Avertissement : les noms japonais sont notés dans l’ordre en vigueur sur place, le patronyme précédant le prénom (dans le corps du texte et dans les références bibliographiques).
Avec la Restauration de Meiji (1868) qui marque l’avènement d’une nouvelle ère de transformations majeures de la société nippone dans de multiples domaines, se pose aussi la question de la modernisation de la capitale de l’empire. La scène internationale où le Japon compte désormais jouer un rôle politique et économique au même titre que les grandes nations occidentales, fournit son lot de modèles architecturaux et urbains[1].
Toutefois, à partir de la fin du xixe siècle, face au problème de la croissance urbaine accélérée de Tōkyō, le sujet de la maîtrise de son urbanisation vient se superposer au projet de capitale moderne. L’accroissement de la population et de l’industrialisation[2] en particulier, conduit les édiles à repenser les limites de ce territoire, ses échelles de planification et ses méthodes d’aménagement.
Si le premier plan d’aménagement de la ville, publié en 1889 (Tōkyō shiku kaisei sekkei), vise essentiellement à réordonner la trame viaire du cœur historique (à l’est du palais impérial), les autorités de l’ère Meiji (1868-1912) peinent à le mettre en œuvre en raison de difficultés financières ou de fortes oppositions de la part de certains propriétaires fonciers. Révisé en 1903 (Tōkyō shiku kaisei shinsekkei), ce plan ne sera adopté qu’en 1914.
Les premières transformations de la capitale se résument à l’installation de fonctions modernes au sein du tissu de l’époque féodale, principalement sous la forme de nouveaux types d’édifices aux styles et gabarits d’influence occidentale, sans transformation globale de la structure urbaine héritée. Dans la mesure où ces transformations s’effectuent à l’échelle parcellaire, par substitutions ponctuelles[3], le paysage urbain du Tōkyō de cette époque est marqué par un mélange hétérogène de formes anciennes et nouvelles. Surtout, il dénote d’un processus d’aménagement où l’édifice, en l’occurrence le grand édifice institutionnel (ministères, ambassades, universités, etc.) ou commercial (banques, grands magasins, gares, etc.), a valeur d’agent des transformations urbaines immédiates et notables :
[ Voir Fig. 1 et 2 ]« Finalement, le gens ne parvenaient pas à concevoir des quartiers entiers constitués de rangs de bâtiments, ou la ville comme un grand espace urbain. Pour eux, le problème demeurait celui de comment exprimer l’esprit de la civilisation et des lumières au sein des limites déterminées par un bâtiment ou une parcelle. »[4]
Au cours de l’ère Taishō (1912-1926), la modernisation de la capitale se poursuit. Face aux problèmes de densité élevée et de congestion du trafic, les transformations portent alors principalement sur l’espace public à travers l’aménagement d’un ensemble ponctuel de dispositifs d’embellissement et d’aération du tissu urbain (plantations, avenues, places, parcs,…) et la construction de plusieurs ouvrages d’art (ponts et viaducs ferroviaires). L’échelle de ces réalisations demeure cependant modeste au regard de l’étendue du territoire urbanisé de la capitale. Que ce soit au niveau des nouveaux programmes ou des réaménagements de la structure viaire, la mise en œuvre du Tōkyō moderne du début des années 1920 procède donc par l’adjonction de fragments urbains à l’intérieur de la structure héritée, sans remodelage à grande échelle[5].
En revanche, à la veille du Grand séisme du Kantō (Kantō dai shinsai) de 1923, les nouveaux systèmes de transports urbains collectifs (chemins de fer, tramways), publics ou privés, dessinent déjà une figure singulière et à grande échelle de la capitale. Le bouclage imminent des deux premiers axes de chemins de fer publics est et ouest installe une ceinture de circulation aérienne (ligne Yamanote)[6] aux confins de la ville dense tandis que celle-ci est progressivement maillée de lignes de tramway. En outre, la multiplication des lignes ferroviaires suburbaines privées, couplée au développement d’activités commerciales et de lotissements, oriente l’urbanisation de manière linéaire, notamment à l’ouest.
L’élargissement du territoire planifié et la distinction centre / périphérie
L’examen des plans d’aménagement successifs de Tōkyō mis au point par les autorités compétentes montre que la question de l’échelle métropolitaine et de son dessin ne se pose véritablement qu’à partir du tournant des années 1920, et qu’elle s’accélère après la catastrophe de 1923.
Les nouvelles limites du territoire communal, désignées en 1878 lors des réformes statutaires de Meiji, correspondent plus ou moins à celles de l’ancienne capitale féodale Edo. Elles sont matérialisées par deux grands arcs de circulation : la rivière Ara (Arakawa) à l’est, partiellement canalisée, et la ligne ferroviaire Akabane-Shinagawa à l’ouest qui sera mise en service en 1885 ; soit un rayon d’environ cinq kilomètres à partir du palais impérial, et un ensemble de quinze arrondissements.
À l’échelle nationale, la promulgation des premières loi d’urbanisme (toshi keikaku hō) et loi sur les constructions urbaines (shigaichi kenchikubutsu hō) en 1919 détermine un nouveau cadre réglementaire pour réguler les grandes villes et leurs extensions urbaines.[7] Dès la veille de leur entrée en vigueur, le « Plan du nouveau Tōkyō » (Shin Tōkyō keikaku, Fukuda, 1918)[8] fait preuve d’une nouvelle orientation – comme son nom l’affiche – dans l’appréhension de l’échelle et du dessin de la capitale.
[ Voir Fig. 3 ]
D’une part, en couvrant une emprise supérieure à celle du territoire administratif à l’ouest, ce plan anticipe les besoins d’expansion d’une cité en pleine croissance démographique (la ville retrouve son million d’habitants dans les années 1880 et en compte 2,6 à la fin de l’ère Meiji)[9]. D’autre part, à cette nouvelle échelle, le plan propose une figure unitaire et lisible – et non plus une composition fragmentée. Circulaire, cette figure est centrée sur le palais impérial et structurée suivant un maillage de voies routières qui cherche à souder centre et périphérie. Un système de carrefours (kōsaten), ponctués d’édifices publics (kōkan), marque chaque intersection importante du réseau projeté. Le tracé d’un grand arc routier à l’ouest (actuelle Kannana-dōri), au-delà de l’arc ferroviaire, préfigure la nouvelle limite communale envisagée. Cet axe routier parachève une organisation territoriale qui, bien qu’amputée de la baie, se veut résolument radioconcentrique. S’il existe une hiérarchie des largeurs de voies et des tailles de places, la nouvelle structure urbaine proposée couvre néanmoins indifféremment territoire central et territoire périphérique (un prolongement au-delà de la future limite communale est même prévu). La périphérie et son organisation sont alors conçues comme une extension du réseau viaire central. On peut toutefois noter la distinction scalaire des mailles centrales (à l’intérieur de la boucle ferroviaire Yamanote, soit la ville dense) et périphériques.
En 1920, année du premier recensement municipal de la population, la capitale compte déjà 3,7 millions d’habitants. Deux ans plus tard, le Gouvernement anticipe une croissance exponentielle en désignant le périmètre d’une aire de planification urbaine (Tōkyō toshikeikaku kuiki) davantage adaptée à l’échelle du territoire pratiqué dont l’étendue déborde largement les limites communales fixées en 1878. Cette aire couvre une superficie près de sept fois supérieure à celle du territoire administratif. Elle est définie selon un rayon d’une quinzaine de kilomètres à partir de la gare centrale de Tōkyō, soit l’équivalent à l’époque d’une heure de trajet depuis celle-ci[10]. À la veille du Grand séisme du Kantō, les prémices d’une construction métropolitaine sont à l’œuvre. Au lendemain de la catastrophe[11], le principe d’une organisation radioconcentrique est repris à l’occasion du plan de reconstruction post-séisme (shinsai fukkō keikaku) élaboré par l’ancien maire de la ville Gotō Shinpei (1857-1929), alors ministre de l’Intérieur.
[ Voir Fig. 4 ]
D’autres plans d’aménagement sont proposés indépendamment, comme celui de l’architecte Nakamura Junpei (1887-1977)[12] en 1924, « Banlieue [de] Tōkyō (Tōkyō kinkō) », qui organise la périphérie à partir d’une armature viaire distincte. Son projet présente également une figure centrée sur le palais impérial et un réseau de voies arborescentes déployées à l’échelle du grand territoire. Il instaure en outre une réflexion sur l’échelle du centre d’une telle métropole. Avec l’implantation d’un nouveau grand élément satellite au sud-est, sous la forme d’une plateforme portuaire localisée au sein de la baie et reliée au centre économique, la question de la taille et des fonctions du centre de la métropole est également posée à cette nouvelle échelle[13].
Parallèlement à ces figures idéales, des plans de rationalisation et d’extension du réseau routier de la capitale sont régulièrement produits à l’échelle de l’aire de planification urbaine par les autorités. Que ce soit dans le cadre de la reconstruction postérieure au séisme ou peu après, en 1927, avec la publication du Plan du réseau viaire du Grand Tōkyō (Dai Tōkyō gairomō zu), le schéma radioconcentrique est réitéré. Un système régulier et uniforme de rocades et de radiales, centré sur le palais impérial et la gare centrale, valide les dessins antérieurs d’une métropole mono centrée et élargie.
En 1932, l’annexion de plusieurs villes et villages limitrophes entérine cette nouvelle échelle. Il y a désormais concordance entre territoire administratif et aire de planification, et l’ensemble est officiellement dénommé Grand Tōkyō (Dai Tōkyō). Si la capitale ne passe officiellement du statut de ville (shi) à celui de métropole (to) qu’en 1943, par fusion de la préfecture et de la commune en une seule entité administrative, il n’en demeure pas moins que plusieurs dessins de sa figure métropolitaine sont déjà élaborés sous la forme de plans à l’échelle de ce nouveau territoire (R = 15 km ; 35 arrondissements). C’est le cas par exemple du Plan d’aménagement du réseau routier (Tōkyō toshi keikaku dōromō zu) de 1932.
[ Voir Fig. 5 et 6 ]
C’est à nouveau bien antérieurement à la délimitation officielle du périmètre de planification à l’échelle régionale – qui aura lieu après-guerre[14] – que des perspectives d’aménagement à cette méga-échelle émergent. Le Plan des « corridors verts » (Tōkyō ryokuchi keikaku) publié en 1939 par le Conseil de planification éponyme (Tōkyō ryokuchi keikaku kyogikai) préfigure ce futur territoire[15].
[ Voir Fig. 7 ]
Son objectif marque surtout un tournant dans l’approche de la périphérie par rapport au centre de la métropole. Ce plan désigne un ensemble de parcs de différents types, disséminés sur le territoire métropolitain, et surtout des secteurs entiers à préserver de l’urbanisation. Ces derniers sont situés en limite du territoire administratif, le long du réseau hydrographique majeur. L’ensemble esquisse une « ceinture verte » (kanjō ryoku chitai) de protection et d’accueil d’activités récréatives, de près de 1 000 ha dans un rayon de 50 km, en lien avec la géographie du territoire.
En 1942, en pleine période militariste, un plan à l’échelle de la région du Kantō (Kantō chihō keikaku) est élaboré par la Commission régionale d’urbanisme de Tōkyō (toshikeikaku Tōkyō chihō iinkai). Ce plan s’appuie sur des principes de déconcentration/protection qui servent en priorité des objectifs de défense civile et industrielle. Il comprend une « zone d’évacuation » (sokai chiku), soit le territoire le plus dense et le plus industrialisé (Tōkyō-Kawasaki-Yokohama), des « zones de ‘ceintures vertes’ » (ryokuchi chiku) situées en couronne de la ville-dense et des noyaux urbains périphériques, ainsi que des « zones spéciales » (tokubetsu chiku) et des « zones urbaines » (shigai chiku)[16].
Ainsi, à partir des années 1930, alors que la croissance démographique et l’urbanisation de la métropole sont au plus haut (de 4,9 millions d’habitants en 1930 à 6,3 en 1935), la périphérie n’est plus envisagée comme l’extension du centre. Au contraire, les nouveaux dispositifs de planification visent à la contenir et à orienter son développement de manière spécifique. Ils instaurent deux types de territoires distincts qui feront par la suite l’objet de modalités de planification différenciées. Cette distinction territoriale cheminera jusqu’au Plan de redressement des dommages de guerre (sensai fukkō keikaku) de 1946-1947 et se poursuivra également au cours de l’élaboration du Plan régional de la capitale (shutoken seibi keikaku) qui sera publié en 1958.
L’application au travers des plans d’occupation du sol : l’esquisse d’une métropole polycentrée
Jusqu’à ce premier plan de la région Capitale, les plans d’utilisation des sols (yōto chiikitō toshikeikaku zu) constituent les instruments uniques – et donc majeurs – de régulation urbaine à toutes les échelles.
Rappelons brièvement le contenu d’origine de la première réglementation en matière de désignation de l’occupation des sols, actée par les premières lois d’urbanisme et de construction de 1919[17]. En-dehors des zones en attente, c’est-à-dire non encore classées (michitei), trois catégories principales sont distinguées : résidentielle (jūkyo chiiki), commerciale (shōgyō chiiki) qui inclut les activités tertiaires, et industrielle (kōgyō chiiki). Ce classement correspond à des différenciations réglementaires en termes de fonction, d’emprise au sol et de hauteur des constructions. En matière d’utilisation du sol et de hauteur bâtie, les catégories « commerciale » et « industrielle » sont les plus souples : des taux d’emprise au sol et des plafonds de hauteur bâtie élevés y sont autorisés. Destinée à être mixte, dense et la plus verticale, la catégorie « commerciale » est considérée de fait comme la plus « urbaine »[18].
Type de quartier | Utilisation désignée | Taux immeuble / terrain | Hauteur absolue |
---|---|---|---|
Quartier d’habitation | Sont proscrits : – usines (15 ouvriers ou plus) – garages (cinq véhicules ou plus) – théâtres, cinémas, restaurants, etc. – entrepôts de location – crématoires, abattoirs, usines d’incinération de déchets |
6 / 10 ou moins | 19,60 m ou moins (*) |
Quartier commerçant | Sont proscrits : – usines (50 ouvriers ou plus) – crématoires, abattoirs, usines d’incinération de déchets |
8 / 10 ou moins | 30,30 m ou moins (**) |
Quartier industriel | Occupation libre (bâtiments classés comme autorisés exclusivement dans les quartiers industriels). | 7 / 10 ou moins | |
Quartier non qualifié | Occupation libre, à l’exception des grandes usines et entrepôts traitant des matières toxiques ou dangereuses. |
(*) Soit 65 shaku ; le shaku est une unité de mesure qui correspond à un pied (30,3 cm).
(**) Soit 100 shaku, et souvent arrondis à 31 m.
Tableau : Extrait de la classification en zones d’utilisation dans le cadre du nouveau Code de la construction des zones urbaines à Tōkyō en 1919. Source : Ville de Tōkyō (sous la direction de), Cent ans d’urbanisme à Tōkyō, coll. Bibliothèque municipale de Tōkyō, n° 28, Tōkyō, Ville de Tōkyō, 1994, p. 21.
En 1925, deux ans après le Grand séisme du Kantō, le premier découpage de la ville de Tōkyō selon ce principe de zonage est adopté (Tōkyō-shi keiriyô chiiki). Il établit en réalité six zones distinctes : résidentielle, commerciale, industrielle, industrielle spéciale, de voies commerciales, non spécifiée. Il couvre cependant un territoire à peine supérieur à celui qui est défini par les limites communales officielles (soit celles de 1878), et présente en cela un décalage entre territoire habité et territoire planifié, entre ville centrale et ville périphérique. Dans le cas de la catégorie dite « commerciale », à la fin de l’ère Taishō, soit environ un demi-siècle après la restauration de Meiji, cette première délimitation est encore très empreinte de l’héritage morphologique de l’époque féodale.
À partir de 1929, le découpage en six zones est appliqué à un territoire plus vaste qui correspond plus ou moins à l’aire de planification urbaine[19] définie sept ans auparavant. Les zones désignées lors du premier plan d’occupation des sols de 1925 sont simplement étendues jusqu’aux nouvelles limites administratives (au nord-est, au-delà de l’Arakawa, à l’ouest, et au sud jusqu’à la Tama-gawa), renforçant ainsi l’approche radioconcentrique voire isotropique de la métropole. Cet agrandissement d’un territoire métropolitain contrôlé en matière d’utilisation des sols s’accompagne d’un élargissement de la zone dite commerciale, soit de la centralité de Tōkyō. Mais il ne s’agit pas ici d’un simple prolongement de la zone délimitée précédemment. Au contraire, cette mise à jour définit une figure éclatée qui intègre des quartiers commerciaux périphériques développés au niveau des gares situées à l’interface de la ville-centre et des banlieues ouest – dont l’urbanisation s’est encore accrue après les destructions de 1923[20]. Le centre économique historique de Tōkyō n’est plus le seul point focal de la grande métropole moderne : c’est aussi un chapelet de centralités organisées autour de carrefours de transports collectifs, qui oriente les principes de planification à l’échelle métropolitaine.
Enfin, en 1935, la révision du plan d’utilisation des sols couvre cette fois la superficie des 35 arrondissements désignés en 1932[21]. En intégrant de nouvelles zones commerciales périphériques, correspondant aux développements commerciaux des quartiers de gare suburbains, la reconnaissance – par défaut ? – d’une métropole polycentrée est à l’œuvre[22]. Cette figure émergente du Grand Tōkyō, inscrite dans les plans de désignation de l’utilisation des sols sans être projetée par un quelconque plan d’aménagement, témoigne d’un changement de pratique (et d’outil) dès lors que l’échelle à gérer atteint un niveau difficile à maîtriser.
[ Voir Fig. 8 , 9 et 10 ]
Une nouvelle loi vient conforter, indirectement, cette orientation. En raison d’une concurrence accrue du secteur des transports privés vis-à-vis des tramways municipaux, une loi de régulation des transports terrestres (rikujō kôtsû jigyō chôsei hō) est promulguée en 1938. Elle contraint les compagnies privées à relocaliser leurs terminaux en limite de la ville centre (ici, à l’extérieur de la ligne de ceinture Yamanote). Favorisées par les principes d’utilisation du sol, ces centralités commerciales bourgeonnantes situées à l’interface ville centre/banlieue, se développeront en de véritables centres urbains.[23]
En matière de maîtrise de la croissance urbaine, l’inefficacité des méthodes et outils empruntés aux cultures occidentales – notamment européennes – dès les prémices de la mise en place du nouveau système d’urbanisme par le Gouvernement au cours des ères Meiji et Taishō, a été maintes fois dénoncée par les historiens de l’urbanisme (japonais ou étrangers) : « […] Ni la forme de la ville ni celle de sa croissance n’ont été gérées par la planification urbaine, malgré les destructions récurrentes au cours du xxe siècle. »[24] Un autre exemple de critique, à propos du système de zonage adopté à cette époque, va dans le même sens : « Et le système d’utilisation des sols, destiné à préparer l’environnement en classant l’aire urbaine selon ses usages variés tels que habitat, commerce et industrie, ne fut guère efficace. »[25]
L’examen de ces deux outils de planification/régulation du territoire métropolitain de Tōkyō jusqu’à la Seconde Guerre mondiale montre en réalité deux pratiques parallèles : l’une, d’ordre théorique, qui se heurte aux contraintes économiques, foncières, etc. de l’époque ; l’autre, pragmatique car en prise avec les moteurs réels de l’urbanisation. D’une part, les tentatives de maîtrise de l’urbanisation par le dessin d’une figure idéale à grande échelle n’ont pas abouti (le modèle de ceinture verte n’a jamais été réalisé, le bouclage des anneaux routiers est toujours d’actualité) ; d’autre part, le principe de différentiation centre/périphérie n’a pas freiné et encore moins stoppé l’urbanisation.
Les orientations des plans d’utilisation du sol ont en revanche posé les jalons d’une métropole polycentrique : la figure que le Gouvernement métropolitain reprendra officiellement après la Reconstruction (1945-1955) pour tenter – à nouveau – d’organiser son gigantesque territoire et maîtriser l’étalement urbain.