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DOI

10.25580/IGP.2019.0026

Emmanuel Bellanger

On a entendu la restitution de deux dynamiques urbaines totalement différentes, celle du Grand Berlin et celle du Grand Paris. J’ajouterai un élément de contexte important pour le Grand Paris ; la métropole concentre la moitié de la croissance urbaine française du XIXe siècle et du début du XXe. On peut donc incontestablement mesurer à partir de cette pression démographique et de la profonde transformation du peuplement de l’agglomération parisienne, les enjeux qui en découlent en termes de pacification et de planification qui ont été évoqués. L’entre-deux-guerres voit l’émergence d’un nouvel acteur collectif, la Seine banlieue, avec ses associations d’élus et ses nouveaux instruments de gouvernance.

 

Florence Bourillon

Très intéressante dans ces interventions est la question de la loi et les enjeux juridiques. On voit bien, par exemple à Paris que la limite de la commune est un problème majeur. Vous avez surtout parlé des fortifications, de ce qui pouvait les remplacer mais en fait c’est la limite communale qui pose le problème le plus compliqué. Je ferai une remarque sur les lotissements développés dans ce qu’on appelait autrefois la petite banlieue c’est-à-dire le Mur des Fermiers généraux. La thèse très récente d’Alexandre Frondizi montre qu’en fait cela était très concerté : on a construit sur la zone non aedificandi, en plein accord avec les communes, des lotissements que des lotisseurs privés ont créés avec une véritable ambition urbaine, une ambition d’aménagement.

Cette position-là, je pense qu’on la retrouve de tout temps dans tous les exemples que vous avez cités, ce qui me paraît très intéressant. À quel niveau intervient la loi ? À quel moment est-on dans l’illégalité ou au contraire dans la légalité ?

Je rappellerai aussi à propos de la période haussmannienne qu’Haussmann voulait exproprier la zone pour en faire un immense parc autour de Paris

 

Emmanuel Bellanger

Pour compléter l’interrogation et la remarque de Florence Bourillon, il me semble qu’avec la loi de 1919 sur les PAEE, le législateur consacre l’échelle communale comme l’échelle de la planification. Or, au même moment, André Lortie et vous tous avez souligné que, finalement, la période de l’entre-deux-guerres est aussi le moment où la commune n’est déjà plus l’échelle pertinente pour administrer, gouverner et donc planifier les agglomérations et singulièrement la métropole du Grand Paris. Pourquoi, dans ces circonstances, lorsque cette loi est discutée, en arrive-t-on à privilégier l’échelle communale alors que les administrateurs des territoires sont déjà confrontés à des enjeux métropolitains ?

 

Corinne Jaquand

C’est vrai que cette question du juridique est essentielle aujourd’hui. Je pense qu’il faut l’aborder à deux échelles, il y a la constitution métropolitaine et puis les questions juridiques locales de l’autorisation d’urbanisme. Dans le cas du Grand Berlin, on ne peut pas véritablement avoir la même grille de lecture que pour Paris et sa banlieue. La notion de banlieue telle que nous la concevons ne peut pas être appliquée aux grandes villes allemandes.

 

Charlotte Vorms

Par rapport à cette remarque sur la loi, je pense que ce que ce que dit Florence Bourillon et ce qu’Alexandre Frondizi a mis en évidence pour la petite banlieue peut s’appliquer à tout. L’idée qu’il n’y a pas de régulation sans loi est fausse. Nos sociétés se régulent et on a besoin de la loi quand les conflits deviennent trop importants pour se résoudre tout seuls. Mais on n’a pas attendu la puissance publique pour agir rationnellement et se concerter, c’est une évidence. Ce que je trouve intéressant c’est de voir comment toutes les lois successives rejouent et réorganisent à la fois le regard qu’on porte sur la réalité et ses effets, comment elles créent des frontières spatiales et prétendent réorganiser la réalité.

 

Corinne Jaquand

Il y a eu à Berlin dans ces années 1920 une réflexion physiologique plus générale entre l’organigramme constitutionnel et le rapport à l’administration. Et ce qui m’a toujours frappé c’est que Paris avait une avance avec l’existence d’un département qui était finalement supra-communal, cette avance étant restée inexploitée. On peut se demander pourquoi.

 

Viviane Claude

Pour compléter la remarque de Florence bourillon. Il faudrait, pour l’application de la loi de 1919, considérer les grandes villes françaises qui ne sont pas sous la houlette d’un préfet. Par exemple à Lyon, la seule ville qui a eu un plan d’aménagement et d’embellissement avec une déclaration d’utilité publique c’est Villeurbanne. À Lyon, les travaux de l’ingénieur de la ville sont énormes mais quand on regarde le plan et le tracé on se dit qu’il aurait dû se mettre d’accord avec Vénissieux et d’autres communes limitrophes. La constitution de syndicats intercommunaux —histoire proprement française– ne s’est pas faite… et je voudrais bien connaître d’autres cas où la constitution d’un syndicat intercommunal ou d’une coopération a permis de déboucher sur quelque chose.

 

André Lortie

Je ne sais pas répondre à cette question qui nécessite un travail d’archives. En revanche on peut prendre la situation actuelle comme éclairante. Les communes sont égales en droits, en droit « de » et en droit « à », mais elles ont aujourd’hui beaucoup de difficultés à passer au niveau des organisations intercommunales qui sont imposées par la loi. En 1919, est créé le Bureau de l’extension de Paris avec 78 communes dans le département de la Seine, et d’emblée le quart des communes refusent de se faire indiquer les orientations qui devraient être les leurs en termes d’aménagement.