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DOI

10.25580/IGP.2019.0034

Olivier Ratouis

Avec ces trois interventions, on a vu aborder la question des circulations d’idées, de projets, de réflexion. Les avoir placées de manière conjointe donne à entendre des choses qui sont très intéressantes dans la perspective qui consiste à étudier les effets de distance dans les dynamiques transnationales (proximités comme écarts). Je m’interroge sur un point en particulier qui porte sur la place de la standardisation dans l’idée que l’on se fait de cités-jardins, à la fois en matière de conception et de réalisation. En effet, le modèle anglais a donné autorité aux compétences artisanales, à l’opposé du mouvement modernitste conduisant de manière plus privilégiée au standard. Qu’en pense Elsa Vonau notamment ?

À propos de l’Espagne j’aimerais savoir comment les idées énoncées dans les congrès interalliés sont reformulées lorsqu’elles sont « nationalisées » ; d’ailleurs peut-on dire qu’elles sont « nationalisées » ?

 

Gilles Montigny

J’aimerais faire une remarque à propos de l’intervention de Laurent Coudroy de Lille et plus particulièrement au sujet de l’économie. Si la manière dont l’économie est abordée dans La vie urbaine pourrait peut-être surprendre vu les approches qu’on en fait aujourd’hui, je rappellerai simplement la définition qu’en l’avait donnée Alfred Marshall, le grand économiste britannique cambridgien: « l’économie politique c’est l’affaire de la vie de tous les jours des gens ». Finalement la conception qu’on en trouve dans La vie urbaine est en conformité avec cette manière de concevoir l’économie politique.

 

Viviane Claude

J’ai deux suggestions à faire à la suite de la présentation concernant Schöneberg. J’ai travaillé sur Strasbourg et je me suis intéressée à la façon dont a été ouverte cette grande avenue nommée avenue des grandes arcades. L’expropriation s’est faite dans le secret, on a fait appel à des banques pour négocier avec les propriétaires et les habitants, qui sont en quelque sorte délogés, se retrouvent dans la cité jardin que vous avez citée. C’est étonnant parce qu’on n’imagine pas faire dans le secret une ouverture de voie comme celle-là. Deuxième remarque, vous avez parlé de taylorisation, de standardisation… or c’est en Allemagne dans les années 1930 qu’est publié un ouvrage fantastique sur les normes qui s’appelait le Neufert. Le Neufert a été traduit dans de multiples langues. En termes de comparaison ça serait quand même extraordinaire de voir comment il a été traduit dans les différentes langues sachant que dans cet ouvrage qui est un manuel des éléments de construction, vous avez tout : de la taille des poulaillers aux voiries en passant par les tailles humaines moyenne. Je sais qu’en Corée du Sud, par exemple, il a été traduit. J’aimerais bien savoir comment ces normes ont été transposées dans d’autres contextes. C’est un sujet qui dépasse tout à fait la journée d’aujourd’hui mais je pense qu’il y a vraiment quelque chose à faire

 

Laurent Coudroy de Lille

Pour revenir à l’économie et répondre à Gilles Montigny, la Vie urbaine sous-entend la dimension politique de cette discipline. Et par ailleurs, sans doute y a-t-il un changement qui s’opère à ce moment-là par rapport l’économie politique issue du XIXe siècle… mais ce qui est intéressant c’est aussi le rôle joué par cette notion dans cette revue, et ceci à travers les différents articles, numéros, chroniques. Il y a des effets de mise en série (histoire, géographie et économie) dans le projet d’annoncer ce que nous appelons aujourd’hui une interdisciploinarité… mais aussi car l’économie qui devient un peu la catégorie fourre-tout fait le lien. Dans quelle mesure cet usage est-il particulier dans ce corpus ?

 

Elsa Vonau

J’aimerais revenir à l’idée qu’il serait assez curieux que la cité-jardin serve de support à des efforts de rationalisation. Il m’est difficile de trouver cela curieux parce qu’à partir du moment où le projet passe de l’état d’utopie à l’étape des réalisations concrètes, notamment dans un contexte d’architecture sociale qui est tributaire des apports de fonds, se pose la question des coûts de la construction. Comme il faut les réduire au maximum, c’est à ce moment-là que ces expériences de standardisation sont tentées.

 

Hartmut Franck

J’ai été très intéressé par la présentation d’Elsa Vonau et, dans le cas de Wagner, il faudrait aussi mentionner sa thèse de doctorat qui est très importante pour comprendre la transformation de l’idée de cité jardin. Et il faudrait mentionner aussi ses relations avec les cercles économiques. En Allemagne il y a des économistes qui s’occupaient depuis le début des années 1890 des questions de spéculation urbaine, des logements, il y a une abondante littérature là-dessus. C’est important pour entendre le rôle de Wagner dans la politique sociale-démocrate. Ce qui est intéressant aussi c’est que ces économistes sont des libéraux, pas des socialistes.

Par ailleurs, je trouve que la liaison que vous avez établie entre Strasbourg et Schöneberg est passionnante.

 

Cédric Fériel

J’aimerais poser une question à Maria Cristina García González. Je me suis un peu intéressé à ces rencontres internationales et je trouve qu’il est difficile de mesurer l’impact de ces rencontres internationales concrètement sur le terrain. Vous parlez des répercussions en Espagne notamment du cas de trois villes : Bilbao, Barcelone et Madrid. Je voulais savoir si pour vous c’était vraiment ce congrès qui avait eu un impact sur ces trois villes ou si ça s’inscrit dans un mouvement plus long ?

 

María Cristina García González

C’est le réseau d’interconnaissance, de tous les supports de diffusion d’idées qui fonctionne. Et il ne faut pas oublier la question de la compréhension des langues ; César Cort, notamment, parlait français. D’autre part la diffusion via les ouvrages se fait beaucoup avec des images.

 

Un(e) intervenant(e) non identifié (e):

Dans de nombreuses interventions, on évoque en filigrane des paysagistes. Il n’y a pas que les congrès, il y a aussi le fait que l’absence de politique véritable en matière d’espaces verts fait que beaucoup d’entre eux vont travailler à l’étranger. Tout à l’heure on a vu Édouard Redont qui était dans les équipes du concours et qui travaille beaucoup en Roumanie. Et puis Rubio y Tudurí qui travaille avec Forestier quand celui-ci vient travailler beaucoup en Espagne. Et tout ça aussi c’est un vecteur de diffusion assez important d’idées et d’échanges.

 

Beatriz Fernández Águeda

Je pense que Claude-Nicolas Forestier est vraiment au centre de tous ces échanges, d’une part entre la France et l’Espagne bien sûr, mais aussi avec l’idée des systèmes de parcs, sans compter son passage en Amérique Latine. Dans ce rôle de passeur je pense que Forestier est vraiment une figure centrale.