Le Grand Berlin et l’année 1919
On a évoqué plusieurs fois depuis ce matin les relations qui ont pu exister en matière d’urbanisme entre le milieu français et le milieu allemand avec des références à ce qui se passait de l’autre côté du Rhin pendant ces années 1910 1920.
L’année 1919, pour le Grand Berlin, n’est pas une année charnière. Il faut davantage se référer à 1920 avec l’entrée en vigueur le 1er octobre de la loi sur le Grand Berlin, loi qui a permis la fusion communale à l’échelle métropolitaine telles qu’on la connaît aujourd’hui. On pourrait aussi remonter davantage dans le temps jusqu’en 1912 avec, toujours le 1er octobre, l’entrée en vigueur du Syndicat intercommunal du Grand Berlin, le Verband Grosse Berlin qui a fait l’objet de plusieurs recherches historiques. Pendant longtemps on a focalisé l’histoire du Grand Berlin sur la période de Weimar mais à partir des années 1980 quelques éclairages ont mis en valeur l’importance de l’époque de ce syndicat intercommunal, pendant la petite dizaine d’années préalables à la constitution de la métropole.
Nos collègues historiens allemands ont considéré le syndicat intercommunal plutôt à travers les critiques que lui ont adressé les contemporains. Ces critiques estimaient qu’il y avait dans la création de cette institution une demi-mesure qui aurait finalement retardé la constitution de la métropole. De mon point de vue, c’était une étape préalable très importante qui a permis la constitution de la métropole berlinoise et de ses aménités telle qu’on la connaît aujourd’hui.
Vers un Grand Berlin
Revenons au préalable sur cette question du périmètre de la ville et du rapport entre Berlin et sa proche périphérie, en commençant par l’étape du plan Hobrecht, officialisé en 1862. Dans cette période de la fin des années 1850, la plupart des grandes villes européennes établissent un plan. Dans cette optique de plan d’extension, Berlin procède à l’intégration de quelques quartiers autour de la ville ancienne. Donc le rapport entre Berlin et sa périphérie dans les années 1860 va fondamentalement évoluer en vingt ou trente ans, la métropole connaissant une croissance démographique et économique inouïe pour l’époque dans le contexte européen. Le rapport entre le centre et la périphérie va s’inverser. Si dans un premier temps, la ville de Berlin ne va pas vouloir prendre en charge les nouvelles communes périphériques de banlieue et les considérera plutôt comme une charge, à partir des années 1880 1890, on va voir ce rapport s’inverser et certaines communes vont devenir très importantes. C’est le cas, par exemple, de Charlottenburg, une ville nouvelle avec une industrie florissante et des classes sociales très variés dont, notamment, beaucoup de notables. À partir des années 1890, le centre-ville de Berlin se dépeuple au profit de ses banlieue qui peuvent être des banlieues compactes comme Charlottenburg mais aussi des banlieues vertes, notamment dans le sud-ouest de Berlin. On a donc affaire à des quartiers de la moyenne bourgeoisie qui vont absorber la démographie de Berlin.
Dans cette configuration il est nécessaire de rappeler un moment important, celui d’une initiative lancée par le milieu professionnel, c’est-à-dire les associations d’architectes et d’ingénieurs qui avait, à l’époque, beaucoup d’influence. Ces associations fondent un comité pour le Grand Berlin en 1905 et lancent l’idée d’un concours pour l’ensemble de la région urbaine. Ce concours, organisé en 1909, va être axé sur trois grands volets : l’importance des transports dans la nouvelle configuration métropolitaine, l’importance des systèmes de parcs et l’acquisition foncière concernant l’aménagement de l’espace libre.
En 1913, l’agglomération de Berlin dépasse largement la vieille ville. Berlin est aussi une ville du rail avec d’importants terrains ferroviaires qui pénètrent dans le centre-ville et une ceinture ferroviaire continue très caractéristique. Il faut mentionner aussi l’importance des programmes de lotissements menés par le privé. L’histoire du marché immobilier permet aussi de comprendre cette relation entre le centre-ville et la périphérie.
L’après concours de 1909
Ce Comité du Grand Berlin se met en place entre 1906 et 1907. La première étape consiste à faire une carte, dans la mesure où jusque là, les cartographies étaient très hétérogènes. L’image qui ressort des résultats de ce concours c’est l’idée d’une ville compacte donc relativement dense mais entrecoupés de grandes coulées vertes allant vers les forêts et les lacs de la périphérie. Le territoire est très hétérogène ; on a des villes compactes ainsi qu’une série de villages dans les parties nord et sud qui sont constituées par des cantons. Le Verband va être constitué à la fois d’une assemblée d’élus choisis parmi les conseils municipaux des différentes communes, d’un président et puis surtout d’une administration qui va dans un premier temps être dirigée par Karl Steiniger. Cette administration va s’appuyer aussi sur un comité restreint pour orienter le travail du Verband avec un conseil juridique important. Le principal bilan de ce Verband concerne l’acquisition d’espaces naturels et d’espaces verts notamment sous la direction du service des forêts où on trouve comme collaborateur Martin Wagner qui deviendra le directeur de l’urbanisme du Grand Berlin. Le bilan le plus intéressant concerne la mise en régie des compagnies de transport privées avec dimension juridique importante puisqu’il s’agissait aussi de renégocier avec la ville les contrats et de racheter et de compenser les formes d’expropriations contractuelles.
Cependant, la loi qui rentre en vigueur en 1920 porte sur un territoire beaucoup plus restreint que celui du Verband et celui-ci disparaît en 1920.