise la périodisation des plans et identifie des séquences, l’espacement entre les années renseignant visuellement sur la densité ou non des productions. Cette ligne de temps se décline ensuite suivant neuf axes parallèles qui organisent et donnent à voir l’épaisseur de chaque plan. L’axe législatif énumère les différentes lois et met à disposition les décrets qui ont jalonné la planification.  L’axe des documents officiels montre les plans, les schémas directeurs, les portfolios, les livres qui ont été présentés publiquement et/ou approuvés. On retrouve ici des figures iconiques qui ont largement circulé. L’ouverture du document dans une fenêtre numérique permet d’aller au-delà des images en dépliant l’ensemble du document.

 

Toutefois, c’est davantage en considérant les autres axes que la véritable épaisseur se révèle. L’axe des cartes fait prendre conscience du travail cartographique de grande ampleur que suppose l’élaboration du plan. Une cartographie qui fait varier les échelles de la carte régionale au 1/100 000 jusqu’aux plans des communes au 1/10 000. Ces différentes échelles cartographiques démontrent la nécessité pour le plan d’envisager dans le détail l’échelon communal dont dépend l’acceptation par les populations des objectifs et des transformations projetées. L’étude détaillée n’est pas seulement affaire d’échelle cartographique, elle se manifeste aussi à travers des cartes thématiques et une multitude de schémas. L’ensemble du territoire ne fait pas l’objet d’une attention toujours équivalente, certains secteurs ou certains sujets faisant l’objet d’une investigation plus approfondie et de projets spécifiques. Ainsi, l’axe des cartes affiche-t-il les thèmes privilégiés comme les transports et les routes. [ Voir Fig. 3 ] [ Voir Fig. 4 ]   La distribution des cartes selon la chronologie témoigne de l’épaisseur complexe du plan qui est aussi temporelle. Dans le cas du premier Plan d’aménagement (plan Prost), les cartes au 1/10 000 ont ainsi été produites bien après la carte d’ensemble au 1/50 000 qui en énonçait le projet.

 

Du côté des textes, l’axe des rapports souligne ensuite le travail administratif à l’œuvre dans la fabrication du plan. Rapports d’étapes et études éclairent la négociation des termes de l’action. Ces documents parfois normatifs permettent de saisir les traductions en mesures et en actes. Ainsi une étude sur la protection esthétique de la région parisienne confirme que cette thématique est un levier pour des actions de conservation à venir. L’axe des documents de présentation est dédié aux stratégies de communication grand public comme celle définie pour le PADOG qui pour la première fois, est axée sur l’expression du plan lui-même. L’axe des correspondances donne par ailleurs à voir les liens avec les responsables politiques nationaux mais aussi la conduite du plan par le Comité Supérieur qui en a la charge. Les échanges entre les institutions et les services de l’administration révèlent les personnalités impliquées dans la fabrication du plan. L’axe des consultations et enquêtes informe quant à lui sur les procédures administratives de consultation des citoyens afin de faire connaître les conditions de réalisation du plan, de le rendre acceptable. Dans le cas du plan Prost, une grande enquête a été réalisée en deux temps en 1935 et 1938. [ Voir Fig. 5 ]   Les documents internes regroupent enfin des écrits préparatoires, des notes, des avis, des études techniques, des discours, propres à un service ou un acteur donné.  Ces écrits qui n’ont pas toujours circulé renseignent sur la vie des services de l’administration.

 

Un dernier axe est réservé aux revues d’architecture et d’urbanisme (Architecture d’Aujourd’hui, La Vie Urbaine, Urbanisme). Il permet d’appréhender les efforts de communication réalisés autour du plan ainsi que la réception de celui-ci dans le milieu professionnel. [ Voir Fig. 6 ]   Les articles consultables en série, donnent aussi à voir les analyses réflexives livrées au fur et à mesure de la conception des plans.

 

 

Hétérogénéités des plans

Les neuf axes de la matrice organisent la profusion des écrits et figures générées par le plan. Ils rendent compte de manière approfondie et démonstrative à la fois de sa grande hétérogénéité. C’est une double hétérogénéité que la forme de l’atlas permet de gérer. D’abord, une hétérogénéité intrinsèque au document lui-même. Par exemple le PARP, lancé en 1928 par le CSAORP, a donné lieu à plusieurs versions (à différentes échelles), à un appareil cartographique riche et complexe, etc… La réception des plans, sous la forme de présentations officielles, de campagnes de communication ou d’expositions a occasionné, elle aussi, toute une production de documents originaux. Une telle hétérogénéité intrinsèque concerne chacun des plans produits pour l’aménagement du Grand Paris, à des degrés divers.

 

Cette diversité participe d’une autre hétérogénéité, cette fois entre les plans entre eux. En effet, chaque ensemble de documents rassemblés sous le terme de plan a une valeur visuelle distincte. Les documents produits par l’agence d’Henri Prost comprennent des plans détaillés qui s’accompagnent de perspectives spectaculaires ainsi que de nombreuses représentations topographiques. Le PARP de 1956 se donne sous la forme d’un rapport écrit ; il se manifeste visuellement à travers des schémas, de quelques cartes et des tableaux. Le PADOG de 1960, quant à lui, a donné lieu à plusieurs versions dont une particulièrement soignée pour la communication.

 

Pour gérer cette hétérogénéité, l’atlas figure les documents sous la forme de vignettes qu’il dispose sur la matrice de l’atlas selon les temps et les axes. Le format minimal et systématique réduit la variété des documents. La caractéristique propre à chacun d’eux se déploie toutefois une fois que l’on ouvre la vignette. Celle-ci affiche une fiche descriptive, là encore systématique, exposant les caractéristiques et les composantes du document. Il est ensuite possible de faire défiler les photos du document pour en restituer les propriétés. L’opération de zoomage et dézoomage permet d’explorer celles-ci plus en détail.

 

 

L’apport des fonctionnalités numériques

Outre son caractère évolutif qui ouvre la possibilité d’ajouter des sources et des séquences, la possibilité des opérations de sélection et de manipulation des documents fait de l’atlas un instrument dynamique et interactif. Les fonctionnalités de la matrice sont ainsi au service des divers « parcours » et « montages » que le chercheur sera amené à réaliser dans sa « lecture » de l’atlas. Stratégiquement, la matrice numérique de l’atlas conjugue raison visuelle et textuelle. Chaque vignette ouvre, via un clic, sur une fiche descriptive qui décrit les composantes du document sous forme d’images photographiques et de métadonnées : année, fonds d’archive, cote, acteurs, description. [ Voir Fig. 7 ]   Il s’agit de tirer parti de ce que l’image offre au regard à travers les agencements propres à la représentation tout en exploitant les relations au texte qui relèvent du commentaire, de l’indexation, de toute une série de modalités que le lecteur peut expérimenter.  Si l’agencement des images et l’articulation du texte à celles-ci sont au fondement de l’atlas en tant que forme de représentation, la dimension numérique permet d’augmenter la puissance du dispositif grâce à son interactivité et sa capacité à traiter un grand nombre de documents.

 

En cliquant sur les images photographiques, une fenêtre permet de dérouler toutes les feuilles du document, une fonction de zoomage et dézoomage rendant possible l’exploration des images, ce qui est précieux notamment pour les documents iconographiques et cartographiques. Ce trajet qui va de la vignette à l’image photographique et à son exploration rend perceptible l’épaisseur matérielle du plan que l’atlas met en scène et rend accessible. Toutefois, l’opération de zoom sur une image n’épuise pas les possibilités de jeu entre l’analyse du particulier et de la globalité caractéristique de l’atlas. Sous chaque image, une fonction est proposée qui permet de confronter des documents deux à deux, mettant en regard des documents à deux échelles différentes ou une image et un texte par exemple. Une telle confrontation rend aisée la comparaison des variantes, notamment cartographiques, elle permet aussi d’explorer l’intertextualité. [ Voir Fig. 8 ]   Enfin, une coupe transversale sur les différents axes longitudinaux de la matrice à partir d’une date fournit une coupe temporelle sur la production d’une année. Une telle coupe révèle des concomitances, des liens, elle ouvre la voie à des interprétations qui mettent en lumière les moments de forte activité au détriment d’autres, de plus faible intensité, caractérisant ainsi les temporalités propres à la fabrique du plan.

 

L’atlas des plans du Grand Paris recense en effet les acteurs impliqués dans leur fabrique, le terme d’acteur désignant aussi bien les personnes que les services. Il permet de restituer la place de celles et ceux qui l’ont conçu, mis en œuvre, défendu. Pour les personnes clés, une fois la structure du corpus établie à partir des 233 documents archivés, ont été identifiés environ 600 noms de personnes. 75 de ces personnes ont fait l’objet d’une enquête et d’une notice biographique réalisée par Morgane Hamon, historienne de l’art. [ Voir Fig. 9 ]   La matrice propose ainsi deux voies d’accès aux acteurs : l’une à partir d’une liste classée par ordre alphabétique, l’autre à partir des fiches descriptives des documents qui mentionnent le nom des acteurs.

 

Plusieurs obstacles techniques ont dû être surmontés et l’inventivité de Jérémie Bancilhon, l’ingénieur concepteur et développeur du site avec qui nous avons collaboré étroitement pour la mise en ligne de l’atlas, a encore une fois été précieuse. Ainsi l’opération de filtrage qui permet de faire apparaître automatiquement des ensembles en fonction de l’année, du centre d’archives et de l’acteur/auteur, s’est-elle avérée techniquement compliquée à réaliser en raison du grand volume de documents. Pour cela, l’ingénieur a inventé un système de surlignage des documents pertinents avec une intensité de valeur : les documents sélectionnés se détachent ainsi sur un fond homogène et neutre. [ Voir Fig. 10 ] Le processus conjoint de conception de l’atlas montre ici de quelle façon le numérique offre une réelle possibilité de mise en visibilité des archives hétérogènes, denses, massives, des plans d’aménagement. Accumulative et collaborative, la matrice de l’atlas permet ainsi d’héberger et de travailler selon plusieurs perspectives, les archives de tous ordres (on pourrait bien sûr étendre l’archive au sonore, au film), constituant des corpus qui nourrissent les recherches à venir, produisant de nouveaux sujets.

 

En élargissant le spectre des acteurs mobilisés, en donnant à voir la multiplicité des documents, depuis le plan illustré jusqu’aux cartes privilégiant des sujets ou des ouvrages (les cultures maraîchères, parcs et promenades par exemple), l’atlas ouvre enfin la perspective de questions possibles pour réinterroger l’histoire, donnant à voir des points de vue différents selon les plans et les périodes, offrant des changements de cadrage qui ne tiennent pas seulement à la problématique de l’agrandissement mais aussi à l’identification de secteurs spécifiques que va développer le plan, permettant l’approche en grandeur réelle, la corrélation du détail et du tout, la manière dont l’existant et le projeté sont associés sur une même carte, confondus parfois au travers des mêmes légendes et codes de représentation, donnant une sensation de réalité et d’abstraction en même temps.

 

 

 

Crédits

Initié en 2017, le projet d’Atlas des plans du Grand Paris a mobilisé des chercheurs et des moyens selon plusieurs formats et processus de recherche. Plusieurs communications ont permis d’avancer la réflexion dans des cadres divers, au sein des groupes de recherche du Labex Futurs Urbains « Usages de l’histoire et devenirs urbains », « Inventer le Grand Paris », « Penser l’urbain par l’image » ; au colloque annuel de la Société Française d’Histoire Urbaine de Janvier 2019.

 

Direction du projet : Frédéric Pousin et Nathalie Roseau

Chercheurs associés : Emmanuel Bellanger, Cédric Feriel, Loïc Vadelorge

Post-doctorants/ingénieurs de recherche : Alessandro Panzeri, Yoko Mizuma, Morgane Hamon

Stagiaires recherche pour les campagnes d’archives (Master Diagnostic Urbain, UPEM): Abdennour Kermadi (2017, PADOG), Sara Azil (2018, PARP 1934), Amira Boumaaza (2018, PARP 1956)

Relecteur : Stéphane Rouelle

Développeur numérique web de l’atlas et du site Inventer le Grand Paris : Jérémie Bancilhon, GoOnWeb

 

Centres d’archives référencés : Archives de Paris, Archives nationales, Archives départementales de Seine et Marne, Bibliothèque de l’Hôtel de Ville de Paris, Bibliothèque historique de la Ville de Paris, Centre de ressources documentaires Aménagement, Logement, Nature (CRDALN), Direction régionale et interdépartementale de l’environnement, de l’aménagement et des transports Île de France (DRIEAT), Fonds Henri Prost (Archives d’architecture du 20ème siècle, Cité de l’architecture et du patrimoine), Médiathèque de l’Institut Paris Région

 

 

 

Figures et illustrations

Figure 1 :

Extrait du tableau de données localisant et décrivant les documents d’archives du Plan régional d’aménagement de la région parisienne (PARP-1956.)

Figure 2 :

Vue de la matrice de l’Atlas des plans du Grand Paris, période 1928-1938.

Figure 3 :

Projet d’aménagement de la région parisienne, Pris en considération par arrêté du 12 janvier 1956. « Plan directeur (Partie centrale), 3. Circulation et transports », échelle 1 :100000. Source Bibliothèque de l’Hôtel de Ville de Paris, Cote 25291

Figure 4 :

Projet d’aménagement de la région parisienne, Pris en considération par arrêté du 12 janvier 1956. « Plan routier », échelle 1:50,000. Source Archives Nationales, Cote 19790843/1.

Figure 5 :

Projet d’aménagement de la région parisienne (Loi du 14 mai 1932), Comité supérieur d’aménagement et d’organisation de la région parisienne, Dossier d’enquête de la Commune de Créteil, 1935. Source Archives de Paris (Cote 85WR)

Figure 6 :

« Agglomération parisienne. Schéma général d’organisation ». Plan d’aménagement et d’organisation générale de la région, 1960. Source : René Magnan et Louis Lemoine, « L’une des bases de l’aménagement de la région parisienne : l’organisation polycentrique », Urbanisme, n°68, 1960, pp.10-11.

Figure 7 :

Vignette descriptive des 47 cartes au 1/10 000 (sur 192) des communes de la région parisienne réalisées sous la direction de Henri Prost dans le cadre du premier plan régional de la région parisienne, 1938.

 

Figure 8 :

Fonctionnalité numérique de l’atlas des plans du Grand Paris : confronter les documents deux à deux. Visualisation de la fenêtre permettant la confrontation de deux cartes.

Figure 9 :

Fonctionnalité numérique de l’atlas des plans du Grand Paris : Visualisation des auteurs sur la fiche descriptive des documents. Exemple de notice biographique d’un auteur.

Figure 10 :

Fonctionnalité numérique de l’atlas des plans du Grand Paris : coupe sur l’année 1956.