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L’extension et l’annexion à Milan (1873-1931) – Des démarches distinctes

par Annick Tanter-Toubon

Résumé

Le rapport de la Commission d’extension de Paris comporte l’inventaire de la documentation internationale recueillie par le Musée Social à partir de 1908 sur le thème de l’extension et de l’aménagement des grandes villes. La ville de Milan, qui se trouvait en phase d’adoption d’un nouveau plan d’aménagement et d’extension (plan Pavia-Masera, 1906 – 1912), a répondu à cette enquête. Les débats autour de ce plan illustrent la dynamique et la complémentarité de deux démarches distinctes : l’extension de la zone urbaine planifiée pour le développement, et l’annexion de tout ou partie des communes environnantes. L’usage de ces deux outils, conçus en 1865 pour étayer une fonction de capitale, a permis à la commune de Milan de porter un territoire municipal initialement très étroit (800 ha au moment de l’Unité) à 18500 ha en 1923 soit plus du double de celui de Paris.

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https://www.inventerlegrandparis.fr/link/?id=87

DOI

10.25580/IGP.2013.0007

ISO 690

Tanter-Toubon Annick, « L’extension et l’annexion à Milan (1873-1931) – Des démarches distinctes », dans Inventer le Grand Paris. Relectures des travaux de la Commission d’extension de Paris. Rapport et concours 1911-1919. Actes du colloque des 5 et 6 décembre 2013, Cité de l’Architecture et du Patrimoine, Paris, Bordeaux, éditions Biére, 2016, p. 137-162.

MLA

Tanter-Toubon, Annick. « L’extension et l’annexion à Milan (1873-1931) – Des démarches distinctes », Inventer le Grand Paris. Relectures des travaux de la Commission d’extension de Paris. Rapport et concours 1911-1919. Actes du colloque des 5 et 6 décembre 2013, Cité de l’Architecture et du Patrimoine, Paris. Biére, 2016, pp. 137-162.

APA

Tanter-Toubon, A. (2016). L’extension et l’annexion à Milan (1873-1931) – Des démarches distinctes. Dans Inventer le Grand Paris. Relectures des travaux de la Commission d’extension de Paris. Rapport et concours 1911-1919. Actes du colloque des 5 et 6 décembre 2013, Cité de l’Architecture et du Patrimoine, Paris (pp. 137-162). Bordeaux: Biére. doi : 10.25580/IGP.2013.0007

DOI : https://doi.org/10.25580/igp.2013.0007

LIEN ABSOLU : https://www.inventerlegrandparis.fr/link/?id=87


Français

Le rapport de la Commission d’extension de Paris comporte l’inventaire de la documentation internationale recueillie par le Musée Social à partir de 1908 sur le thème de l’extension et de l’aménagement des grandes villes. La ville de Milan, qui se trouvait en phase d’adoption d’un nouveau plan d’aménagement et d’extension (plan Pavia-Masera, 1906 – 1912), a répondu à cette enquête. Les débats autour de ce plan illustrent la dynamique et la complémentarité de deux démarches distinctes : l’extension de la zone urbaine planifiée pour le développement, et l’annexion de tout ou partie des communes environnantes. L’usage de ces deux outils, conçus en 1865 pour étayer une fonction de capitale, a permis à la commune de Milan de porter un territoire municipal initialement très étroit (800 ha au moment de l’Unité) à 18500 ha en 1923 soit plus du double de celui de Paris.

English

The report of the Commission d’extension de Paris includes an inventory of the international documentation collected by the Musée Social beginning in 1908 on the theme of extending and developing large cities. The city of Milan, which was then in the process of adopting a new development and extension plan (the Pavia-Masera Plan, 1906-12), answered this survey. The debates around this plan illustrate the dynamics and complementary fit of two distinct approaches: an extension of the urban area planned for development, and an annexation of all or part of the surrounding towns. The use of these two approaches, conceived in 1865 to give Milan the facilities of a capital city, considerably grew the surface area of the city, from just 800 hectares at the time of Italian Reunification, to 18,500 hectares (i.e. more than twice the size of Paris) in 1923.


Les comparaisons internationales relatives à l’aménagement des villes dans le rapport de la commission d’extension de 1913 s’appuient sur les cas de Berlin, Londres et Vienne[1], qu’il s’agisse des surfaces réservées aux espaces libres, ou de l’organisation administrative et de la dimension des territoires agglomérés. Le rapport reste muet sur les villes italiennes, sauf une mention indirecte de Rome sous la plume de Jules Huret[2] pour y attester l’existence de « coupe-gorge comme il en existe tant à Londres, à Paris, à Saint-Pétersbourg… » par opposition à Berlin où il n’y a « pas de coins tout à fait misérables ».

Pourtant la Commission ne manquait pas d’informations sur la planification urbaine en Italie. Les deux volumes rédigés par Louis Bonnier et Marcel Poëte sont en effet précédés par un volume de documentation bibliographique à caractère international structuré selon les deux axes du rapport principal, les « plans d’aménagement et d’extension » d’une part, les « espaces libres ; cités-jardins ; maisons ouvrières » d’autre part[3]. Ce recueil est le fruit de deux enquêtes successives promues par la section d’Hygiène urbaine et rurale du Musée social[4]. Dans le courant de l’année 1908, « un questionnaire avait été envoyé aux principales villes, demandant le chiffre de la population, la superficie de la cité, la nature et l’étendue des espaces libres », ainsi que « les tentatives publiques ou privées faites pour l’extension de la ville, l’établissement et l’entretien des réserves d’air pur ».

Dans un deuxième temps, le Musée social a sollicité par une circulaire du 28 décembre 1909 l’envoi par les principales villes étrangères de documents officiels[5], tels que plans (d’aménagement et d’extension), textes administratifs, lois et règlements régissant les rapports avec la propriété privée (servitudes, interdiction de vente, classement, etc…)

L’importance des réponses fut inégale selon les villes et les pays, parfois très développées et accompagnées de monographies. De nombreuses réponses ont concerné l’organisation municipale que l’inventaire publié ne retient pas. Certains pays se montrèrent particulièrement réactifs : les États-Unis avec environ 27 villes et 94 références (dont deux seulement sur New York), l’Allemagne avec 13 villes et 46 documents ; l’Angleterre avec 13 villes et 40 références[6]. L’Italie était bien présente (p. 47) parmi les douze pays répertoriés : les deux villes industrielles du nord, Milan et Turin, ont répondu par l’envoi de 5 documents : un recueil de lois sur l’expropriation pour cause d’utilité publique, le règlement édilitaire de la Commune de Milan daté de 1904, un plan topographique de la commune avec l’indication des opérations projetées sur le plan d’extension de la ville à l’échelle 1/20 000. La municipalité de Milan y a joint « une lettre datée du 5 février 1910, donnant divers renseignements sur la constitution du plan d’extension, les mesures qui ont présidé à son établissement, les expropriations etc. »[7] Celle de Turin avait envoyé le plan de la ville à l’échelle 1/10 000 avec l’indication de son plan directeur général et d’extension (1907) ainsi que la loi déclarant d’utilité publique les opérations édilitaires à exécuter d’après ce plan (1908).

L’évocation de cet épisode documentaire semble ouvrir la voie à des recherches comparatives. Malheureusement, de la richesse de cette enquête qui a servi à l’élaboration d’un rapport de George Risler au Musée social en août 1911, ne demeurent mobilisables aujourd’hui dans les collections du Musée que les informations concernant les États-Unis sans que l’on ait connaissance du devenir du reste, versements à des institutions, intégration à des fonds personnels ou simple pilonnage.

Les réponses de Milan et Turin attestent néanmoins que ces deux villes, inscrites dans le circuit des expositions internationales (1906 à Milan et 1911 à Turin) et rompues aux échanges avec la France, possédaient déjà des outils de planification destinés à contrôler les formes de l’extension urbaine. S’il ne peut se substituer aux éléments disparus de cette enquête, le fonds étranger de la Bibliothèque de l’Hôtel de Ville[8] permet néanmoins de reconstituer les débats en cours à Milan au moment de l’élaboration des documents adressés à la Commission. Alimenté par des échanges de publications officielles avec de nombreux pays étrangers (266 en 1886), à partir de 1872, date de l’ouverture de la bibliothèque administrative, jusqu’à 1920, ce fonds s’avère très riche à l’échelon des administrations communales et provinciales. Les grandes villes italiennes, Naples, Rome, Bologne, Florence, Gênes, Milan, Turin, etc. ont participé à ce système d’échange, envoyant régulièrement les procès-verbaux de leurs conseils municipaux, leurs budgets et comptes, leurs bulletins d’information, des recueils de données statistiques, ainsi que d’autres séries moins systématiques (Chambre de commerce…). Ce fonds a cependant connu avant-guerre des vicissitudes de conservation si bien que son exhaustivité n’a pu être assurée[9].

Le polycentrisme italien et la moindre empreinte démographique de chaque grande ville rendent sans doute compte du manque d’attrait de cette éventuelle comparaison pour le rapporteur de cette enquête Georges Risler (1911)[10]. À cette date, alors que Paris intra-muros atteint près de trois millions d’habitants, la plus grande ville italienne, Naples, avoisine 700 000 habitants, tandis que Milan, en fort développement économique, compte 600 000 habitants. Toutes deux devancent alors la capitale politique Rome (542 000)[11]. À cette moindre polarisation s’ajoute peut-être dès cette époque des considérations relatives à la taille des territoires communaux. Selon une idée à tort généralisée à l’ensemble de l’Italie[12], leurs vastes emprises auraient permis aux grandes villes au fil de leur croissance économique et urbaine d’éviter d’avoir recours à l’annexion des communes environnantes, contrairement aux villes allemandes ou à Barcelone, cas emblématique.

Si l’Italie ne compte alors qu’environ 8 000 communes, leur dessin est très irrégulier et le maillage varie beaucoup en fonction de la géographie des anciens États régionaux[13]. Analysant la persistance des divisions communales depuis la Renaissance, le géographe et historien italien Lucio Gambi militant depuis les années 50 pour la rationalisation de ces unités territoriales[14], inscrit dans son Atlas de l’histoire d’Italie quatre cartes élaborées dans les années 1970 au moment où l’Italie met en place sa première décentralisation et confie aux Régions la compétence de modifier les territoires communaux. Ces cartes mettent en évidence l’hétérogénéité des mailles issues des systèmes de mise en culture, selon que l’on considère l’ouest de la plaine du Pô (Turin, Milan, Novarre, Alessandria) ; les collines et montagnes de l’Ombrie, de la Toscane et de la Romagne ; la Campanie et les Pouilles ; la Sicile des latifundia. Un maillage très fin, une grande densité de territoires caractérisent le nord-ouest de l’Italie (Fig. 1 et 2) qui s’oppose à l’Italie latifundiaire mais aussi aux zones collinaires centrales. L’image d’une ville autonome dans son développement, n’ayant nul besoin d’annexion pour étayer son rôle de capitale car dotée d’un très grand territoire communal valait pour Rome, qui inclut aujourd’hui encore sa propre banlieue à l’image de Marseille. Il en allait très différemment pour Milan. Cette ancienne capitale de la Lombardie autrichienne, branchée sur les courants d’échange avec l’Europe et devenue capitale industrielle et financière de l’Italie, ne dispose en 1860, à la veille de l’Unité italienne, que de 800 ha à l’intérieur d’un rempart bastionné. Rien de comparable avec Paris qui ayant fraîchement annexé la petite banlieue à l’intérieur des fortifications de Thiers contrôle désormais un peu plus de 7 000 ha, 9 à 10 fois plus (3 288 ha avant l’annexion). Cent cinquante ans plus tard, Paris représente toujours 7 000 ha mais Milan, en l’espace de 50 ans au fil d’annexions successives couvre dès 1923 environ 18 500 ha (Fig. 3). Dès 1931, la quasi-totalité s’en trouve soumise à un plan d’urbanisme dénommé piano regolatore e di ampliamento (plan directeur d’aménagement et d’extension). En 1908, au moment de l’enquête du Musée social, la municipalité de Milan est en phase d’élaboration d’un plan de cette nature (Pavia-Masera) qui sera approuvé en 1912 et engagera la planification d’un territoire urbain de 4 400 ha.

Une législation anticipatrice pour une fonction (de) capitale

La législation adoptée en 1865 par le royaume d’Italie pour unifier son organisation administrative sur le modèle français (communes et provincie, équivalent des départements) prévoit aussi les moyens juridiques nécessaires à la transformation de la petite ville de Florence en capitale du nouvel Etat unitaire[15]. Afin de lui permettre d’engager rapidement les grands travaux nécessaires à l’accueil des ministères et de leurs fonctionnaires, la loi instaure deux types de plans en faveur du développement urbain. Elle prévoit la faculté pour les communes de plus de 10 000 habitants d’établir un plan d’aménagement (piano regolatore) et un plan d’extension (piano di ampliamento). Le premier est destiné à permettre les démolitions-reconstructions en zone centrale pour des motifs d’hygiène et de circulation, le second à étendre la zone habitée selon des normes de construction assurant salubrité, sécurité et esthétique (decoro). L’approbation de ces plans par décret royal vaut déclaration d’utilité publique et c’est en deuxième volet d’une loi sur l’expropriation, également influencée par le modèle français, que ces plans se trouvent définis[16]. Se calquant sur le première période de la politique haussmannienne, cette loi assurait l’expropriation par zone, et permettait ainsi l’aménagement de tout un îlot. L’indemnisation prévue est fondée sur la valeur du marché. Cette faculté d’instituer des plans directeurs a suscité dans les grandes villes la constitution précoce de bureaux techniques municipaux.

Comme l’illustrent les travaux de Guido Zucconi sur les ingénieurs sanitaires ou de Paola Penzo sur l’influence haussmannienne en Italie[17], ce dispositif s’avère passablement anticipateur eu égard à la loi Cornudet de 1919. Ce constat permet de remettre en cause le présupposé selon lequel l’Italie décalquerait et mettrait en place avec retard et mal les modèles étrangers, qu’il s’agisse de l’urbanisme ou des institutions politiques : « Dans le domaine juridique, l’Italie, après avoir tiré une leçon utile de l’haussmanisme, suit un parcours autonome qui la conduit de l’expropriation pure et simple au plan d’urbanisme. »[18]

Dès le vote de cette loi de 1865, le mécanisme joue à plein dans les grandes villes. L’adjonction à l’envoi fait par l’Italie à la SHUR d’un recueil de lois sur l’utilité publique témoigne de l’importance de cette articulation entre régime d’expropriation et plans d’urbanisme. Les modalités d’indemnisation des propriétaires privés font l’objet d’une nouvelle définition à l’occasion de l’assainissement de Naples en 1884 après l’épidémie de choléra. Mais la loi ne substitue pas un mode d’indemnisation à un autre, elle les empile. Les communes ont le choix en fonction de la dynamique de négociation qu’elles veulent instaurer avec les propriétaires, d’opter pour une loi ou l’autre, pour l’expropriation par zone ou non, pour un barème ou un autre, ce qui alimente nombre de débats au sein des conseils municipaux.

L’adoption d’un plan d’extension peut signifier – mais pas nécessairement – annexion de portions de communes environnantes. Il s’agit le plus souvent d’un arasement des murs et du déplacement de la ligne d’octroi séparant zone urbaine et zone rurale sur le même territoire communal.

L’extension signifie agrandissement du territoire planifié et considéré comme urbain, par rapport au territoire rural inscrit dans la même commune. Le recensement milanais de 1911 considère les densités de population selon un découpage en cinq cercles concentriques. Deux zones hyper-centrales dites « urbaines », Milan médiévale et Milan espagnole dans ses bastions, deux zones dites « suburbaines », simplement extérieures aux bastions[19], et finalement la zone « rurale » inscrite sur le territoire municipal. Les zones urbaines ou suburbaines sont planifiées et la zone rurale ne l’est pas. Le fait que la zone rurale ne soit pas planifiée signifie que les constructions résidentielles y sont possibles et ne sont pas contrôlées. D’où la tendance des municipalités à agrandir leur plan d’extension pour contrôler au moins la viabilité et ne pas avoir à exproprier les propriétaires ayant fait construire au-delà des zones suburbaines.

Plans d’extension et dynamique d’annexion à Milan

Dès l’entrée de la Lombardie dans le royaume d’Italie, un enjeu territorial s’impose à la ville de Milan : l’annexion de sa vaste couronne rurale. À l’initiative de l’impératrice Marie-Thérèse et de son fils Joseph II, l’ensemble des fermes dispersées et des bourgs agricoles alimentant la ville avait fait l’objet en 1782 d’une unification administrative sous forme d’une seule commune autonome entourant la ville au delà des bastions du xvie siècle. Sous la domination napoléonienne, cette commune externe portant le nom de Corpi santi fut progressivement démembrée à partir de 1797 et officiellement unie par décret à la ville murée de Milan en 1808 dans un rayon de 4 km. Intégration transitoire puisqu’avec le retour des Autrichiens, la commune des Corpi santi fut reconstituée en 1816. Située en dehors de la ligne d’octroi, sa population atteignait 46 000 habitants en 1861 (tandis que Milan en comptait 196 000), désormais engagés pour la plupart dans des activités industrielles, commerciales ou de transport[20].

Discutée pendant plus de dix ans, « la question donna lieu à un intense débat et fut conclue plutôt drastiquement en 1873 par un décret d’agrégation »[21] portant le territoire communal de 823 à 7 463 ha. En 1881, ces nouveaux quartiers et paroisses accueillent déjà 40 % de la population municipale au terme de deux décennies de croissance démogaphique très soutenue.

Les enjeux du plan Beruto (1884-1889)

Sur la base de cette annexion de 1873, l’ingénieur en chef des services techniques municipaux, Cesare Beruto (1835-1915), est chargé en 1884 par la municipalité de la rédaction d’un plan d’aménagement et d’extension (piano regolatore generale) pour unifier le développement. Milan est alors en plein développement économique, première ville industrielle du pays depuis 1871, elle se considère depuis 1881 « capitale morale » de l’Italie, comme en témoigne de manière récurrente au fil des décennies ultérieures les guides touristiques. L’appellation fait référence certainement à son rôle durant les luttes du Risorgimento en 1848, mais aussi au fait que la première exposition nationale, La Fiera di domani, s’y tient en 1881 plutôt qu’à Rome. Le plan accompagne aussi sa transformation en capitale financière avec l’apparition des sociétés par action, des banques, caisses d’épargne et sociétés foncières.

Jusqu’à 1899, la droite traditionnelle conserve l’administration municipale tout en voyant son pouvoir s’éroder face à la montée d’une bourgeoisie entrepreneuriale et financière. La controverse suscitée en 1882 par la vente d’une vaste emprise de propriété municipale, celle de l’ancien lazaret du xve siècle, au bénéfice de la Società di credito italiano, suivie de sa démolition en vue d’une opération de lotissement par la Società fondiaria n’est pas étrangère à la commande passée à Beruto. Alors qu’au cours des vingt premières années après l’Unité, les transformations urbaines, notamment l’aménagement de la Place du Dôme et la création de la Galerie commerciale Vittorio Emmanuele, s’étaient effectuées par décret municipal sans plan directeur, se manifeste désormais une volonté d’encadrer la dynamique spéculative et les choix à venir concernant les vastes espaces du château et de la place d’Armes sans plus de fonction militaire.

Le plan Beruto, particulièrement dans sa première version non approuvée par le Ministère des Travaux Publics, a aujourd’hui la faveur des urbanistes, des historiens ainsi que des défenseurs du patrimoine.

« Sans vouloir mythifier, le projet Beruto est certainement le meilleur plan qui ait jamais été proposé pour Milan, en relation naturellement avec l’époque à laquelle il était étudié […] Car c’est le seul qui ne fut pas conçu sous la pression de la propriété foncière et du régime immobilier mais qui représentait les vues européennes ambitieuses de la nouvelle bourgeoisie industrielle. »[22]

Ce plan qui entend donner une image unitaire à l’ensemble de la ville conforte la forma urbis héritée (Fig. 4). « Le plan de notre ville, à petite échelle, a beaucoup de ressemblance avec la section d’un arbre. On y repère facilement les prolongements et les strates concentriques […] on n’a fait que lui donner l’extension nécessaire[23]. »

Pour fondre le mieux possible les parties internes et externes de la ville, objectif premier, et permettre l’expansion industrielle loin au-delà des bastions (plutôt qu’à leur contact immédiat comme déjà avéré), les bastions seront arasés, les voies radiales prolongées et multipliées (par quatre, eu égard aux quatorze portes préexistantes) jusqu’à un nouveau boulevard de ceinture, inscrivant le développement urbain dans un rayon de 2 896 m au lieu des 1 604 m alors existant jusqu’à la ligne d’octroi[24], soit une zone habitable de 2 200 ha. Le croisement des radiales avec les nouvelles voies annulaires dessine les futurs îlots à aménager. La taille des mailles prévues constitue dans le premier projet de Beruto un élément qualitatif important. Se référant à l’exemple de Berlin[25], à la salubrité, à la variété et la beauté de ses quartiers, l’ingénieur opte pour une maille large de 200 à 400 m de côté, permettant de colossales constructions modernes, offrant « toutes les commodités d’une petite ville ». Ils peuvent être subdivisés sans altération du réseau viaire.

« Il faut considérer l’éventualité de grandes constructions civiles, industrielles, publiques, privées et les innovations probables qui surgiront de l’état de transition actuel dans l’art de bâtir. […] Les petits îlots sont le support de la spéculation ; ils multiplient inutilement les rues ; ils se créent aux dépens des espaces publics. »

Si la planification de l’extension suivant un système de grille est présent dans les plans italiens en cours d’élaboration à l’époque (tel celui de Bologne), le projet Beruto se distingue des plans de Florence, Rome et Naples qui l’ont précédé par ce module, les parcelles constructibles proposées ailleurs étant de 50 à 100 m de côté. Le plan milanais localement approuvé par le conseil municipal en 1886 fut rejeté par le Conseil supérieur des travaux publics au motif d’un excédent de lignes courbes, de la forme souvent irrégulière des parcelles, et de leur trop grande dimension. Motif dissimulant, selon Campos-Venuti, la manifestation directe des intérêts immobiliers milanais à Rome. Le nouveau projet approuvé par le conseil municipal en 1988 et promulgué en 1889 réduit considérablement la taille des îlots, à la mesure d’un seul bâtiment et donc d’un moindre investissement de capital.

Le deuxième aspect qualitatif tient à la densité souhaitable de la population. Densité exprimée par le rapport de la surface au sol au nombre d’habitants : « Pour qu’une ville puisse se dire en condition d’hygiène suffisante par rapport à la densité de population, il faut que chacun dispose d’au moins 50 m2 ». Cette norme, selon les exégètes du plan Beruto[26], signifiait un standard d’équipements d’au moins 25 m2 de rue, jardins et espaces publics comparable aux exigences des plans actuels. Il en résultait une diminution du nombre d’habitants en centre-ville (37,5 m2 par habitant). La zone d’extension planifiée devait permettre d’accueillir une population de 500 000 habitants sur 30 ans, durée de validité retenue pour l’exécution du plan. Le développement à l’intérieur des bastions se trouvait limité au bénéfice de la zone d’extension où la moitié des logements futurs devait être réalisée.

Dans le centre, Beruto affirmait, pour des raisons de sage économie (savia economia), n’avoir « pas l’intention de toucher à la consistance de la ville, [mais de] respecter le plus possible l’état actuel, les plans partiels déjà approuvés, les projets en cours d’exécution ». Cela concernait l’aménagement en cours de la Place du Dôme et son dégagement. En outre, l’ingénieur arbitrait en faveur d’un lotissement de l’ancienne Place d’Armes, une percée (via Dante), conduisant de la place du Dôme à la Place d’Armes et la création d’une place (Cordusio) destinée à libérer celle du Dôme de sa fonction d’interconnexion des lignes de tramways et de bus.

Même si le plan projeté est loin de couvrir les 74 ha du territoire municipal, une rectification de ses limites est néanmoins jugée indispensable. La rotondité qui apparaît sur le plan fait fi d’une indentation bien visible de la commune voisine. Mais au-delà de cet aspect précis, Beruto envisage déjà une nouvelle annexion :

« Pour protéger ses intérêts et la domination nécessaire à son fonctionnement, [la ville] a besoin d’une zone rurale assez large sous sa juridiction. […] Florence, dans son plan d’agrandissement de 1865 avait établi une largeur de 2 km pour la zone rurale suburbaine. Milan, pour des raisons hydrographiques a besoin de plus. »[27]

L’argument d’autorité reprend le lien traditionnel de la ville et de son territoire, qu’il s’agisse du contado dans l’Italie des communes, ou de la banlieue au xixe… Il rejoint l’apologie initiale que fait Beruto du principe radial qui permet « de doter notre ville d’un champ quasi indéfini d’expansion »[28].

Le plan Pavia-Masera (1906-1912)

Ce plan, dont la première mouture a certainement fait partie de l’envoi au Musée social, reproduit la logique du plan précédent à plus vaste échelle, faisant passer la zone habitée de 2 200 à 4 400 ha. Tout comme Cesare Beruto, Angelo Pavia et Giovanni Masera sont ingénieurs municipaux (Pavia étant le plus concrètement impliqué dans l’élaboration, il en supportera les critiques ; Masera est le chef du bureau technique).

Présenté en première lecture au conseil municipal en juillet 1906 peu après la tenue à Milan d’une exposition internationale célébrant l’ouverture du tunnel du Simplon[29], il vise à réguler les effets de cette nouvelle liaison sur le développement économique et urbain, prévenir la spéculation sur les terrains libérés par une nouvelle réorganisation des emprises ferroviaires de l’État, inclure les implantations industrielles au delà de l’octroi et favoriser la circulation. Son élaboration a duré quatre ans de 1906 à 1910. Avant son approbation définitive par le Parlement, une deuxième mouture fut entreprise pour prendre en compte les possibilités offertes par la loi Luzzati de 1908 sur la création des Instituts autonomes du logement populaire (IACP) qui anticipa de quelques années la loi Bonnevay. La loi Luzzati permettait aux villes d’exproprier des terrains pour les mettre à disposition du logement social.

C’est une municipalité à dominante socialiste[30] qui commandite ce plan à l’échéance prévue du plan précédent. Avec le développement de grandes usines (mécanique, chimie), la ville a vu se former une classe ouvrière nombreuse et organisée (la première Camera del lavoro créée en 1891 compte 10 000 inscrits en 1893[31]) et le parti socialiste s’enracine rapidement. Dans les premières années du siècle les nouvelles emprises se multiplient hors des anciennes portes, particulièrement au nord de la ville, le long de l’axe Sesto S. Giovanni-Monza ou le long de la ceinture ferroviaire. En 1905, la société Pirelli qui compte déjà un établissement de 3 000 ouvriers (à l’emplacement de l’actuel gratte-ciel dessiné par Gio Ponti) commence une vaste construction à la Bicocca ; la société Breda, présente en centre-ville, construit de 1903 à 1908 de nouvelles usines pour 4 500 ouvriers sur 40 ha de terrain, etc.

Durant toute la durée de validité du plan Beruto, la dynamique migratoire est forte et l’activité de construction intense. La population milanaise passe de 314 000 habitants en 1881 à 490 000 en 1901 et 600 000 en 1911 et le patrimoine résidentiel de 242 000 pièces en 1881 à 464 000 en 1911. Le recensement de 1911 met en évidence une forte augmentation de population dans la couronne rurale interne au territoire communal depuis 1901, et donc hors des espaces planifiés par le plan de 1889[32], dont les terrains à urbaniser restent pour partie vides (695 sur 1 234 ha selon le rapport descriptif de l’ingénieur Pavia en 1906)[33]. Parallèlement, le centre a fait l’objet de nombreuses conventions associant ville, banques et entrepreneurs, assorties de modifications partielles du plan régulateur afin d’autoriser alignements et percées. Une disposition prise par la Giunta de 1889 avait facilité cet interventionnisme : elle avait en effet demandé que le Parlement autorise le gouvernement du Roi à approuver les variantes éventuelles par décret royal sans retourner devant le Parlement. La Giunta de 1910 fera de même.

Pour l’ingénieur Pavia, la multiplicité de ces plans spéciaux partiels approuvés ou en cours d’élaboration et l’absence de réglementation en couronne externe rendent nécessaire une disposition législative qui réponde au concept de justice distributive[34] : un plan unique général de construction et d’extension.

Face aux constructions surgies hors de l’octroi, il s’agit en somme de rationaliser l’existant et de seconder les lotissements déjà entrepris par le privé pour éviter de graves déplacements d’intérêts et des frais[35]. L’approbation d’un plan et la DUP qui l’accompagne permettent à une commune d’imposer une contribution financière à ceux qui tireront avantage du plan. Pour la ville, il y a « urgence technique et urgence fiscale, urgence de pouvoir appliquer la taxe sur les terrains constructibles »[36]. Le nouveau réseau de voies prolonge les radiales et reproduit le système de grille. Les places et jardins représentent moins de 10 % des espaces à urbaniser. À l’exception d’un parc au nord de la ville, tous les autres espaces verts sont « de dimension limitée » et ont une fonction résiduelle et instrumentale (donner une forme aux croisements, ôter le caractère sinueux des rues existantes, etc.). Dans le premier projet de 1906, l’extension est contenue dans les limites de la commune de Milan « afin d’éliminer toute question territoriale ». Mais une concertation engagée avec quelques communes proches (Villapizone, Greco Milanese et Turro) permet de prévoir une coordination des réseaux viaires et une approbation simultanée des plans régulateurs respectifs. La modification du schéma de desserte ferroviaire prévu par l’État (et de l’emplacement prévu pour la nouvelle gare) diffère l’approbation de ce premier projet, adopté en dépit des réactions de certains conseillers dénonçant l’insuffisance des espaces verts et des logements sociaux prévus (Conti, Manfredini e Gobbi).

Le deuxième projet présenté lors de la séance du 27 mai 1909 suscite l’institution d’une commission ad hoc au sein du conseil municipal. L’avis de la commission d’hygiène présidée par l’adjoint à la construction, l’ingénieur Mario Baroni, est considéré insuffisant car cette commission « ne peut avoir de préoccupations qui ne soient pas de l’ordre de l’esthétique et de l’embellissement. La future commission peut donner un poids majeur à des considérations d’ordre administratif, financier ou qui reflètent des oppositions au projet ».

Au conseil, le débat porte essentiellement sur les modalités de calcul de la taxe appelant le privé à contribuer à l’intervention publique au moyen de conventions ainsi que sur la largeur des voies et surtout la taille des mailles en fonction des attentes des lotisseurs, ce qui avait été le point d’achoppement du plan précédent. Les potentialités de la loi sur le logement populaire de 1908 (l’expropriation par zone de terrains bien situés avec les modalités fixées par la loi sur Naples, plus favorable aux communes que celles de 1865) sont intégrées en cours d’élaboration pour un total de 22 ha (soit 50 000 habitants sur 30 ans selon l’estimation d’un conseiller). Le plan atteint par endroit les limites du territoire communal et régit même, sous utilité publique, des fractions du territoire de six communes limitrophes (Baggio, Musocco, Greco, Turro, Lambrate et Vigevano) jusqu’aux nouvelles implantations ferroviaires. Le choix du bureau technique[37], avalisé par la commission du conseil, de ne pas solliciter l’annexion de ces portions de territoire mais de procéder par conventions avec les communes, est contesté par certains conseillers.

« Ces conventions sont faites de telle sorte que la commune limitrophe doit mettre en oeuvre elle-même le plan régulateur. Si elle ne le fait pas ou en complique l’exécution, nous n’avons aucun remède. […] Nous ne pourrons pas imposer des directives nettes en ce qui concerne les impôts (impôt sur les constructions, taxe sur la consommation), nous ne pourrons pas imposer le règlement de construction du plan régulateur de notre ville car on dira à juste titre que nos règlements ne sont pas applicables à d’autres communes. On ne pourra éviter l’introduction sur notre territoire de constructions inesthétiques comme cela s’est vérifié dans le plan actuel. Nous ne devons pas oublier notre aspiration à un arrangement légitime et définitif »[38]. (Consigliere Bottini)

Les tenants d’une solution « pratique » et d’une approbation rapide du plan anticipe les résistances des communes environnantes à l’annexion :

« Nous sommes libres de demander à Villa Pizzone, Lambrate, Musocco, prises comme communes, cette incorporation, mais elles sont tout aussi libres de protester. Et il suffit de la protestation d’un seul communiste pour mettre en péril nos délibérations d’autant plus qu’on ne sait en faveur de qui se prononceraient les autorités de tutelle. Lorsqu’au contraire, nous allons au-delà de nos limites communales mais avec un système de conventions, il est logique que nos intérêts coïncident avec ceux de la commune voisine, qui peut ainsi nous seconder. Pour Villa Pizzone, nous avons résolu le problème encore plus brillamment. Nous y sommes devenus propriétaires d’un très grand stock de terrains et là, nous avons tracé les rues que nous avons voulues »[39]. (Consigliere De Marchi)

Déjà critiqué durant son élaboration, notamment par les tenants milanais de l’Art de construire les villes (Camillo Sitte), le plan d’Angelo Pavia s’est vu par la suite reprocher tantôt son caractère passéiste, tantôt sa soumission au capitalisme immobilier au détriment des services publics (Fig. 5). Lors de la publication du plan de 1953, l’architecte Luigi Piccinato, vice-président de l’Istituto nazionale di urbanistica, dénonce la reprise du modèle haussmannien :

« La ville qui se regardait elle-même exclusivement à partir de la Place du Dôme comme déjà cinq siècles auparavant, était incapable de s’ôter la tunique de Nessus, l’énorme toile d’araignée que lui avait fixé l’ingénieur Beruto. Mais il y avait l’exemple universel de Paris qui à l’époque faisait foi dans toute l’Europe. C’était une référence facile en l’absence d’une culture spécifique. »[40]

La valeur de quelques dispositions normatives facilitant sa mise en oeuvre est cependant reconnue[41] (notamment une forme de décentralisation administrative – la faculté pour le préfet d’approuver les plans d’exécution de détail – et les facilités fiscales accordées pour tout édifice érigé dans le respect du plan d’aménagement).

Fascisme et métropolisation

Avec la prise de pouvoir de Mussolini en 1922, le territoire municipal change à nouveau d’échelle. Milan dont Mussolini avait été brièvement conseiller municipal socialiste en 1914 sert de lieu d’expérimentation à une politique d’agrandissement des territoires communaux des grandes villes par incorporation des communes suburbaines au noyau central. L’emprise de Milan fait plus que doubler (185 km2) grâce à l’annexion le 2 septembre 1923 de 11 communes de son environnement. Un décret du 30 décembre de la même année systématise cette opportunité pour les grandes villes de constituer de vastes unités administratives[42], possibilité dont bénéficieront ultérieurement Gênes, Venise, Naples et dans une moindre mesure Bologne. Cette politique demande donc que soit relativisé le caractère affirmé comme anti-urbain de l’idéologie du régime fasciste[43]. Jusqu’en 1927, le régime exalte l’objectif du million d’habitants pour les grandes villes. L’appel au dépeuplement des villes d’Arnaldo Mussolini, frère du Duce, dans Il popolo d’Italia en 1927, constitue certes un renversement dans la propagande du régime mais nullement dans les pratiques des préfets. On peut également réinterpréter la politique des grandes unités comme une tentative d’agir sur les hiérarchies urbaines, de rationaliser le maillage urbain ou, davantage encore, les circonscriptions provinciales dans le but d’étendre le contrôle de l’Etat sur le pays. Telle était, il y a une trentaine d’années, l’hypothèse de l’historienne Elisabetta Arioti dans le cadre de ses travaux sur la grande Bologne[44]. Le régime crée en effet, en 1927, 17 nouveaux chefs-lieux de province et 8 de ces villes voient alors leur territoire agrandi par décret sur le mode d’annexion des communes limitrophes, précédemment utilisé pour les grandes villes. Ces annexions courent sur 1927-1929.

L’organisation urbaine et territoriale du « grand Milan » exige l’élaboration d’un nouveau plan d’ensemble, à peine onze ans après l’approbation du plan Pavia-Masera. L’ingénieur libéral Cesare Chiodi (1885-1969), élu conseiller municipal en 1920 et assesseur à la construction de 1922 à 1925, nomme une commission d’études et inscrit l’urbanisme milanais dans les circuits de l’urbanisme moderne[45]. Fréquentant les congrès internationaux, l’ingénieur « bien connu », comme le qualifie Henri Sellier, manie volontiers les comparaisons avec les grandes villes européennes, qu’il s’agisse de la construction de logements, des kilomètres de voies pénétrantes, etc. À l’inverse des plans antérieurs, d’emblée confiés à des ingénieurs municipaux, le futur plan, calibré sur deux millions d’habitants, fera l’objet d’un concours national en 1926 dont les principes d’élaboration empruntent à la nouvelle doxa du zonage et de la décentralisation (afin de préserver une certaine autonomie des noyaux annexés et d’éviter un remodelage trop accentué du centre). Présenté dans le bulletin municipal en août 1925, ce rapport préalable se livre à une « anatomie comparée des organismes urbains », s’appuyant sur les cas de Madrid, Vienne, Munich, Bruxelles et Paris (Fig. 6, 7, 8 et 9). Le principe en consiste à superposer sur la carte topographique des villes étrangères le nouveau périmètre municipal de Milan ainsi que les principaux repères symboliques de son développement. Le Duomo est positionné en correspondance avec Notre-Dame pour Paris, la cathédrale Saint Etienne pour Vienne, la Residenz pour Munich et la Puerta del Sol pour Madrid. Seule la Grand-Place de Bruxelles est un peu décalée vers Piazza Cordusio. Cette comparaison joue au bénéfice de Paris qui demeure, vu de Milan, le grand modèle à imiter. La similarité des formes urbaines la légitime :

« Il est étrange d’observer comment […] l’enceinte des fortifications de Paris vient se superposer presque mathématiquement aux limites du PRG milanais de 1912, l’anneau des boulevards extérieurs à celui des grands boulevards plantés de 1889 et finalement celui des grands boulevards à nos bastions. »

La similarité est d’autant plus forte que l’ingénieur milanais considère Paris dans les limites de du département de la Seine, et c’est à cette aune que Chiodi l’estime trois fois plus grand. Le renouvellement des idées d’aménagement issues du concours de 1926 n’aura pas de traduction effective et la saturation par densification de l’espace annexé en 1923 se traduira dans le plan Albertini adopté en 1934. La réflexion sur la planification régionale pouvait alors commencer, à Milan comme à Rome.

Figures et illustrations

Figure 1 :

La persistance des divisions communales. L’ouest de la Plaine du Pô. Lucio Gambi (a cura di), Storia d’Italia, vol. 6, Atlante, Milano, Einaudi, 1976

Figure 2 :

Les divisions communales dans les collines et montagnes de Toscane,
Ombrie et Romagne (même échelle que la figure 1) Lucio Gambi (a cura di), Storia d’Italia, vol. 6, Atlante, Milano, Einaudi, 1976

Figure 3 :

Les agrandissements du territoire milanais par annexions successives
Étienne Dalmasso, Milan, capitale économique de l’Italie. Étude géographique, Gap, Ophrys, 1971

Figure 4 :

Le premier projet de plan d’aménagement et d’extension de l’Ing. Beruto (1884) Licenza : Public Domain Autori : Albertomos, Van Loon

Figure 5 :

Le plan d’aménagement et d’extension d’Angelo Pavia et Giovanni Masera, 1911. Raccolte Grafiche et Fotografiche del Castello Sforzesco. Raccolta delle Stampe « Achille Bertarelli ». Lien vers la source

Figure 6 :

Milan comparée à Paris Città di Milano, bollettino municipale mensile di cronaca amministrativa e statistica, agosto 1925. Dans la reproduction originale, 1 cm = 1 km

Figure 7 :

Milan comparée à Vienne Città di Milano, bollettino municipale mensile di cronaca amministrativa e statistica, agosto 1925. Échelle de la reproduction originale, 1 cm = 0,65 km

Figure 8 :

Milan comparée à Madrid Città di Milano, bollettino municipale mensile di cronaca amministrativa e statistica, agosto 1925. Échelle de la reproduction originale, 1 cm = 0,4 km

Figure 9 :

Milan comparée à Munich Città di Milano, bollettino municipale mensile di cronaca amministrativa e statistica, agosto 1925. Échelle de la reproduction originale : 1 cm = 0,51 km